« Côté blanc, je peux jouer »: après la guerre, un village afghan à l’heure du déminage

Par Epoch Times avec AFP
24 novembre 2021 12:50 Mis à jour: 24 novembre 2021 17:37

Après les combats de l’été, quand les enfants de Nad-e-Ali sont revenus dans leur village du sud de l’Afghanistan, ils ont découvert que leur terrain de cricket était désormais délimité d’un curieux cercle de pierres bicolores.

Côté blanc, les enfants peuvent jouer, côté rouge la zone leur est strictement interdite. Les mines anti personnelles et explosifs disséminés cet été par les talibans peuvent les tuer.

Les habitants partis pendant les deux mois de siège ont retrouvé début septembre leur village défiguré: il était traversé par la ligne de front. Les combats ont fait rage entre les talibans et les forces gouvernementales afghanes appuyées par l’aviation américaine.

La petite école est criblée d’impacts de tirs et son toit noirci par la suie des explosions, les balançoires ne sont plus que des squelettes de métal.

 

« Quand nous sommes arrivés en septembre, (…) les talibans avaient miné toute la zone, au seuil des maisons, dans l’encadrement des fenêtres, sur la route principale », explique Juma Khan, coordinateur local pour Halo Trust, la principale ONG de déminage du pays.

L’organisation caritative écossaise fondée en 1988 a conclu en septembre un accord avec les nouvelles autorités talibanes pour que ses quelque 2.500 employés afghans reprennent leur travail.

A Nad-e-Ali, les combattants islamistes guident désormais les démineurs de Halo Trust sur la trace des pièges mortels qu’ils ont eux-mêmes disséminés.

Parce qu’ils vivent ici et n’ont aucun intérêt à voir des civils tués par accident, ils sont même « venus essayer de retirer leurs mines à la main mais on les a avertis que ce n’était pas à eux de le faire. Seuls les professionnels de Halo Trust peuvent le faire », explique M. Khan.

La femme de Bismillah, enseignant du village, a été amputée de deux membres il y a deux mois par un explosif déclenché au moment où elle ouvrait la porte de sa maison.

« Cet accident a été très douloureux. J’ai vu la scène moi-même et mes enfants crier et pleurer. Je me sens si seul maintenant », témoigne auprès de l’AFP le père de famille.

Le 9 novembre 2021 un enseignant montre aux enfants les risques des mines dans le village de Nad-e-Ali. Photo Javed TANVEER/AFP via Getty Images.

Depuis, le village et son école sont classés en zone de déminage de « haute priorité ».

« Nous recevons des demandes de civils ailleurs en Afghanistan qui ont besoin d’aide en urgence, mais il nous faut finir ici et dans quelques mois nous pourrons aller ailleurs », dit Juma Khan.

Des pierres bicolores signalent où ils peuvent marcher

Les employés de Halo Trust, répartis en dix équipes de huit démineurs ont transformé la zone en un vaste chantier de fouille. Des cordeaux de ratissages quadrillent le sol. Des couloirs sécurisés marqués par les pierres bicolores signalent aux villageois où ils peuvent marcher.

Penché sur sa parcelle du jour, chaque démineur, protégé d’un plastron bleu et d’une visière inspecte la terre. Le détecteur de métal est d’abord passé. Ensuite, il faudra creuser à la pelle.

-Environ 41 000 civils afghans ont été tués ou blessés par des mines terrestres et des munitions non explosées depuis 1988. Photo Javed TANVEER/AFP via Getty Images.

« Dès qu’on a un visuel sur l’engin, on informe notre responsable, qui prévient les autorités, et on organise son explosion une fois que la zone est sécurisée », explique Bahramudin Ahmadi, superviseur des opérations.

« Décontaminer » l’un des pays les plus minés au monde

En près de trois mois, 102 explosifs ont été désamorcés dans la région, dont 25 dans le village, soit une infime partie de ce qui reste caché dans le sol où à l’intérieur de certaines maisons.

Depuis 1989, 41.085 civils afghans ont été tués ou blessés par des mines terrestres et des munitions non explosées, selon le service de lutte contre les mines des Nations unies (UNMAS).

Dans ce temps inédit de l’après-guerre, Halo Trust, qui a perdu 10 de ses employés dans une attaque revendiquée par l’organisation Etat islamique en juin, s’est engagé dans une course contre la montre pour « décontaminer » l’un des pays les plus minés au monde.

« On est là pour sauver vos vies »

La priorité est de protéger les enfants, qui représentent plus des deux-tiers des victimes des mines terrestres et d’autres restes explosifs de guerre en Afghanistan.

« On est là pour sauver vos vies. S’il vous plait prenez conscience de la peine de vos parents si jamais vous mourriez ou du coût pour vous soigner si vous perdiez une jambe », martèle aux écoliers Nazifullah, le chargé du programme éducatif de Halo Trust.

-Un membre afghan de la sécurité du déminage pendant l’opération de déminage d’un champ.  Photo Javed TANVEER/AFP via Getty Images.

Assis en tailleur sur le sable, une vingtaine d’entre eux regardent une grande affiche placardée sur le fourgon des démineurs qui représente tous les types d’explosifs.

L’instructeur, longue barbe et calot sur la tête, frappe de sa baguette le dessin d’une mine à effet de souffle, à l’aspect d’un palet métallique.

« Si vous la trouvez, qu’est-ce que vous faites ? »

« Je peux jouer, dans les pierres blanches »

Au premier rang, Nazia, 8 ans, récapitule: « Le professeur nous a dit que si on voyait ces objets, on ne devait pas les toucher et informer notre famille ».

Des enfants regardaent une photo lors d’un cours sur les risques liés aux mines dans le village de Nad-e-Ali.  Photo Javed TANVEER/AFP via Getty Images.

« J’ai peur mais je sais où je peux jouer, dans les pierres blanches, mais pas là du côté où la pierre est rouge », continue la fillette.

Et le jeu préféré de Nazia est « la balle ». « Le football », corrige sa grande sœur en ricanant.

« Je suis tellement contente et j’espère qu’il n’y aura plus la guerre, car la guerre a détruit notre village et aussi le pays », dit la fillette bien en sécurité dans son cercle de pierres.


Rejoignez-nous sur Télégram pour des informations libres et non censurées :
t.me/Epochtimesfrance

Soutenez Epoch Times à partir de 1€

Comment pouvez-vous nous aider à vous tenir informés ?

Epoch Times est un média libre et indépendant, ne recevant aucune aide publique et n’appartenant à aucun parti politique ou groupe financier. Depuis notre création, nous faisons face à des attaques déloyales pour faire taire nos informations portant notamment sur les questions de droits de l'homme en Chine. C'est pourquoi, nous comptons sur votre soutien pour défendre notre journalisme indépendant et pour continuer, grâce à vous, à faire connaître la vérité.