Dix réalités sur l’Ukraine

Par Victor Davis Hanson
20 mars 2022 15:15 Mis à jour: 21 mars 2022 06:11

Un – Rassurer un ennemi sur ce qu’on ne fera pas, voilà le meilleur moyen de s’assurer que cet ennemi, pour sa part, sera tenté de faire… précisément cela et plus encore. L’imprévisibilité et de temps en temps un silence équivoque renforcent la dissuasion. Or, si le président Joe Biden rassure le président russe Vladimir Poutine en lui promettant de faire preuve de retenue, alors Poutine, de son côté, n’en fera sûrement rien.

Deux – Les zones d’exclusion aérienne ne fonctionnent pas lors d’une confrontation équilibrée entre deux grandes puissances. En regardant rapidement les avantages‑risques, il est évident que personne n’osera abattre les avions de la puissance nucléaire adverse. Par ailleurs, les zones d’exclusions aériennes ne permettent généralement pas d’empêcher les avions à la bordure de tirer des missiles vers elles. En Ukraine, déployer des batteries de missiles antiaériens à longue portée et à haute altitude est un bien meilleur moyen de rétablir une certaine parité aérienne.

Trois – De par leurs actions, l’Europe, les membres de l’OTAN et l’Allemagne en particulier admettent que les décennies passées à fermer les centrales nucléaires, les mines de charbon et les champs de pétrole et de gaz ont laissé l’Europe à la merci de la Russie. On promet de se réarmer et d’honorer ses engagements militaires. Autant de palabres qui donnent raison à ceux qui les critiquaient, les États‑Unis notamment, et montrent à quel point ces pays ont eu dangereusement tort de donner tant de pouvoir à Poutine.

Quatre – La Chine est maintenant pro‑russe. Pékin espère récupérer des ressources naturelles russes à prix cassé. La Russie paiera le prix fort pour accéder à la finance, au commerce et aux marchés chinois. Mais, si la Russie perd la guerre en Ukraine, fait faillite et est ostracisée en tant que paria international, alors la Chine se délestera du fardeau russe dans l’instant, redoutant le regain financier, culturel et commercial de l’Occident.

Cinq – Les Américains commencent enfin à comprendre à quel point le retrait humiliant de l’Afghanistan a été préjudiciable. Ce désastre a montré à la Russie, la Chine, la Corée du Nord et à l’Iran que la dissuasion occidentale était morte.

Rien de surprenant, donc, que la Russie ait envoyé des missiles sur une base ukrainienne toute proche de la frontière polonaise, à la barbe de l’OTAN. En janvier, la Corée du Nord a atteint un nombre record de lancements de missiles. L’Iran a envoyé des missiles au Kurdistan. La Chine annonce tous les jours qu’elle va bientôt absorber Taïwan, que ce n’est qu’une question de temps. À noter que les dizaines de milliards de dollars d’armements sophistiqués envoyés en Ukraine par l’Occident restent encore très inférieurs à ce que l’armée américaine a remis aux talibans.

Six – La guerre en Ukraine n’a pas provoqué l’inflation ni le prix record du gaz, tout était déjà à la hausse début février.

Le gouvernement Biden a en effet procédé à une expansion monétaire radicale pendant un an, à un moment où la demande des consommateurs était bloquée du fait de la crise du Covid. De facto, son administration a bêtement maintenu des taux d’intérêt zéro. Ses généreuses subventions Covid pour les chômeurs ont découragé le retour au travail, tout en réduisant la production de pétrole et de gaz et les pipelines américains.

Avant l’invasion de Poutine, Biden blâmait publiquement les sociétés avides, les compagnies pétrolières, le Covid et l’ancien président Donald Trump pour l’inflation qu’il avait engendrée en 2021. Et il affirmait que les prix élevés incontestables n’étaient que temporaires ou surtout une obsession de l’élite.

Sept – Poutine n’a pas envahi l’Ukraine pendant le mandat de Donald Trump, bien qu’il se soit montré plus agressif sous l’administration précédente d’Obama, avec ses attaques antérieures contre la Géorgie, l’Ukraine et la Crimée. La Russie est restée immobile lorsque les prix du pétrole étaient bas, que les réserves de carburant en Occident étaient abondantes et que les États‑Unis se montraient confiants. Lorsque les États‑Unis n’étaient ni embourbés dans des interventions militaires facultatives ni dirigés par un président prévisible et accommodant face aux agressions russes, la Russie est restée discrète.

Poutine a noté l’augmentation des dépenses de défense de l’OTAN et des États‑Unis. Il craignait la baisse des prix mondiaux du pétrole et la production américaine record de pétrole et de gaz. Il s’est méfié des frappes américaines imprévisibles contre des ennemis comme l’État islamique, Abu al‑Baghdadi et le général iranien Qassem Soleimani.

Huit – Envoyer des armes à l’Ukraine n’implique pas une « escalade » du conflit. Les Russes ont approvisionné de manière bien plus agressive les Nord‑Coréens et les Nord‑Vietnamiens lors de leurs guerres contre les États‑Unis, sans pour autant étendre la guerre à l’échelle mondiale. Le Pakistan, la Syrie et l’Iran ont envoyé des armes mortelles – dont beaucoup leur ont été fournies par la Russie, la Corée du Nord et la Chine – pour tuer des milliers d’Américains pendant les guerres menées en Afghanistan et en Irak.

Neuf – Poutine n’aura jamais la possibilité d’absorber complètement l’Ukraine tant qu’elle pourra facilement être approvisionnée à travers ses frontières par quatre pays de l’OTAN. Les États‑Unis se sont retrouvés dans l’impasse lors de la guerre de Corée, ont perdu la guerre du Vietnam, ont été bloqués en Irak et ont fui l’Afghanistan en partie parce que leurs ennemis étaient facilement approvisionnés par des amis frontaliers proches. Il faut comprendre que les États‑Unis ne pouvaient pas frapper les pays complices.

Dix – Il n’est pas « anti‑américain » de souligner que la complaisance américaine antérieure sous le double mandat Obama‑Biden explique pourquoi Poutine a senti qu’il pouvait envahir l’Ukraine (bien que cela n’explique pas forcément les raisons qui l’ont poussé à le faire).

Affirmer que  les États‑Unis auraient dû garder leurs distances l’Ukraine, sans vouloir contrôler sa politique intérieure, ne constitue pas de la lâcheté – mais cela n’excuse pas l’agression sauvage de Poutine. Ce n’est pas de la lâcheté de dire que la Russie s’appuie depuis des siècles sur ses pays voisins, qui constituent une zone tampon entre l’énorme pays et les autres pays d’Europe. C’est une réalité géographique qui ne changera pas, quand bien même le pacte de Varsovie s’est effondré. Mais cette réalité ne justifie toujours pas l’attaque sauvage de Poutine.

Nous ne devons pas ressasser le passé, mais en tirer les leçons, veiller aujourd’hui à ce que Poutine soit vaincu une bonne fois pour toutes et définitivement dissuadé de réattaquer à l’avenir.

Victor Davis Hanson est écrivain, commentateur et historien militaire. Il est professeur émérite de lettres classiques à l’Université d’État de Californie, chercheur principal en lettres classiques et histoire militaire à l’Université de Stanford, membre du Hillsdale College et membre distingué du Center for American Greatness. M. Hanson a écrit 16 livres, dont « Le Modèle occidental de la guerre », « Fields Without Dreams » [Champs sans rêves, ndt.] et « The Case for Trump » [Les arguments pour Trump, ndt.]

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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