« Comment expliquer à mes enfants que le meurtrier n’ira pas en prison ? » : l’épouse d’Alban Gervaise s’indigne face à l’irresponsabilité pénale

Par Emmanuelle Bourdy
26 juin 2025 18:01 Mis à jour: 26 juin 2025 18:01

Alors que le meurtrier d’Alban Gervaise – médecin militaire de 41 ans tué de plusieurs coups de couteau en 2022 devant l’école de ses enfants à Marseille – vient d’être déclaré pénalement irresponsable ce mercredi 25 juin, l’épouse de la défunte victime s’indigne d’une telle mesure car cela signifie que Mohamed L. ne sera pas jugé.

Dans son arrêt daté de mercredi, la Chambre de l’instruction de la Cour d’appel d’Aix a estimé que Mohamed L., l’assassin d’Alban Gervaise, « se trouvait atteint au moment des faits d’un trouble psychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes ». Par conséquence, elle l’a déclaré « irresponsable pénalement » et a ordonné son « hospitalisation complète » en psychiatrie, sans précision sur une éventuelle durée, selon cette décision initialement révélée par Le Figaro.

Trois expertises psychiatriques ont conclu à l’abolition de son discernement

« Je pars chercher les enfants » est le dernier message écrit par Alban Gervaise à son épouse Christelle, ce funeste 10 mai 2022 à 17 h 46. Il devait en effet récupérer sa fille à la crèche, ainsi que ses deux fils, âgés de 3 et 7 ans, à l’école catholique Sévigné située dans le quartier du Merlan au nord de la ville.

Alors qu’il se trouvait devant l’établissement scolaire de ses fils, il a été violemment attaqué par Mohamed L., aujourd’hui âgé de 27 ans. Lorsque l’attaque s’est produite, sa petite fille de 20 mois était à l’arrière de sa voiture. Malgré l’aide de passants et les soins prodigués durant deux semaines à l’hôpital, le père de famille, poignardé au thorax, à la gorge et à l’abdomen, est décédé quelques jours plus tard, le 26 mai 2022.

Il n’y aura donc pas de procès pour l’auteur de ce crime sans nom – qui avait déclaré devant les enquêteurs avoir agi « au nom de Dieu » puis avait évoqué « le diable » – les trois expertises psychiatriques ayant conclu à l’abolition de son discernement au moment des faits. Il a néanmoins interdiction d’entrer en contact avec la famille de la victime pendant 20 ans et de détenir ou porter une arme sur la même durée.

Malgré son irresponsabilité pénale, la Chambre de l’instruction a estimé que Mohamed L. était « civilement responsable » et l’a condamné à verser aux parties civiles, notamment l’épouse d’Alban Gervaise et leurs enfants, des sommes conséquentes au titre de différents préjudices qu’ils ont subi avec cette perte.

Confrontée à l’incompréhension de ses enfants

Mais pour Christelle Gervaise, le fait que Mohamed L. ne soit pas jugé est une nouvelle angoissante qui ne fait qu’accentuer son chagrin et celui de ses proches. « Comment expliquer à ses enfants que le meurtrier de leur père ne va pas en prison ? » pointe-t-elle dans une interview accordée au Figaro. « Mes enfants m’ont dit : ‘Ce n’est pas juste, c’est très grave ce qu’il a fait. Il faut qu’il y ait une grosse punition’. Je leur ai dit qu’il était trop malade pour aller en prison et qu’il allait aller très longtemps à l’hôpital. »

Mais derrière cette simple explication se cache beaucoup de peur, celle d’une récidive une fois l’individu libéré de l’hôpital, comme dans l’affaire récente du meurtre de François L. à Livry-Gargan (Seine-Saint-Denis), où le tueur, déclaré lui aussi pénalement irresponsable, avait déjà tué un homme en 2015.

« Je ne souhaite pas qu’il y ait de nouvelles vies brisées », martèle Christelle Gervaise, consciente que lorsque l’hospitalisation de cet individu prendra fin, sa sortie devra être validée par deux experts psychiatres, avant un suivi en soins ambulatoires.

Une possible simulation de troubles pour échapper à une condamnation pénale

Parmi toutes les questions qui taraudent la mère de famille, celle de savoir pourquoi les expertises psychiatriques se basent majoritairement « sur ce que cette personne allègue » est d’une importance capitale. « J’attends toujours qu’on me présente un témoin qui me dise qu’il était délirant le jour de l’agression. S’il était délirant, pourquoi était-il apte au moment de la garde à vue ? Pourquoi n’a-t-il pas été conduit en psychiatrie dès le départ ? » s’interroge-t-elle.

Selon les experts, Mohamed L. présenterait les signes d’un début possible de schizophrénie et aurait été victime d’une « bouffée délirante aiguë » le jour du meurtre d’Alban Gervaise. Pourtant, il n’avait jamais été hospitalisé avant 2022. D’après ses proches, cet état aurait été déclenché par un épisode d’exorcisme vécu quelques années plus tôt, précisent nos confrères.

D’abord incarcéré entre mai et août 2022 à la prison des Baumettes à Marseille, où il a tenté d’agresser un surveillant, il a ensuite été transféré en hôpital psychiatrique dans une unité pour malades difficiles (UMD). Cependant, en juin 2024, il a été placé au sein d’une unité hospitalière spécialement aménagée (UHSA), normalement réservée à des patients considérés comme moins dangereux.

Le quotidien rapporte qu’un policier a décrit une attitude « discordante » du criminel, différente selon qu’il se trouvait en cellule ou face aux médecins. Par ailleurs, l’un des psychologues aurait reconnu qu’il pouvait avoir simulé des troubles pour échapper à une condamnation pénale.

La loi ne garantit pas l’absence de récidive chez ce type de profil

L’épouse d’Alban Gervaise se demande s’il est « cohérent de faire une expertise psychiatrique quatre mois après les faits dans des affaires si graves ». Elle s’interroge aussi sur le suivi des patients, en particulier sur les moyens à mettre en place pour garantir que « cette personne ne sera plus dangereuse pour la société », mais aussi sur les risques liés à un patient « qui ne prendrait pas son traitement et s’exposerait à une rechute délirante ».

Depuis la mort de son mari, Christelle Gervaise multiplie donc les démarches pour faire avancer le débat sur la question épineuse de l’irresponsabilité pénale et alerter sur les risques de récidive et les lacunes dans le suivi des patients psychiatriques, soulignant que la loi actuelle ne garantit pas l’absence de récidive chez ce type de profil. Elle est allée jusqu’à interpeller les ministères de l’Intérieur et de la Justice par courrier, et a même été reçue par Emmanuel Macron en 2023. Cependant, malgré tous ses efforts, elle constate avec dépit qu’aucune mesure concrète n’a vu le jour.

« Le manque d’Alban laisse un voile gris sur nos vies »

Dans son combat, Christelle Gervaise s’est également engagée au sein de l’association Delphine-Cendrine, qui rassemble des familles de victimes tuées par des personnes reconnues pénalement irresponsables et dont l’objectif est de contribuer à ouvrir un débat de société sur l’irresponsabilité pénale, afin de « faire évoluer les choses ».

En parallèle, depuis cette date fatidique du 10 mai 2022, cette famille endeuillée est condamnée « à ne plus vivre un bonheur plein et entier » et tente de se reconstruire. « Le manque d’Alban laisse un voile gris sur nos vies », confie la veuve du médecin militaire. Et d’ajouter : « Nous parvenons à grappiller de beaux moments de bonheur ensemble mais ils sont toujours voilés. Noël, anniversaires, vacances… Alban n’est plus là ! » Elle conclut : « On essaye quand même d’avancer tous les quatre, de faire un effort permanent pour réussir à être un petit peu heureux. »

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