«En accueillant l’Ocean Viking, on ouvre une brèche»: pointe Gérard Collomb, tout en revenant sur les raisons de sa démission

Par Emmanuelle Bourdy
15 novembre 2022 10:19 Mis à jour: 15 novembre 2022 10:19

Dans un interview accordé au Point et publié ce 13 novembre, l’ancien ministre de l’Intérieur Gérard Collomb s’est exprimé sur la politique migratoire de la France, souhaitant « alerter sur les enjeux fondamentaux qui sont à l’œuvre dans l’affaire de l’Ocean Viking ». Il est également revenu sur les raisons de sa démission en octobre 2018.

L’Ocean Viking, le navire qui a accosté à Toulon après avoir recueilli des migrants, fait couler beaucoup d’encre. Après un tweet, publié par Gérard Collomb ce 11 novembre et déclarant que la France se trouvait dans un tournant au niveau de sa politique d’immigration, l’ancien ministre de l’Intérieur a dénoncé l’accueil de ce navire dans un entretien au Point.

Pour les réseaux de passeurs « les migrants sont une source de gains considérables »

« En accueillant maintenant l’Ocean Viking, on ouvre une nouvelle brèche, créant un précédent », signale l’ancien maire de Lyon au Point. Car selon lui, cela ne peut « qu’encourager les réseaux de passeurs pour qui les migrants sont une source de gains considérables – les chiffres varient de 7 à 30 milliards d’euros au niveau mondial ».

ll explique que ce sont ces réseaux « qui ont amené les migrants jusqu’en Libye, et qu’en aval ceux qui veulent atteindre l’Angleterre par exemple, seront repris en main par ces mêmes réseaux », avec comme conséquence « un nombre impressionnant de migrants » qui se noient dans la Manche. « On peut être ému par tous ces cas individuellement, mais à ne s’en tenir qu’à une réaction de sensibilité, on renforce plus le problème qu’on ne le résout, en créant un appel d’air », se désole-t-il.

Fermement opposé à l’ouverture de centres contrôlés pour accueillir les migrants

Rappelant qu’en 2018, « les problèmes migratoires étaient déjà extrêmement importants » en France, Gérard Collomb a ajouté que la Commission européenne avait lancé l’idée de « centres contrôlés » pour accueillir les migrants. Emmanuel Macron avait proposé « d’ouvrir un tel centre soit à Toulon, soit à Marseille », mais son ministre de l’Intérieur s’était montré fermement opposé à ce projet.

Il ajoute qu’à l’époque, toutes ses équipes lui avaient démontré que « compte tenu des législations françaises et européennes, si l’on accueille des migrants dans ce type de centre, on ne pourra pas les faire repartir ». Il souligne avoir refusé de rentrer dans cette spirale, mais Emmanuel Macron avait insisté.

« Mon intervention aurait pu inverser le résultat de cette élection, et Marine Le Pen être élue »

Le 1er octobre 2018, tout avait basculé. Il s’était rendu à Marseille pour commémorer la mort des deux jeunes filles, Laura et Maurane, assassinées un an auparavant dans un attentat à la gare Saint-Charles. Les parents des victimes avaient demandé à Gérard Collomb « de tout faire pour qu’une telle tragédie ne se reproduise plus ». L’auteur de l’attentat, qui était « un Tunisien en situation irrégulière, aurait dû être placé la veille en centre de rétention administrative à Lyon pour être expulsé », mais ne l’a pas été, se souvient l’ancien maire de Lyon.

Ce dernier avait pensé à ce moment-là qu’en laissant se réaliser l’installation de ce centre de contrôle, il se sentirait plus tard « responsable des actes qui pourraient entraîner la mort de personnes ». « C’est pourquoi, deux jours plus tard, je décide de démissionner. Et immédiatement après, j’envoie un texto au père de l’une des jeunes victimes pour lui dire que c’est en pensant à sa fille que j’ai pris cette décision », confie-t-il au Point. Le 3 octobre 2018, il a donc imposé sa démission à Emmanuel Macron.

Il a également précisé que s’il avait révélé cette raison à ce moment-là, cela aurait « gravement nui à Emmanuel Macron ». « Si je m’étais exprimé avant la présidentielle, mon intervention aurait pu inverser le résultat de cette élection, et Marine Le Pen être élue. C’est pourquoi je me suis tu », avoue-t-il enfin. Selon lui, « c’est à force de ne pas prendre de décision en matière migratoire que l’on fait le jeu de l’extrême droite ».

« Mener une politique ferme »

Gérard Collomb considère que ce n’est pas « massivement qu’il faut accueillir, mais qualitativement, pour donner une chance de vie à celles et ceux qui arrivent dans notre pays ». Il invite le gouvernement à « mener une politique ferme », car « seule une tolérance zéro radicale en ce qui concerne l’accueil viendra à bout du phénomène en tarissant la source ».

« La tolérance zéro est parfaitement et immédiatement comprise (assortie en parallèle d’une lutte sans pitié contre les réseaux de passeurs et les trafiquants d’êtres humains) dans les pays de départ », assène-t-il enfin. « Une fois que tous les États européens auront adopté et appliqueront cette politique de tolérance zéro, la question sera réglée, les réseaux seront asséchés et seuls les véritables réfugiés auront encore accès à la protection européenne », conclu-t-il.

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