Expédition Tara Océans : l’infiniment petit mis en lumière

13 juin 2015 14:02 Mis à jour: 16 juillet 2015 23:37

 

L’océan est le plus grand écosystème de notre planète et pourtant nous le connaissons si peu. Ce sont 35 000 échantillons collectés dans les océans de la planète durant l’expédition Tara Océans (2009-2013) qui vont constituer des ressources sans précédent pour la communauté scientifi que.

Un catalogue de plusieurs millions de nouveaux gènes va transformer la compréhension des océans et l’évaluation du changement climatique. Les premiers résultats des chercheurs nous offrent une vision de la biodiversité planctonique et l’interconnexion de l’infiniment microscopique avec notre environnement et le réchauffement climatique.

Le plancton produit la moitié de notre oxygène

Ces êtres microscopiques qui dérivent dans les océans produisent la moitié de notre oxygène, agissent comme un puits de carbone, influencent et sont influencés par le climat et sont à la base des chaînes alimentaires océaniques qui nourrissent les poissons et les mammifères marins. Eric Karsenti, directeur de Tara Océans, souligne : « Au-delà des recherches scientifiques de pointe qui ont été développées grâce à la collaboration de Tara Expéditions, cette aventure nous montre à quel point les océans sont importants pour notre propre bien-être ».

40 millions de gènes microbiens révélés

Patrick Wincker, scientifique du Genoscope, explique : « Il s’agit du plus grand travail de séquençage jamais effectué pour des organismes marins : les analyses ont révélé environ 40 millions de gènes microbiens, dont la grande majorité sont nouveaux, ce qui suggère que la biodiversité planctonique pourrait être bien plus importante que ce que l’on imaginait ». Les chercheurs ont collecté des virus, microbes et eucaryotes microscopiques – des algues unicellulaires aux larves de poissons – dans toutes les grandes régions océaniques.

Les bases de données rassemblent un matériel génétique de plus de 35 000 espèces de bactéries planctoniques différentes, inconnues jusque-là. Les échantillons de plancton microscopique proviennent de 210 sites différents, venant de toutes les grandes régions océaniques, ils ont été puisés à une profondeur de 2 000 m au cours des expéditions.

Colomban de Vargas, directeur de recherche au CNRS, précise : « Pour les eucaryotes, nous avons séquencé près d’un milliard de codes-barres génétiques et découvert qu’il existe une plus grande variété d’eucaryotes unicellulaires ou protistes dans le plancton qu’attendu. Les protistes sont bien plus diversifiés que les bactéries ou les animaux et la plupart appartiennent à des groupes très peu connus de parasites, de symbiontes, et de prédateurs en tout genre ».

Mollusque ptéropode gymnosome (à droite) et mollusques hétéropodes « Atlanta ». Organismes collectés au cours de l’expédition Tara dans l’océan Indien.  (CNRS)
Mollusque ptéropode gymnosome (à droite) et mollusques hétéropodes « Atlanta ». Organismes collectés au cours de l’expédition Tara dans l’océan Indien. (CNRS)

Interaction des organismes planctoniques

Jeroen Raes, de l’université KU Leuven en Belgique, explique : « Lorsque nous avons cartographié les interactions entre les microorganismes, des virus aux petites larves d’animaux, nous avons découvert que la plupart d’entre elles sont de type parasitique et permettent donc de recycler les nutriments vers la base de la chaîne alimentaire ».

Cette carte est le premier pas vers la compréhension de l’écosystème marin dans sa globalité. Par l’analyse, les chercheurs ont pu prédire comment ces organismes planctoniques très divers interagissent. Ces prédictions ont ensuite été confirmées par des observations en microscopie de certains échantillons prélevés au cours de l’expédition.

Sans le plancton les grands écosystèmes marins n’existeraient plus

Les premiers résultats des analyses menées sur les échantillons récoltés au cours de l’expédition Tara Océans dévoile l’incroyable diversité des micro-organismes qui composent le plancton. Dans l’imaginaire commun, le plancton marin renvoie à un concept vague principalement associé aux baleines qui s’en nourrissent. Il s’agit toutefois d’une infime partie de tout ce que ces micro-organismes représentent. Sans eux, les grands écosystèmes marins n’existeraient tout simplement pas.

Répartition du plancton dans les océans

En plus des interactions biotiques, les chercheurs ont étudié de quelle manière des facteurs environnementaux tels que la température, le pH et les nutriments influencent le plancton. « Nous avons observé, qu’aux profondeurs où pénètre la lumière du soleil, la température est le principal facteur influençant la composition des communautés de procaryotes (bactéries et archées) », précise Peer Bork de l’EMBL, du laboratoire des sciences de la vie. « Des groupes d’organismes différents se forment en fonction de la température de l’eau ».

Les scientifiques ont montré que les « Anneaux des Aiguilles », une barrière naturelle qui trace une ligne de démarcation entre l’Océan Indien et l’Atlantique Sud, séparent les communautés planctoniques situées de part et d’autre. « C’est comme si le plancton subissait un lavage à froid à la pointe de l’Afrique de Sud », développe Danièle Ludicone de la station zoologique de Naples (SZN). « Le courant forme d’énormes tourbillons qui mélangent et refroidissent considérablement le plancton piégé à l’intérieur et ce phénomène limite le nombre d’espèces qui réussissent à traverser ».

« Histioneis cymbalaria » prélevé lors de l’expédition Tara Océans dans le Pacifique sud.  (CNRS)
« Histioneis cymbalaria » prélevé lors de l’expédition Tara Océans dans le Pacifique sud. (CNRS)

Le plancton et le changement climatique

La particularité de l’approche éco-systémique développée par Tara Océans permettra d’évaluer, à grande échelle, l’impact du changement climatique sur les écosystèmes océaniques dans le futur.

« Le résultat montrant que la température détermine quelles espèces sont présentes est particulièrement pertinent dans le contexte du changement climatique mais, dans une certaine mesure, ce n’est que le début », souligne Chris Bowler, directeur de recherche au CNRS. « Les ressources que nous avons générées vont nous permettre de plonger encore plus profondément dans l’univers planctonique et de commencer à vraiment comprendre les rouages de ce monde invisible ».

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