Expliquer l’effet nocebo, la contagion émotionnelle et l’hystérie collective

Par Steve Templeton
13 novembre 2023 18:05 Mis à jour: 17 novembre 2023 23:17

Au début de la pandémie, il était difficile de comprendre pourquoi tant de gens agissaient de manière aussi irrationnelle et autodestructrice. Je suis immunologiste spécialisé dans les maladies infectieuses, et c’est à partir de ce moment-là que j’ai décidé de me plonger dans l’étude la psychologie humaine. Il existe de nombreuses publications éclairantes et le sujet est fascinant, ce qui, je crois, se reflète dans mon livre (en particulier dans les chapitres 5 et 7). Au début de l’année, j’ai eu la chance de discuter avec le célèbre psychologue Jordan Peterson sur la réponse psychologique face à la pandémie (entre autres sujets).

Ce qui suit est adapté au chapitre 5 de mon livre Fear of a Microbial Planet : How a Germophobic Safety Culture Makes Us Less Safe (ndt. La peur d’une planète microbienne : comment une culture sécuritaire germophobe nous rend plus vulnérables).

L’effet nocebo

Les images sanglantes et les descriptions réalistes des symptômes et des pathologies des maladies infectieuses, telles qu’elles m’étaient présentées quand j’étais en première année de médecine, ont parfois un effet intéressant sur les étudiants. Je me souviens d’un cours de microbiologie médicale de premier cycle :

Le professeur : « Et l’apparition des symptômes de cette infection particulièrement désagréable se caractérise par une raideur de la nuque et… »

Moi : (Je commence à me frotter la nuque).

C’est ce qu’on appelle l’effet nocebo, où l’attente ou la suggestion d’un symptôme peut provoquer son apparition ou son aggravation. C’est l’opposé catégorique de l’effet placebo, où l’attente d’une amélioration des symptômes conduit les sujets à déclarer qu’ils se sont effectivement améliorés, même en l’absence de traitement réel.

Dans certains cas, le développement de tels symptômes peut s’avérer très grave. Une étude publiée en 2007 a rapporté le cas d’un homme ayant fait une overdose d’antidépresseur après une dispute avec sa petite amie, avalant les 29 pilules qui lui avaient été données dans le cadre de l’étude. Transporté d’urgence à l’hôpital, sa tension artérielle extrêmement basse, 80/40 et son rythme cardiaque élevé, 110 battements/minute. Les médecins et les infirmières l’ont gavé de sérum physiologique et ont réussi à faire remonter sa tension artérielle à 100/62.

Mais le médecin qui est vraiment parvenu à le sortir de là est celui qui lui a dit que les pilules qu’il avait avalées étaient en fait des placebos et ne contenaient aucun médicament. Il faisait partie du groupe de contrôle ! En l’espace de quinze minutes, la tension artérielle et le rythme cardiaque de l’homme sont redevenus normaux.

Ce n’est pas le surdosage d’un placebo qui a failli le tuer, mais le simple fait de penser qu’il allait mourir. C’est le cas des effets placebo et nocebo : la libération de β-endorphine (en plus de la dopamine) induit l’analgésie dans le premier cas, et est contrecarrée par la cholécystokinine (CCK) dans le second.

En d’autres termes, les effets placebo et nocebo peuvent être directement mesurés selon les niveaux de libération neurochimique et peuvent être bloqués par des médicaments spécifiques. Un excellent exemple de libération neurochimique de l’effet placebo est celui des patients atteints de la maladie de Parkinson, chez qui le traitement par placebo peut se traduire par une amélioration de la mobilité.

Une étude historique de 2001 a montré que le traitement par placebo chez les patients atteints de Parkinson entraînait une libération de dopamine dans de multiples zones du cerveau. En d’autres termes, le fait de s’attendre à ce qu’un traitement entraîne une amélioration (placebo) ou une aggravation de la douleur ou des symptômes de la maladie (nocebo) joue son rôle.

Malheureusement, le pouvoir de cette croyance peut avoir des effets mentaux et physiologiques profondément négatifs, tant au niveau individuel que collectif. Au niveau du groupe, l’effet nocebo est particulièrement puissant chez les germophobes, et peut rapidement contaminer les autres, tout comme la transmission d’un virus hautement contagieux.

L’hystérie collective

En 2006, au Portugal, le pays a connu une épidémie inquiétante. Des centaines d’adolescents ont contracté une maladie mystérieuse avec éruptions cutanées, vertiges et difficultés respiratoires. Pourtant, il n’y a pas eu d’exposition collective à un produit chimique ou d’infection par un virus. Le seul point commun que les enquêteurs ont pu mettre en évidence est un feuilleton pour adolescents, intitulé Morangos com Açúcar ou Fraises au sucre. Juste avant l’épidémie proprement dite, la série en avait présenté une fictive, dans laquelle les personnages étaient atteints d’une grave maladie causée par un mystérieux virus.

Mais dans la vraie vie, les étudiants ne faisaient pas semblant et ne cherchaient pas à échapper aux examens. Ils croyaient vraiment être malades et souffraient en réalité d’une maladie psychogène de masse, également appelée hystérie collective.

En 2018, sur un vol d’Emirates Airlines reliant Dubaï à New York, 100 passagers ont déclaré s’être sentis malades après avoir observé d’autres personnes présentant des symptômes grippaux. Face à la panique, l’ensemble du vol a été mis en quarantaine après son atterrissage à New York. Même la présence du rappeur des années 90 Vanilla Ice sur le vol n’a pas suffi à calmer la panique. Les enquêteurs ont ensuite déterminé que seuls quelques passagers étaient atteints de la grippe saisonnière ou d’un simple rhume. Tous les autres ont souffert d’hystérie collective.

Historiquement, les lieux où un grand nombre de personnes sont confinées dans des espaces restreints et dans des conditions stressantes sont considérés comme les endroits les plus propices aux épidémies ; les couvents, les usines et les pensionnats sont souvent au centre de ces incidents. Tout au long de l’histoire, l’hystérie collective a été largement associée à des groupes de femmes ou d’adolescentes (environ 99% de tous les incidents). En fait, le terme « hystérie » est dérivé du mot grec ancien hystera, qui signifie « de l’utérus ».

Les incidents commencent généralement par un événement déclencheur, comme dans le cas de l’épidémie fictive de Fraises au sucre, mais il s’agit le plus souvent d’une personne qui signale un événement mystérieux. Souvent, un goût inconnu, une odeur nauséabonde ou des émanations sont incriminés, ou parfois une autre personne présentant des symptômes est considérée comme porteuse d’une maladie contagieuse. Très rapidement, plusieurs personnes sont touchées, et la maladie peut se propager pendant des jours, voire des semaines, par vagues successives, et aucune enquête ne permet de déceler de cause évidente.

Peu après les attentats terroristes du 11 septembre 2001, cinq lettres contenant des spores d’anthrax ont été envoyées à des sénateurs et à des médias, tuant cinq personnes et en infectant 17 autres. À la suite de ces attaques, la menace du terrorisme biologique a fait la une de la plupart des journaux et a été couverte à plusieurs reprises par tous les grands programmes d’information.

La peur et l’anxiété suscitées par le risque de dissémination d’agents biologiques invisibles de destruction massive dans l’ensemble de la population constitue une source majeure d’hystérie collective. Plus de 2000 fausses alertes à l’anthrax ont été signalées aux États-Unis suite aux premiers envois. Lorsque Bruce Ivins, chercheur sur l’anthrax, s’est suicidé dans des circonstances suspectes, le FBI a fait une déclaration dans laquelle ils ont expliqué que ctte personne était probablement le seul auteur des lettres, et la peur collective du bioterrorisme s’est apaisée.

L’un des ingrédients clés de l’hystérie collective repose sur le phénomène de contagion émotionnelle, qui se résume à peu près à cela : les personnes proches les unes des autres ont tendance à partager des comportements et des émotions. Ce phénomène peut commencer par la tendance inconsciente des gens à imiter les expressions faciales ou les postures des autres, ce qui produit alors des émotions similaires au sein d’un groupe.

Ce mimétisme a été démontré expérimentalement : les personnes exposées à des situations ont tendance à afficher des expressions et des postures et à signaler des niveaux d’anxiété similaires à ceux des acteurs présents dans la même pièce, même si leur comportement ne correspondait pas aux circonstances ou à la « condition de menace » expérimentale.

La contagion émotionnelle et le risque d’hystérie de masse sont accentués par Internet et les réseaux sociaux. Les personnes déjà sensibles à la contagion émotionnelle sont souvent les mêmes que celles qui ont été les plus touchées par des contenus sensationnels en ligne évoquant une menace de pandémie et qui ont donc souffert davantage de dépression, d’anxiété, de stress et de symptômes de trouble obsessionnel-compulsif.

Pire encore, de nombreuses personnes ont abandonné leurs réseaux sociaux traditionnels (famille et communauté locale) au profit de réseaux virtuels en ligne, ce qui peut permettre aux personnes déjà sujettes à l’anxiété de rencontrer d’autres personnes partageant les mêmes idées, créant ainsi des réseaux propices à la contagion émotionnelle.

Ce phénomène est similaire au fait de consommer beaucoup d’articles sensationnels,qui sont associés à des niveaux accrus d’anxiété publique.

Qu’est-ce qui peut briser la chaîne de contagion émotionnelle et le risque d’hystérie collective ? L’une des possibilités est de s’exposer à un groupe communautaire dont les perspectives sont différentes, bien que cela puisse tout aussi bien aboutir à un rejet complet ou à une « mise à l’écart » entraînant un conflit entre les groupes. Une autre possibilité est que le groupe hystérique fasse l’expérience de ce qu’il craint le plus, à savoir une infection par un virus pandémique. Si le groupe a complètement surestimé le risque de maladie grave et de décès lié au virus, le fait de connaître une infection bénigne apportera la seule preuve dont ils ont besoin.

Même quand la maladie elle-même n’est pas bénigne, une vague pandémique réelle qui traverse une population tend à réduire le stress et l’anxiété au niveau local et à concentrer les gens sur un objectif unique. C’est ce que l’on appelle « l’effet œil de typhon ». Lors des épidémies de SRAS, les personnes les plus proches de la pandémie étaient moins anxieuses et plus à même d’évaluer avec précision leurs propres risques. À l’inverse, les personnes qui se trouvent à la périphérie ou en dehors des épidémies et qui ont reçu leurs informations des médias plutôt que de leur expérience personnelle ont fait état d’une anxiété et d’une détresse accrues. Il n’y a rien de plus efficace que de voir ses peurs irrationnelles démenties de première main.

Publié à l’origine sur le site Substack de l’auteur, repris par le Brownstone Institute

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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