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Des dirigeants et experts d’Amérique latine réagissent aux tensions entre les États Unis et le Venezuela
Certains dirigeants de la région s’y opposent, mais d’autres estiment qu’une intervention américaine pourrait être exactement ce dont le pays a besoin.

Des membres d’équipage du destroyer américain USS Sampson (DDG 102) sont photographiés au terminal de croisière international d’Amador, à Panama, le 2 septembre 2025
Photo: Martin Bernetti/AFP via Getty Images.
Alors que le président américain Donald Trump accentue sa pression sur le dirigeant socialiste vénézuélien Nicolás Maduro, la réaction de l’Amérique latine oscille entre méfiance et approbation. Le Brésil, la Colombie et le Mexique se sont opposés à une intervention américaine, tandis que l’Argentine et le Salvador y ont apporté leur soutien. Des analystes estiment par ailleurs que le Venezuela pourrait tirer profit de l’initiative de Donald Trump, même si le spectre des précédentes ingérences militaires américaines dans la région continue de peser lourdement dans de nombreux esprits.
Les relations déjà tendues de longue date entre les deux pays se sont encore dégradées en juillet, lorsque le département du Trésor américain a sanctionné le Cartel de los Soles (« Cartel des Soleils ») au Venezuela en le désignant comme entité terroriste mondiale spécialement désignée. Le Trésor a en outre accusé Nicolás Maduro, plusieurs membres de son gouvernement et l’armée vénézuélienne d’avoir directement aidé ce cartel à acheminer des stupéfiants vers les États‑Unis.
Depuis, l’armée américaine a mené des frappes contre des embarcations opérées par le cartel à proximité du territoire vénézuélien, alors que Washington continue de renforcer sa posture militaire dans les Caraïbes pour lutter contre le narco‑terrorisme. Le 24 novembre, les États‑Unis ont officiellement désigné le Cartel de los Soles comme organisation terroriste étrangère.
Le régime de Nicolás Maduro a nié toute implication dans le narcotrafic et a dénoncé les récentes menaces et manœuvres militaires américaines. Accusé d’avoir truqué le scrutin de 2024 après s’être proclamé vainqueur, le dirigeant vénézuélien, déjà fragilisé, a déclaré à ses partisans, lors d’un rassemblement à Caracas, que le pays se trouvait à « un moment décisif pour son existence » en tant que république et que « l’échec n’est pas une option ».
« Il n’y a aucune excuse pour quiconque, qu’il soit civil, responsable politique, militaire ou policier », a martelé Nicolás Maduro, alors que, selon lui, la patrie « exige l’effort et le sacrifice les plus grands ». Depuis l’Académie militaire de Fort Tiuna, à Caracas, le chef de l’État a lancé : « Si la patrie appelle, la patrie aura nos vies, si nécessaire. »
Soutiens et oppositions
Certains analystes de la région jugent qu’une escalade entre les États‑Unis et le Venezuela pourrait, à terme, se révéler bénéfique, à condition qu’elle débouche sur le départ de Nicolás Maduro. « Si ces tensions devaient conduire à une attaque, une invasion ou une intervention militaire, je pense que l’on ne pourrait qu’en attendre des effets positifs pour le Venezuela et la région », estime Antonio Saravia, professeur d’économie et directeur du Center for the Study of Economics and Liberty à l’université Mercer, interrogé par Epoch Times.
Antonio Saravia rappelle les décennies de dévastation économique subies par le Venezuela sous la férule du dictateur socialiste Hugo Chávez puis de son protégé Nicolás Maduro, qui, selon lui, ont « plongé la population dans une misère absolue ». Lorsqu’un journaliste a demandé à Donald Trump, le 17 novembre, s’il excluait d’envoyer des troupes au Venezuela, le président a répondu : « Non, je ne l’exclus pas. Je n’exclus rien. »
Le politologue Diego Hernandez, basé en Bolivie, explique que les avis restent partagés dans la région quant à l’implication américaine. « Le sentiment général se scinde en deux camps, qui dépendent largement de deux facteurs : la perception de Donald Trump et la manière dont les actions américaines s’inscrivent dans la doctrine Monroe », indique‑t‑il à Epoch Times.
Baptisée d’après le président américain James Monroe, cette doctrine constitue depuis 1823 l’un des principes directeurs de la politique américaine dans l’hémisphère occidental. Elle visait à limiter les ingérences étrangères dans les Amériques, en s’opposant à toute nouvelle entreprise de colonisation ou à l’installation de « monarques fantoches ». En 1904, sous la présidence de Theodore Roosevelt, la doctrine Monroe a été étendue pour justifier le rôle des États‑Unis comme « puissance de police internationale » chargée de contenir les « manquements chroniques », ouvrant la voie à de nombreuses interprétations.
Les dirigeants du Brésil, de la Colombie et du Mexique ont publiquement dénoncé les frappes aériennes américaines dans les Caraïbes ainsi que toute tentative de faire pression sur le régime de Nicolás Maduro. Dans la plus grande démocratie d’Amérique du Sud, le président brésilien Luiz Inácio Lula da Silva s’est opposé à « toute intervention étrangère » lors d’un discours au palais de l’Itamaraty, à Brasilia, affirmant que les actions américaines risquaient de causer plus de torts qu’elles n’en résoudraient.
Il a également critiqué les opérations militaires étrangères le 9 novembre, dans un discours prononcé à Santa Marta, en Colombie. « La menace du recours à la force militaire fait à nouveau partie du quotidien en Amérique latine et dans les Caraïbes », a‑t‑il dénoncé. « De vieilles pirouettes rhétoriques sont recyclées pour tenter de justifier des interventions illégales. »
En Colombie, le président Gustavo Petro a d’abord été l’un des plus virulents critiques des frappes américaines contre des navires de narcotrafic dans les Caraïbes. Son ton s’est cependant adouci ces dernières semaines : lors d’un entretien exclusif accordé à CNN le 25 novembre, il a assuré que son pays ne considérait pas Nicolás Maduro comme un narcotrafiquant, tout en pointant du doigt, côté vénézuélien, un « manque de démocratie et de dialogue ».
Au Mexique, Claudia Sheinbaum a déclaré que son gouvernement défendait le principe de « l’autodétermination des peuples et la non‑ingérence, ni invasion ». À l’inverse, les gouvernements du Salvador et de l’Argentine ont exprimé leur soutien aux actions des États‑Unis.
En août, l’administration du président argentin Javier Milei a déclaré le Cartel des Soleils au Venezuela comme organisation terroriste, tandis que le président salvadorien Nayib Bukele collabore avec l’administration Trump pour incarcérer des migrants en situation irrégulière renvoyés depuis les États‑Unis. Le Salvador coopère également avec l’armée américaine dans le cadre d’une opération multinationale de soutien en Haïti.
Diego Hernandez observe une montée d’un sentiment « pro‑Trump » dans plusieurs pays d’Amérique latine, tant dans la sphère politique que dans l’opinion publique. « De plus en plus de Latino‑Américains [en Amérique du Sud] ne s’opposent pas à un renforcement de la présence américaine dans la région », assure‑t‑il.
Un autre expert estime toutefois que la stratégie militaire visant à contenir le narcotrafic dans les Caraïbes, au large du Venezuela, pourrait n’avoir qu’un effet limité, tant l’implantation des cartels dans le pays est profonde. « Les partisans d’une intervention américaine surestiment probablement l’impact durable de ces frappes sur les flux de drogue, car elles visent, en définitive, l’un des derniers maillons de la chaîne », analyse Tiziano Breda, spécialiste principal de l’Amérique latine au sein de l’Armed Conflict Location & Event Data Project, cité par Epoch Times.
De l’opulence à la misère
En 2001, le Venezuela était classé par le Forum économique mondial comme le pays le plus riche d’Amérique du Sud. Avant l’arrivée de Hugo Chávez à la fin des années 1990, le pays disposait de l’une des démocraties les plus solides du continent latino‑américain.
« Il suffit de voir ce qu’était le Venezuela avant l’ascension du chavisme, souligne Diego Hernandez. C’était l’un des pays les plus riches et les plus agréables de la région. Il ne fait aucun doute que le Venezuela, comme le reste de l’Amérique latine, pourrait tirer profit d’une implication américaine. »
L’Economics Observatory relève que le niveau de vie des Vénézuéliens s’est effondré de 74 % entre 2013 et 2023, ce qui en fait la cinquième plus forte chute des conditions de vie de l’histoire économique moderne. Sous Hugo Chávez, alors même que l’économie était florissante, les dépenses publiques ont continuellement dépassé les recettes, l’État accumulant des déficits budgétaires à deux chiffres, selon l’Economics Observatory.
Pour financer cette politique, les autorités ont multiplié par six la dette extérieure, portant les engagements de remboursement à 100 milliards de dollars. Le pays s’est alors reposé de plus en plus sur la banque centrale, chargée d’imprimer toujours plus de monnaie, ce qui a déclenché une hyperinflation incontrôlée.
Au‑delà du désastre économique, Antonio Saravia estime qu’une intervention américaine pourrait offrir au Venezuela une chance de reconstruire sa démocratie. « Plus de 1000 prisonniers politiques et un nombre encore plus grand d’exilés témoignent des abus éhontés commis par Nicolás Maduro et ses proches », observe‑t‑il.
Depuis des années, le régime Maduro fait l’objet d’accusations de violations des droits de l’homme et de répression de l’opposition. Le gouvernement canadien estime qu’environ 8 millions de Vénézuéliens ont quitté le pays depuis 2015, sous le régime Maduro.
Selon Human Rights Watch, quelque 20 millions de personnes vivent dans une « pauvreté multidimensionnelle » et n’ont pas accès aux biens et services essentiels, comme l’alimentation ou les médicaments, d’après les données compilées par l’Economics Observatory.

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