Confirmation par l’Ukraine que Pékin arme la Russie

Selon les services de renseignement ukrainiens, des machines-outils, des produits chimiques, de la poudre à canon et des pièces de drones chinois alimentent au moins vingt usines d'armement russes, malgré les dénégations de Pékin

Par Sean Tseng
30 mai 2025 18:17 Mis à jour: 2 juin 2025 15:39

L’Ukraine a dévoilé lundi ce qu’elle appelle des renseignements « confirmés » selon lesquels la Chine soutient discrètement l’effort de guerre de la Russie.

Oleh Ivashchenko, chef du service de renseignement extérieur ukrainien, a affirmé le 26 mai à l’agence de presse officielle Ukrinform que la Chine fournissait des machines-outils, des produits chimiques spécialisés, de la poudre à canon et de l’électronique pour drones à au moins 20 usines d’armement russes.

Il a déclaré que les services de renseignement ukrainiens ont enregistré au moins cinq cas de coopération liée à l’aviation entre la Russie et la Chine entre 2024 et 2025, y compris le transfert d’équipements, de pièces de rechange et de documentation technique, ajoutant qu’il y avait eu également six grandes expéditions de produits chimiques spécialisés.

Des analystes estiment que les dernières révélations vont au-delà des accusations générales, remettent en cause la revendication de neutralité de la Chine et visent à imposer une ligne plus dure à Washington et à l’Europe.

Début 2025, M. Ivashchenko avait déclaré que 80 % des composants électroniques critiques des drones russes provenaient de Chine et que certains composants étaient acheminés via des sociétés écrans et en utilisant de fausses étiquettes pour éviter tout contrôle.

La divulgation de ces informations a coïncidé avec l’un des plus importants tirs de barrage de drones et de missiles russes lancés contre l’Ukraine dans la nuit du 24 au 26 mai.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a été le premier à tirer la sonnette d’alarme en avril, accusant Pékin d’envoyer des obus d’artillerie et de la poudre à canon à la Russie, alors que le dirigeant chinois Xi Jinping lui avait précédemment promis que la Chine ne fournirait pas d’armes à la Russie.

Pékin a nié à plusieurs reprises toute aide à Moscou. Le 27 mai, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Mao Ning, a affirmé que la Chine n’avait jamais fourni d’armes létales à aucune des deux parties.

Coûts stratégiques pour Pékin

Cheng Chin-mo, professeur de diplomatie à l’Université Tamkang de Taïwan, a déclaré à Epoch Times que la dernière publication des renseignements de Kiev visait deux effets d’entraînement.

Tout d’abord, cette publication met à mal la tentative de Pékin de courtiser l’Europe tout en menant une lutte tarifaire avec Washington, car soutenir Moscou « ne fait qu’aggraver la méfiance des Européens ». Deuxièmement, elle rappelle à Washington que punir la Russie ne suffira pas à imposer la paix tant que Moscou pourra « puiser dans les ressources chinoises ».

En mettant l’accent sur l’implication de la Chine, « l’Ukraine montre à l’Occident que cette guerre est en réalité le fruit d’une collaboration étroite entre la Russie et le régime chinois », a souligné M. Cheng.

Zhong Zhidong, chercheur à l’Institut de recherche sur la défense nationale et la sécurité de Taïwan, a déclaré que le soutien militaire de la Chine à la Russie est « de plus en plus flagrant » et qu’il s’étend à la fois en termes d’ampleur et de volume.

En échange, Pékin obtient l’accès à certaines des technologies avancées de la Russie, à des hydrocarbures bon marché et à un partenaire qui l’aide à contrer la puissance américaine, a indiqué M. Zhong à Epoch Times.

Les sanctions occidentales ont déjà conduit la Russie à se tourner vers les machines, l’électronique et les réseaux bancaires chinois, tandis que la hausse des achats chinois de pétrole et de gaz russes à prix réduit maintient à flot le budget de guerre de Moscou.

Sur le plan stratégique, a ajouté M. Zhong, en soutenant la Russie dans sa guerre contre l’Ukraine, la Chine contribue à garantir que les États-Unis et leurs alliés européens consacrent d’importantes ressources militaires, financières et diplomatiques au théâtre européen et diluent la pression américaine sur la Chine dans l’Indo-Pacifique.

Ces incitations sont « trop importantes » pour que Pékin les abandonne, a-t-il déclaré ; même si la menace de sanctions occidentales plus sévères augmente, la Chine continuera probablement à faire passer son commerce par des sociétés écrans et des canaux indirects.

Washington et Bruxelles ont mis sur liste noire les entreprises chinoises accusées de soutenir la Russie, a noté M. Cheng, et il s’attend à ce que la pression se resserre, poussant les relations entre les États-Unis et la Chine et entre l’UE et la Chine dans des eaux encore plus difficiles.

Échos à Washington et à Bruxelles

Les responsables américains et européens ont soutenu les conclusions de Kiev.

Lors d’une visite à Bruxelles le 29 mai 2024, le secrétaire d’État adjoint américain de l’époque, Kurt Campbell, a déclaré que le soutien chinois à la Russie « n’est pas un cas isolé » et bénéficie d’une approbation de haut niveau à Pékin.

En avril, M. Zelensky a annoncé que les forces ukrainiennes avaient capturé deux ressortissants chinois combattant aux côtés des troupes russes dans l’oblast de Donetsk. Les services de renseignement ukrainiens estiment que plus de 150 ressortissants chinois servent dans des unités russes et que le recrutement se poursuit.

La porte-parole du département d’État américain, Tammy Bruce, avait qualifié ces rapports de « troublants » lors d’un point de presse le 8 avril, ajoutant que la Chine fournit près de 80 % des articles à double usage qui soutiennent la guerre de la Russie.

Un jour plus tard, Kaja Kallas, responsable de la politique étrangère de l’UE, a qualifié Pékin de « principal soutien à la guerre menée par la Russie », ajoutant que si la Chine réduisait réellement le flux de biens à double usage vers la Russie, « ça aurait un impact ».

Le 20 mai, l’UE a adopté son dix-septième train de sanctions, qui vise des entités et des facilitateurs de pays tiers à la Russie, notamment la Chine, la Turquie, les Émirats arabes unis et d’autres pays.

Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, a déclaré le même jour qu’« un 18paquet est en préparation avec de nouvelles sanctions plus sévères ».

Ning Haizhong et Luo Ya ont contribué à la rédaction de cet article.

Avec Reuters

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