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Climat vs biodiversité : pourquoi les éoliennes tuent chaque année des millions de chauves-souris

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Les chauves-souris semblent étrangement attirées par les éoliennes.

Photo: Dmytro Kovalchuk / iStock

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Durée de lecture: 10 Min.

En bref : 

• Selon une étude, des millions de chauves-souris meurent chaque année aux États-Unis après être entrées en collision avec des éoliennes.

• La cause en serait les pales blanches et réfléchissantes, qui trompent les chauves-souris en leur donnant l’illusion d’un ciel nocturne dégagé.

• Des chercheurs indépendants émettent toutefois des doutes sur la validité de l’expérience menée.

• Les mesures de protection mises en place jusqu’à présent donnent des résultats mitigés, tant pour les animaux que pour les exploitants d’éoliennes.

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Selon les estimations de l’ONG allemande NABU (Fédération allemande pour la protection de la nature), environ 100.000 oiseaux périraient chaque année après une collision avec des éoliennes. Le chiffre exact demeure toutefois inconnu, car aucune donnée officielle n’est collectée en Allemagne à ce sujet.

Une étude récente menée aux États-Unis révèle que les installations éoliennes y tueraient bien davantage de chauves-souris que d’oiseaux – plusieurs millions d’individus chaque année. La cause des accidents est claire : les petites chauves-souris entrent en collision avec les immenses pales des turbines. Ce qui reste débattu, en revanche, c’est la raison pour laquelle ces animaux s’approchent aussi près de ces dangers en rotation.

Les éoliennes attirent les chauves-souris

Les chauves-souris semblent étrangement attirées par les éoliennes. Elles volent à proximité de ces immenses machines productrices d’énergie et passent beaucoup trop de temps autour de leurs mâts et de leurs pales, avec pour conséquence des collisions souvent mortelles.

De nouvelles expériences suggèrent que la lumière pourrait être l’une des causes de ces accidents. Les chauves-souris s’orientent en effet grâce à la luminosité du ciel dégagé, un repère visuel qui serait faussé par la lumière réfléchie par les pales blanches et brillantes des éoliennes.

À l’instar des papillons de nuit attirés par la lumière, ces reflets tromperaient les chauves-souris, les amenant à s’approcher dangereusement des turbines — jusqu’à provoquer une série de collisions fatales, expliquent les chercheurs dans leur étude.

[pullquote author= »Jack Hooker, biologiste spécialiste des chauves-souris, non impliqué dans les travaux » org= » »]C’est le genre d’étude que l’on ne voit pas souvent[/pullquote]

Contrairement à de nombreuses recherches de grande ampleur menées sur la mortalité des chauves-souris à proximité des parcs éoliens, cette nouvelle étude se concentre sur une cause potentielle précise et la teste à travers des expériences ciblées.

La lune pourrait créer des reflets capables de tromper les chauves-souris. (photo Armbrecht/iStock)

Les yeux plutôt que les oreilles

Il est connu depuis longtemps que les chauves-souris utilisent le ciel dégagé comme repère visuel pour s’orienter. Les zones plus claires dans leur champ de vision flou leur indiquent la direction du ciel, qu’elles suivent pour se déplacer.

Partant de ce constat, l’écologue Kristin Jonasson et ses collègues ont émis l’hypothèse que les pales des éoliennes pourraient, au crépuscule, réfléchir suffisamment la lumière de la lune pour imiter la clarté du ciel nocturne — attirant ainsi les chauves-souris.

Pour tester cette idée, les chercheurs ont capturé dans la nature deux espèces nord-américaines : la chauve-souris cendrée (Lasiurus cinereus) et la chauve-souris argentée (Lasionycteris noctivagans), deux espèces particulièrement touchées par les collisions avec les éoliennes.

De retour au laboratoire, ils ont placé les animaux dans un labyrinthe obscur muni de deux sorties : l’une partiellement obstruée par une pale blanche reflétant une lumière artificielle imitant celle de la lune, et l’autre libre d’accès. Le résultat fut sans appel : près de 75 % des chauves-souris cendrées et presque toutes les chauves-souris argentées — à l’exception d’une seule — ont volé vers la pale blanche.

[pullquote author= »Kristin Jonasson » org= » »]Leur écholocalisation leur indiquait clairement qu’une sortie était totalement libre, et pourtant, elles ont volé vers celle [partiellement] obstruée[/pullquote]

Selon les chercheurs, leurs résultats suggèrent que les chauves-souris se fient davantage à leur vue qu’à leur écholocalisation (leur sonar naturel) pour trouver une issue. Dans la nature, elles pourraient théoriquement utiliser leur sonar pour éviter les pales des éoliennes, mais le bruit constant des turbines pourrait rendre cette détection plus difficile.

Des critiques sur l’expérience

Affaire classée ? Pas tout à fait, estime Christian Voigt, biologiste à l’Institut Leibniz de recherche sur les zoos et la faune sauvage, qui n’a pas participé à l’étude. Selon lui, les deux espèces de chauves-souris utilisées dans l’expérience dorment habituellement dans les arbres et n’ont pas pour habitude de voler dans des tunnels.

L’expérience représenterait donc, selon le chercheur, une mauvaise approximation de leur comportement en milieu naturel. Il ajoute que le contact inhabituel avec les humains a pu stresser les animaux, ce qui pourrait avoir biaisé les résultats.

Parmi les autres causes possibles des collisions mortelles, Christian Voigt évoque les turbulences d’air provoquées par les immenses pales des éoliennes, ainsi que le bruit des installations, susceptibles de perturber la navigation des chauves-souris. Il juge également plausible que les animaux confondent les mâts des turbines avec des arbres, sur lesquels ils ont l’habitude de se percher.

Le biologiste Jack Hooker avance, lui, une autre hypothèse de l’attrait des éoliennes pour les chauves-souris :

[pullquote author= » » org= » »]Il existe aussi des indices montrant que les chauves-souris sont attirées par les insectes qui se rassemblent autour des éoliennes[/pullquote]

Les turbulences de l’air et les sons trompeurs produits par les éoliennes ne sont pas les seuls responsables : la chasse aux insectes pourrait elle aussi expliquer la surmortalité des chauves-souris à proximité des éoliennes. (photo Paul Colley/iStock)

Protéger les chauves-souris avec de la peinture
Pour espérer protéger ces animaux, il faut d’abord comprendre clairement leur comportement et leurs motivations. Ce n’est qu’à cette condition que les accidents pourront être efficacement évités, tant pour les chauves-souris que pour les exploitants d’éoliennes.
Les mesures de protection actuelles comprennent notamment l’émission de sons ultrasoniques destinés à perturber l’écholocalisation des chauves-souris et à les dissuader de s’approcher des éoliennes. Une autre méthode consiste à arrêter temporairement les turbines pendant les périodes d’activité maximale des chauves-souris.
La première approche a donné des résultats mitigés, tandis que la seconde déplaît aux exploitants d’éoliennes. Ainsi, aux Pays-Bas, en 2023, certaines éoliennes ont été arrêtées pour la première fois afin de laisser le champ libre aux oiseaux migrateurs pendant leur passage. Mais durant ces périodes d’arrêt, les exploitants ne produisent pas d’électricité — et donc n’en tirent aucun revenu.
Par ailleurs, arrêter une éolienne ne signifie pas qu’elle soit totalement immobile. En général, il est simplement exigé que les turbines ne tournent pas à plus de deux rotations par minute durant ces périodes. Même à cette vitesse réduite, les extrémités des pales des grandes éoliennes peuvent encore atteindre plus de 50 km/h. Or, les chauves-souris locales volent à une vitesse de 20 à 30 km/h, ce qui se traduit, en cas de collision, par des impacts pouvant atteindre jusqu’à 75 km/h — toujours mortels pour ces petits animaux.
[pullquote author= » » org= »Kristin Jonasson »]Si nous parvenons à identifier des couleurs moins attirantes pour les chauves-souris, nous pourrions peut-être concilier le développement de l’énergie éolienne et la protection de ces animaux [/pullquote]
Une alternative envisageable serait de modifier la couleur des pales afin qu’elles réfléchissent moins la lumière de la lune. La couleur noire, en revanche, est exclue, car elle rendrait les turbines moins visibles pour les avions et absorberait davantage de chaleur, risquant ainsi d’endommager les structures.
L’étude a été publiée le 13 août 2025 dans la revue scientifique Biology Letters.
Diplômé en ingénierie industrielle, Tim Sumpf s'est spécialisé dans les énergies renouvelables, la durabilité et l'économie circulaire. En tant que responsable du département « Connaissances » et statisticien, il a également couvert les thèmes du climat, de la recherche et de la technologie.

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