Comment l’exposition universelle de 1939 a prédit l’avenir de l’Europe

Dans « Cette semaine en histoire », une vallée de cendres devient le site de la deuxième plus grande exposition universelle d'Amérique, qui présente un aperçu de la ville moderne

Par Dustin Bass
29 avril 2024 15:34 Mis à jour: 29 avril 2024 15:34

« C’est une vallée de cendres, une ferme fantastique où les cendres poussent comme du blé pour former des crêtes, des collines et des jardins grotesques ; où les cendres prennent la forme de maisons, de cheminées et de fumées montantes et, enfin, avec un effort transcendant, d’hommes qui se déplacent faiblement et s’effritent déjà dans l’air poudreux. » F. Scott Fitzgerald, le grand romancier américain, a décrit Flushing de manière saisissante dans son roman classique The Great Gatsby. Dans une description plus prosaïque, le colonel Henry Welles Durham, du Corps of Engineers Reserve, a décrit l’emplacement comme « un marais de 5 km de long et de 1,6 km de large dans sa plus grande étendue » où « pendant plus de trente ans, des portions de ce marais ont été utilisées comme décharge municipale, et quelque 50.000.000 de mètres cubes de cendres et de déchets y ont été déposés » où « le remblai a atteint à certains endroits une profondeur totale de plus de 38 m et son poids a forcé la surface du marais à descendre de 9 à 12 m en dessous du niveau original ».

Pour Robert Moses, commissaire aux parcs de la ville de New York et communément appelé le « maître d’œuvre » de la ville au XXe siècle, Flushing était l’endroit idéal pour construire une ville nouvelle, bien que temporaire. Flushing deviendra le site de l’exposition universelle de 1939.

Bien que le pays soit en plein marasme au plus fort de la Grande Dépression, l’Exposition universelle de 1939 à New York va promouvoir l’espoir en l’avenir avec le slogan « L’aube d’un jour nouveau ». La ville de New York a contribué à hauteur de l’équivalent de 24 millions d’euros au budget de l’exposition, qui s’élevait à 88 millions d’euros. Pour cette exposition universelle, au lieu de se concentrer principalement sur les technologies innovantes et les nouvelles inventions, New York présentera une vision de ce à quoi les villes pourraient ressembler à l’avenir. Mais cette vision devait tout d’abord être construite.

Construite sur des cendres

Avant que la construction de cette ville modèle ne commence, Flushing, ou ce qui deviendra plus tard Flushing Meadows-Corona Park dans le Queens, doit être complètement transformé. Camions-bennes, grues, bulldozers et ouvriers du bâtiment ont enlevé les débris, nivelé les montagnes de cendres et remblayé les marais salants afin d’établir une base solide et stable sur une superficie de 1200 acres. Ainsi, pendant que la construction se poursuivait à Flushing, les préparatifs pour les expositions étaient en cours, 60  pays (à l’exception de la Chine et de l’Allemagne), 33 États, un territoire des États-Unis (Porto Rico), la ville de New York et diverses entreprises allaient créer leurs propres expositions pour les présenter aux 100 millions de visiteurs prévus.

L’exposition universelle de New York de 1939 dans ce qui est aujourd’hui le Flushing Meadows-Corona Park. (Domaine public)

La conception de l’exposition universelle était divisée en neuf aires : Divertissement, Communications et systèmes commerciaux, Intérêts communautaires, Alimentation, Gouvernement, Médecine et santé publique, Production et distribution, Science et éducation, et Transports. Le choix d’un thème futuriste coïncide parfaitement avec l’arrivée du célèbre artiste et concepteur publicitaire français Adolphe Jean-Marie Mouron, connu sous le nom d’A.M. Cassandre. Cassandre était connu pour son concept artistique appelé Art déco. Il s’est installé à New York à l’époque où la ville de New York s’est vu attribuer le site de l’exposition universelle de 1939. Il avait été engagé par Harper’s Bazaar pour dessiner ses couvertures ; il en a dessiné 38 de 1936 à 1940.

L’affiche créée par Joseph Binder (1898-1972) pour l’exposition universelle de New York en 1939 (Domaine public)

Thèmes et structures

Le thème visuel était purement Art déco, des polices de caractères ornant les bâtiments jusqu’aux affiches publicitaires faisant la promotion de l’exposition, en passant par la construction des bâtiments et des véhicules de transport de l’exposition. Les bâtiments abritaient Ford Motor Company, Elgin Watch, Swift Corporation, B.F. Goodrich Tire, Borden’s Dairyland, Beech Nut, Kraft Foods et Continental Baking, le fabricant du pain Wonder Bread. Westinghouse disposait d’une salle d’énergie (Hall of Power) et d’une salle de l’électricité (Hall of Electrical Living) où était exposé Elektro, l’homme-moto Westinghouse qui marchait, parlait et fumait des cigarettes. General Motors avait installé son manège « Futurama » qui s’étendait sur 0,5 km, couvrant 10.700 mètres carrés, et qui montrait ce que serait l’Amérique en 1960. National Cash Register avait exposé une énorme caisse enregistreuse au sommet de son bâtiment. Il y avait aussi le bâtiment des textiles, le bâtiment des exposants en alimentation, le bâtiment administratif, le bâtiment de l’aviation et le bâtiment des services électriques avec une sortie en cascade. Il y avait aussi l’« Aquacade » de Billy Rose dans l’amphithéâtre marin, le Jungleland de Frank Buck, les fontaines d’eau de Consolidated Edison, des lagunes avec des statues massives alignées sur les bords de l’eau, et une aire d’amusement pour les enfants.

Les spectateurs regardant l’Aquacade Billy Rose lors de l’Exposition universelle de 1939-1940 (Waeltkm/CC BY-SA 4.0)

L’exposition The Road of Tomorrow  (La route de demain) montrait comment les routes du futur pourraient être fabriquées à partir d’une composition de liège et de caoutchouc. Il y avait également l’exposition du train Coronation Scot de Grande-Bretagne, véritable représentation industrielle de l’ère Art déco, envoyé avec le message d’espoir que « l’exposition universelle et cette nouvelle visite d’un train LMS coïncideront avec une nouvelle période de paix et de prospérité pour nos deux nations ».

L’une des expositions les plus mémorables était celle de Radio Corporation of America (RCA) et de sa télévision, qui présentait des discours enregistrés d’Albert Einstein et du président Franklin D. Roosevelt.

Les structures et expositions les plus remarquables étaient sans doute le Périsphère et le Trylon, situés au centre de l’Exposition universelle. Ces deux structures sont devenues le symbole de l’Exposition universelle de 1939, figurant en bonne place sur la plupart des images publicitaires. Le Périsphère était une sphère de 61 mètres de large qui abritait une ville futuriste « utopique » appelée « Democracity » ; il contribuait à illustrer le thème de l’exposition, « Le monde de demain ». Les visiteurs pouvaient admirer l’immense diorama de la ville, avec ses parcs, ses lacs, ses autoroutes et ses gratte-ciel, en se tenant debout sur le trottoir circulaire mobile. Le plus grand escalier mécanique du monde, appelé Helicline, reliait le Perisphere au Trylon, haut de 186 mètres, et s’étendait sur environ 305 mètres.

Photo de la périsphère par Leo Husick (Bvhwiki/CC BY 3.0)

Une commémoration présidentielle

Le monde de demain s’annonçait plutôt coûteux. Avec un budget de 95 millions de dollars (l’équivalent de 89 millions d’euros), le coût de l’exposition universelle de 1939 a largement dépassé le budget, atteignant 160 millions de dollars (150 millions d’euros). Néanmoins, elle est enfin terminée et prête à ouvrir ses portes dans les délais prévus.

L’exposition universelle de New York avait été programmée pour coïncider avec le 150e anniversaire de l’investiture présidentielle de George Washington, qui avait eu lieu à New York. Une statue massive de Washington ornait l’avant d’une des lagunes. C’est au cours de cette semaine de l’histoire, le 30 avril 1939, que s’est ouverte la deuxième plus grande exposition universelle d’Amérique (après l’exposition universelle de St. Louis de 1904, également connue sous le nom de Louisiana Purchase Exposition, qui avait aussi ouvert ses portes le 30 avril).

Le président Roosevelt s’est exprimé devant une foule de 35.000 personnes lors de la cérémonie d’ouverture. Environ 200.000 personnes ont assisté à la journée d’ouverture de l’exposition. C’était la première fois qu’un président américain prononçait un discours télévisé. Roosevelt évoque la splendeur de l’exposition universelle et le travail acharné de ceux qui l’ont rendue possible, tout en évoquant le spectre de la guerre en Europe.

« Les États-Unis se présentent aujourd’hui comme une nation totalement homogène, semblable dans sa civilisation d’un océan à l’autre et du nord au sud, unie dans le but commun de travailler pour le plus grand bien du plus grand nombre, unie dans le désir d’aller de l’avant vers des choses meilleures en utilisant ses grandes ressources naturelles et ses ressources encore plus grandes d’hommes et de femmes intelligents et éduqués, et unie dans son désir d’encourager la paix et la bonne volonté parmi toutes les nations de la terre », a-t-il déclaré.

« Cette participation générale, et je dirais presque spontanée, des autres pays est un geste d’amitié et de bonne volonté à l’égard des États-Unis pour lequel je vous adresse mes plus vifs remerciements. (…) Tous ceux qui viendront à cette exposition universelle (…) recevront, je n’ai pas besoin de le dire, un accueil des plus chaleureux. Ils constateront que les yeux des États-Unis sont tournés vers l’avenir. Oui, notre chariot est encore attaché à une étoile. Mais c’est une étoile d’amitié, une étoile de progrès pour l’humanité, une étoile de plus grand bonheur et de moins de difficultés, une étoile de bonne volonté internationale et, par-dessus tout, une étoile de paix. Puissent les mois à venir nous faire avancer sur les rayons de cette éternelle espérance. »

L’exposition se prolonge

Bien que l’Exposition universelle ait accueilli près de 45 millions de visiteurs, c’est toujours moins de la moitié du nombre prévu. Plusieurs célébrités ont assisté à l’exposition, dont le roi George VI et la reine Élisabeth de Grande-Bretagne le 10 juin 1939. Toutefois, il ne fait aucun doute que le manque de visiteurs est moins le résultat d’une erreur de calcul que celui de l’« éternel espoir » de Roosevelt. Quatre mois après l’ouverture de l’exposition universelle de New York, la guerre éclate en Europe. L’« étoile de la paix » s’est éteinte.

Le roi George VI et la reine Elizabeth du Royaume-Uni, lors d’une visite au Pavillon canadien (Domaine public)

Le comité de planification de l’exposition universelle de 1939, composé de Robet Moses, du maire Fiorello La Guardia et du président de la Fair Corporation, Grover Whalen, prend la décision inhabituelle, mais compréhensible, d’ajouter une deuxième saison, prolongeant ainsi l’exposition jusqu’en octobre 1940. Le thème de l’exposition universelle, « Le monde de demain », est remplacé par un thème plus actuel et plus approprié. Pour sa deuxième saison, l’Exposition universelle s’annonce sous le thème « Pour la paix et la liberté ».

À la fin de l’exposition, ses deux symboles – le Périsphère et le Trylon – ont été démantelés et fondus pour fabriquer des bombes destinées à la Seconde Guerre mondiale. Pour une grande partie du monde, le thème de l’exposition universelle « Pour la paix et la liberté » restera, ironiquement, dans un lointain « monde de demain », alors que la Seconde Guerre mondiale laissera l’Europe dans « une vallée de cendres ».

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