Dans les terres australes, une pratique particulière de la médecine

Par Epoch Times avec AFP
4 janvier 2023 13:45 Mis à jour: 4 janvier 2023 19:06

A l’extrême sud de l’océan Indien, des médecins accompagnent, dans des conditions particulières, les chercheurs, militaires et agents des Terres australes françaises (Taaf) sur les îles Kerguelen, Crozet et Amsterdam pour leur permettre de travailler en toute sécurité.

Crozet et Amsterdam, qui hébergent durant l’hiver austral une trentaine de personnes, ont chacune un médecin. Kerguelen (50 « habitants »), en compte deux, dont l’un peut être détaché sur une autre île ou amené à suivre une évacuation sanitaire.

A plus de 3000 km de toute terre habitée, les règles de la médecine sont chamboulées par l’éloignement. « Dans votre vie habituelle, quand une personne se blesse, vous protégez, alertez et vous avez un moyen de secours dans les 15 minutes à une heure, selon où vous êtes sur le territoire. C’est très rapide », relève le Dr Céline Chevobbe.

Mais dans les Terres australes « c’est un peu plus long », euphémise le médecin du Marion Dufresne lors d’un cours de secourisme donné sur ce navire de ravitaillement aux passagers à destination de Crozet, Kerguelen ou Amsterdam.

Cette vue aérienne montre l’île Amsterdam, qui fait partie des cinq circonscriptions administratives des Terres australes et antarctiques françaises. (Photo by PATRICK HERTZOG/AFP via Getty Images)

Intervention médicale particulière

Presque tous les futurs hivernants ont déjà suivi des cours de secourisme, mais sur les structures des districts sont différentes: pas d’ambulance, les secours portent les civières à pied jusqu’à l’hôpital et les médecins n’ont pas d’équipe pour les appuyer. Ce sont les ornithologues ou spécialistes des otaries qui les épaulent en cas de coup dur.

« Être rapatrié, ça met plus longtemps », prévient le Dr Chevobbe.

Les eaux environnantes, parcourues par de petits bateaux de pêche ou navires militaires, sont loin des routes habituelles de la marine marchande. Pour une urgence absolue, il faut  patienter au minimum cinq jours qu’un bateau se déroute.

Et pour une évacuation sanitaire moins urgente, on attend le passage trimestriel du Marion Dufresne.

« Sur Kerguelen, on nous apprend à gagner du temps, à temporiser un cas », explique le Dr Laurent Lévy, qui vient d’exercer un an sur l’île.

« La population qu’on soigne est sélectionnée et globalement en bonne santé », rappelle le Dr Lévy: les personnes autorisées à poser le pied sur l’île ont en effet passé des examens médicaux très complets avant d’arriver.

« Dans les faits, on fait surtout de la traumatologie, de la médecine générale et beaucoup de soutien psychologique. La base est comme un petit village. Les gens peuvent se confier à nous, on garde leurs secrets », explique-t-il.

Il faut cependant se tenir prêt, dans cet environnement difficile, avec une météo froide et venteuse et la présence d’animaux sauvages, les occasions de se blesser ne sont pas rares : cela va des morsures d’otaries à des fractures occasionnées par des chutes.

Formation obligatoire des médecins

Natacha Jacquot, qui a pris son poste à Crozet fin décembre, a suivi quatre mois de formation avant de partir dans les Taaf.

Pour la plupart déjà passés par les urgences, les autres jeunes médecins qui exercent dans ces îles ont dû suivre une formation accélérée à la chirurgie, à la dentisterie et autres spécialités, ainsi qu’un stage de secours en montagne auprès du Peloton de gendarmerie de haute montagne (PGHM) de Chamonix.

« Quand tu es urgentiste, tu te débrouilles avec ce que tu as, là c’est aller au bout du truc. Ta garde ne va pas finir », raconte le Dr Jacquot. « Tu peux quand même faire de la bonne médecine », ajoute-t-elle.

Les hôpitaux des trois îles sont les mieux équipés à des milliers de kilomètres à la ronde avec un bloc opératoire, un cabinet dentaire et la possibilité d’y faire radios, échographies ou analyses biologiques.

Il arrive d’ailleurs que des pêcheurs s’y arrêtent pour se faire soigner.

Les médecins peuvent également demander conseil à des spécialistes grâce à un partenariat avec le CHU de la Réunion.

« L’an dernier à Kerguelen, il y a eu 700 consultations, dont 10% de dentisterie et 20 à 30% de traumatologie, rarement des choses importantes. Il y a une fois par an et par médecin une intervention un peu lourde », a-t-on expliqué à Maël Janhsen, venu remplacer le Dr Lévy à Kerguelen.

Pour le Dr Lucie Fabie, qui quitte Crozet après une année d’exercice, « la mission a été très facile sur le plan médical: il n’y a pas eu d’accompagnement long et complexe, plutôt de la bobologie ».

Pourtant, « des fois, on est dans la routine et quelque chose te dit : s’il se passe quelque chose, t’es toute seule ». Aussi a-t-elle « pris le pli d’être constamment dans l’observation et l’attente ».

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