La dépression pourrait trouver son origine dans l’intestin

Par Heather Lightner
22 février 2023 17:45 Mis à jour: 28 avril 2023 20:30

Le stress et la dépression affectent les hormones et le système nerveux, mais tout peut commencer dans l’intestin.

La santé intestinale peut être un élément important dans la lutte contre la dépression. Aujourd’hui, les chercheurs en savent plus sur la relation entre l’intestin et le cerveau et sur la façon dont nous pouvons l’exploiter pour améliorer notre santé mentale.

La connexion intestin‑cerveau

Cette relation a un nom : l’axe intestin‑cerveau.

Selon un chapitre de l’ouvrage Translational Bioinformatics and Systems Biology for Understanding Inflammation [Bioinformatique translationnelle et biologie des systèmes pour comprendre l’inflammation, ndt.] l’axe intestin‑cerveau est un système de communication bidirectionnel entre le système nerveux central et le tractus gastro‑intestinal (GI). Il est également appelé système nerveux entérique (SNE) et considéré comme le « deuxième cerveau ». C’est également la plus grande partie du système nerveux autonome. Ses circuits lui permettent de coordonner les fonctions gastro‑intestinales et jouent un rôle essentiel dans le maintien de l’équilibre de l’organisme, y compris du cerveau.

Le Dr Jeremy Appleton est un médecin naturopathe. Il a mené des recherches sur l’axe intestin‑cerveau. Selon lui, notre microbiome ou macrobiote intestinal et sa connexion avec notre cerveau ont un effet important sur chaque partie du corps.

« Chaque système du corps semble être influencé par la qualité de notre microbiome et aussi par la qualité de cette interface où ces bactéries résident en nous », explique‑t‑il. « C’est définitivement une relation symbiotique que nous avons avec elles. »

Le microbiome intestinal peut modifier la fonction du système nerveux entérique en activant les voies du stress dans le cerveau. Le processus peut également se produire en sens inverse.

Le stress et la dépression peuvent perturber le microbiome intestinal par le biais des hormones de stress, de l’inflammation et des changements au sein du système nerveux autonome, qui régule les processus involontaires de l’organisme tels que le rythme cardiaque, la pression artérielle, la respiration et la digestion. Ces changements peuvent amener les bactéries intestinales à libérer des substances qui peuvent affecter notre comportement alimentaire et notre humeur.

Par ailleurs, les bactéries intestinales peuvent accroître la réactivité au stress et augmenter le risque de dépression.

Selon le chapitre mentionné ci‑dessus, des études sur les animaux ont montré que le microbiome intestinal est un facteur important de l’humeur, de la douleur, de la cognition et de l’obésité. Il s’agit d’une relation intéressante qui pourrait fournir des indices importants sur diverses maladies neuropsychiatriques, notamment la schizophrénie, l’autisme et les troubles affectifs (tels que la dépression et le trouble bipolaire).

Notre microbiome intestinal produit également un groupe de substances chimiques appelées acides gras à chaîne courte lorsqu’il décompose les amidons fermentescibles et résistants (prébiotiques), ainsi que certains produits laitiers.

Les acides gras à chaîne courte joueraient un rôle majeur dans la santé intestinale et dans la régulation des fonctions neuro‑immuno‑endocriniennes. Le réseau neuro‑immuno‑endocrinien est composé du système nerveux, du système endocrinien et du système immunitaire. Ces systèmes travaillent ensemble et utilisent des neurotransmetteurs, des hormones et des cytokines (protéines qui peuvent stimuler ou ralentir le système immunitaire) pour maintenir l’équilibre de l’organisme.

On pense également que ces acides jouent un rôle important dans la communication entre le microbiote, l’intestin et le cerveau. Des modifications des acides gras à chaîne courte ont été associées à des symptômes dépressifs et à des symptômes gastro‑intestinaux. Ils peuvent en outre affecter le fonctionnement du cerveau et pourraient être utilisés pour aider à traiter les troubles cérébraux à l’avenir.

Les acides gras à chaîne courte peuvent également traverser et renforcer l’intégrité de la barrière hémato‑encéphalique pour protéger le cerveau de l’inflammation, augmenter la production de nouveaux neurones, contribuer à la synthèse de la sérotonine et améliorer la fonction des neurones.

Tout cela a un impact sur notre comportement, explique le Dr Jeremy Appleton.

« Il y a toutes sortes d’implications. Pas seulement pour l’humeur, mais aussi pour les troubles neurologiques comme l’autisme et le métabolisme de la sérotonine, et la façon dont tout cela est affecté par la dépression majeure. »

Dépression et dysbiose

La dysbiose se produit lorsqu’il y a un déséquilibre dans le microbiome intestinal normal de l’organisme. Cela se produit pour diverses raisons, notamment une infection, le régime alimentaire, l’exposition aux antibiotiques, le niveau d’exercice et les habitudes de sommeil. On pense que cela déclenche une inflammation et un dérèglement du système immunitaire.

Les fuites intestinales peuvent également perturber le microbiome intestinal. Il se produit lorsque la barrière étanche des intestins présente des fissures ou des trous et permet aux aliments partiellement digérés et aux toxines de pénétrer dans d’autres tissus.

De nombreuses études ont montré un lien entre la perturbation du microbiome intestinal et la dépression. La recherche a démontré que le microbiome intestinal est lié à la production de sérotonine et de son précurseur, le tryptophane. La sérotonine est une substance chimique qui transmet des messages entre les cellules nerveuses du cerveau et du corps. Elle intervient dans l’humeur, le sommeil, la cognition, la digestion et d’autres processus. De faibles niveaux de sérotonine sont associés à la dépression.

Quatre‑vingt‑quinze pour cent de la sérotonine présente dans l’organisme ne provient pas du cerveau, « mais de l’intestin », précise le Dr Appleton.

On soupçonne également que le neurotransmetteur GABA, (acide gamma‑aminobutyrique), peut être affecté par le microbiome. Le GABA bloque les signaux entre les cellules nerveuses du cerveau et de la moelle épinière. Une diminution des niveaux de GABA peut contribuer au développement de la dépression et des troubles de l’humeur.

Une étude a consisté à transférer des matières fécales d’humains déprimés dans des rats déficients en microbes, provoquant un comportement de type dépressif chez les rats. Une autre étude publiée en décembre 2022 dans Nature Communications a comparé les matières fécales de 1054 participants souffrant de dépression à celles d’une cohorte de 1539 sujets. L’étude a fait une association entre 13 types de bactéries et les symptômes dépressifs. Chaque bactérie est connue pour son rôle dans la synthèse de neurotransmetteurs clés, ce qui suggère que le microbiome intestinal est un facteur causal important dans la dépression.

Guérir son intestin, guérir son esprit

La guérison de l’intestin et de l’esprit passe par des interventions portant sur les deux aspects de la relation complexe entre l’intestin et le cerveau.

Selon le Dr Appleton, la recherche sur l’axe intestin‑cerveau a explosé au cours des 15 à 20 dernières années. Malheureusement, les « leçons apprises » sont rarement appliquées par la plupart des praticiens.

« En ce qui concerne la dépression, c’est quelque chose que nous ne prenons toujours pas en compte, dans la médecine traditionnelle, lorsque nous parlons des humeurs », explique‑t‑il. « Nous ne tenons pas compte de la santé de leur intestin ‑ ce n’est toujours pas intuitif pour nous. »

Le Dr Appleton affirme qu’au lieu de se contenter de prescrire des médicaments ou des suppléments pour traiter la dépression, les cliniciens devraient examiner la dysbiose ou évaluer le syndrome de l’intestin qui fuit « dans le cadre de la procédure opérationnelle standard ».

Une approche holistique du traitement de la dépression est la meilleure approche, selon lui. Il ne dirait pas à un patient de ne pas prendre d’antidépresseur, cependant, si les médicaments sont le seul traitement, « on ne traitera qu’ une partie du problème, mais on ne traitera pas l’ensemble du problème ».

Angelo Pezzote, titulaire d’un doctorat en pharmacie, pharmacien psychiatrique et conseiller clinique en santé mentale, marie les deux professions avec l’esprit et le corps et travaille presque comme le ferait un psychiatre.

Bien que le Dr Pezzote aide les prescripteurs à recommander des médicaments, il se concentre moins sur les médicaments et davantage sur la « psychiatrie nutritionnelle » – il travaille avec ses patients pour reconstituer et améliorer le microbiome intestinal par des méthodes telles que les changements de mode de vie, la réduction du stress, l’exercice et une alimentation saine.

Selon lui, si certaines personnes ont besoin de médicaments, beaucoup sont surmédicamentées ou considèrent les médicaments comme leur « seule et unique réponse » à la dépression.

« Je pense que beaucoup de patients sont habitués à ce que l’on dise : ‘Tenez, prenez cette pilule et vous vous sentirez heureux’, mais la réalité est tout autre. Beaucoup de personnes sous antidépresseurs se sentent encore tristes et il leur faut plus qu’une simple pilule. »

La gestion du stress est un élément majeur de la guérison de l’intestin. Selon le Dr Pezzote, le stress « déstabilise » le système immunitaire et provoque des inflammations, qui sont liées à la dépression et à d’autres troubles de l’humeur. En gérant le stress, nous pouvons gérer les hormones de stress qui influencent le microbiome intestinal.

« C’est vraiment le stress qui génère le déséquilibre », explique‑t‑il.

Le mouvement, la méditation, le yoga, le tai‑chi, un sommeil de qualité, des interactions sociales significatives, le fait de s’amuser et de trouver la joie peuvent également aider à gérer le stress et, par conséquent, à améliorer l’intestin.

Une alimentation riche en végétaux est très importante pour le maintien d’un microbiome intestinal sain, étant donné que le microbiome intestinal aime les fibres et les prébiotiques – des éléments que nous ne pouvons pas digérer.

Les aliments prébiotiques comprennent la racine de chicorée, l’ail, les oignons et les poireaux.

Angelo Pezzote recommande un régime riche en végétaux, comprenant des produits laitiers allégés, limitant la viande transformée et la viande rouge, ainsi que le sucre et la farine raffinés, et augmentant les céréales complètes, les graisses saines et les glucides complexes.

Les probiotiques peuvent également contribuer à améliorer le microbiome intestinal. On les trouve dans des aliments tels que le kéfir, le yaourt, le kimchi, le tempeh et d’autres aliments fermentés, ainsi que dans des suppléments probiotiques.

Le Dr Pezzote recommande de choisir un probiotique multi‑céréales comprenant du Lactobacillus pour obtenir de meilleurs résultats. Comme toujours, consultez un médecin avant de commencer à prendre un supplément probiotique.

Des données cliniques indiquent que les probiotiques peuvent améliorer les symptômes des personnes souffrant de troubles dépressifs majeurs. Un essai clinique mené aux Pays‑Bas a montré une « réduction significative de la réactivité cognitive globale à l’humeur triste » après quatre semaines de prise de probiotiques. D’autres études ont reproduit ces résultats, indiquant que les probiotiques pourraient être un outil important dans la lutte contre la dépression.

« Si je souffrais d’un trouble de l’humeur ou d’un trouble anxieux majeur, j’irais de haut en bas et de bas en haut. C’est très logique étant donné la nature bidirectionnelle de l’axe intestin‑cerveau », explique le Dr Appleton.

Selon le Dr Pezzote, la guérison de l’intestin et le traitement de la dépression ne peuvent être résolus par une seule intervention.

« C’est comme les rayons d’une roue : Un seul rayon ne permet pas d’équilibrer la roue. C’est l’ensemble des rayons », explique‑t‑il. « Et nous n’avons pas seulement besoin de médicaments, nous avons besoin d’un tas de choses à accompagner pour avoir des microbiomes bons, sains et équilibrés. »

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