La Chine utilise un modèle d’exportation « parasitaire » pour dominer le marché mondial des batteries

Ouvriers dans une usine de batteries pour véhicules électriques Xinwangda, qui fabrique des batteries au lithium pour voitures électriques et autres usages, à Nanjing, en Chine, le 12 mars 2021.
Photo: STR/AFP via Getty Images
Depuis plus d’une décennie, la Chine communiste s’efforce de monopoliser l’industrie mondiale des batteries, considérant ce secteur comme une pierre angulaire pour faire avancer ses objectifs stratégiques à un moment où la demande de production et de stockage d’électricité est en hausse à l’échelle mondiale.
Les experts ont critiqué les activités agressives non marchandes du régime chinois – notamment les subventions de l’État, les transferts de technologie forcés des entreprises étrangères opérant en Chine et les prix prédateurs – comme une préoccupation majeure pour le reste du monde.
Les batteries plus performantes et plus durables deviennent de plus en plus essentielles dans les biens de consommation courante et les véhicules électriques. Elles jouent également un rôle croissant dans le stockage de l’électricité produite par les énergies solaire et éolienne, ainsi que pour les équipements industriels et militaires, comme les drones.
La Chine est de loin le premier fabricant mondial de batteries, surpassant tous les autres pays réunis. Selon les données publiées par l’Agence internationale de l’énergie (AIE) en mars, la production chinoise représentait les trois quarts de la production mondiale en 2024, l’AIE citant une recherche intensive et une concurrence interne comme facteurs de baisse des prix.
Dans un rapport du 21 juillet intitulé « Débrancher Pékin : un manuel pour reconquérir la chaîne d’approvisionnement en batteries avancées de l’Amérique », publié par la Fondation pour la défense des démocraties (FDD), les auteurs dénoncent la stratégie « fondamentalement parasitaire » du régime chinois en matière de développement de batteries, dans laquelle Pékin profite des normes commerciales internationales pour soutenir ses propres actions dans le but de saper ces règles.
Une ressource rivalisant avec le pétrole
Dès les années 2000, les autorités du Parti communiste chinois (PCC) avaient identifié le développement des batteries comme un secteur crucial, espérant ainsi rattraper le Japon et d’autres pays dotés d’électronique de pointe. Le plan « Made in China 2025 » du PCC, lancé en 2015, faisait des véhicules électriques (VE) et des batteries des secteurs clés dans lesquels Pékin devait investir massivement.
Des chercheurs taïwanais qui se sont entretenus avec Epoch Times ont déclaré que l’approche du PCC à l’égard de l’industrie était fondée sur une anticipation voulant que la technologie des batteries en vienne à rivaliser avec le pétrole en tant qu’importante ressource stratégique.
Tout en commercialisant activement ses batteries pour l’exportation, le PCC n’a accordé de subventions aux fabricants chinois de véhicules électriques que si les batteries qu’ils utilisaient étaient produites en Chine, jetant ainsi les bases d’une future domination dans le secteur.
Tai Chih-yen, chercheur associé à l’Institution Chung-hua pour la recherche économique (CIER) de Taïwan, a déclaré que l’un des principaux facteurs de l’essor rapide de la Chine dans l’industrie des batteries tenait à sa capacité à faire fi des normes internationales régissant le commerce et l’inspection, ainsi que des droits de propriété intellectuelle, afin d’attirer la technologie et les clients de l’étranger.
Le régime chinois a également pris une longueur d’avance en commercialisant les batteries elles-mêmes, plutôt que les produits dans lesquels elles sont utilisées, a expliqué M. Tai à Epoch Times.
Il a donné l’exemple des entreprises japonaises Panasonic et Sony, qui sont fortes dans la technologie des piles, mais qui ont tendance à les utiliser dans leurs propres produits électroniques de marque, tels que les radios ou les ordinateurs.
En 2023, les entreprises chinoises détenaient 63,5 % des parts du marché mondial des batteries pour véhicules électriques, selon SNE Research. Elles étaient suivies par les entreprises sud-coréennes, dont LG et Samsung, à hauteur de 23,1 %, tandis que la société japonaise Panasonic détenait 6,4 % du total.
D’autres entreprises représentaient 7 % de la production mondiale de batteries pour véhicules électriques.

Un visiteur passe devant le stand de LG Energy Solution lors du salon InterBattery 2021 au COEX de Séoul, le 11 juin 2021. (Jung Yeon-je/AFP via Getty Images)
« Parasiter » la chaîne d’approvisionnement mondiale en batteries
Dans un rapport publié le 25 juillet, la FDD note que les batteries deviennent un élément essentiel de la guerre moderne, car les armées utilisent de plus en plus de drones, d’équipements électroniques portables, de navires sans équipage et d’armes à énergie dirigée telles que les lasers.
« La domination du marché chinois résulte en grande partie de transactions opaques ou illicites : corruption, pièges de l’endettement, travail forcé, clauses contractuelles déséquilibrées, vol de propriété intellectuelle et manipulation commerciale », peut-on lire dans le rapport de la FDD, dont les auteurs recommandent des lois plus strictes sur les rapports financiers et la transparence afin de dénoncer les transactions illicites de Pékin.
« D’autres pays maintiennent des marchés ouverts, mais une fois que vous entrez en Chine, vous êtes confronté non seulement à des tarifs douaniers mais également à de nombreuses barrières non tarifaires », a expliqué M. Tai à Epoch Times.
« Ils n’envisagent pas la question sous l’angle du marché ; ils parasitent plutôt d’autres pays. »
Su Tzu-yun, directeur de la Division de la stratégie et des ressources de défense de l’Institut de recherche sur la défense nationale et la sécurité (INDSR), géré par l’État de Taïwan, a déclaré à Epoch Times qu’en plus de donner la priorité aux véhicules électriques et à la technologie avancée des batteries, le PCC s’est également attaché à prendre le contrôle de l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement, en se concentrant sur les éléments de terres rares et autres minéraux nécessaires à leur fabrication.
La Chine elle-même possède d’importants gisements de ces ressources. Elle contrôle 65 % de la production mondiale de lithium, ainsi que 70 % des matériaux utilisés pour la fabrication des cathodes et 85 % de ceux des anodes, notamment le lithium, le nickel, le cobalt et le graphite, selon la FDD.
Selon un rapport de l’université de Stanford, plus de 95 % du graphite de qualité batterie dans le monde est produit en Chine. En raison des politiques du Parti communiste chinois, qui permettent aux installations de traitement de se passer de normes environnementales, le graphite chinois entraîne une pollution élevée, mais des coûts nettement inférieurs à ceux du graphite produit dans d’autres pays.
La Chine a également renforcé son avantage en matière de ressources naturelles en obtenant un large accès aux minéraux bruts en Amérique du Sud et en Afrique, a souligné M. Su, décrivant la stratégie globale du PCC pour s’emparer de l’ensemble des maillons de la chaîne d’approvisionnement des batteries comme : « élever, contenir, puis abattre ».

Mine de terres rares de Steenkampskraal (SKK), à environ 80 kilomètres de Vanrhynsdorp, dans le Cap-Occidental, en Afrique du Sud. (Rodger Bosch/AFP via Getty Images)
Subventions massives et distorsion du marché
Selon le Centre d’études stratégiques et internationales (CSIS), entre 2009 et 2023, l’industrie chinoise des véhicules électriques a reçu environ 230,9 milliards de dollars (soit plus de 197,5 milliards d’euros) de subventions de l’État.
Les subventions du gouvernement américain aux développeurs de véhicules électriques américains ont été bien plus faibles. En 2009, l’administration Obama a adopté l’American Recovery and Reinvestment Act (ARRA), qui prévoyait 2,4 milliards de dollars pour le secteur alors naissant des véhicules électriques. De 2011 à 2017, Washington a offert près de 5 milliards de dollars de crédits d’impôt fédéraux pour les véhicules électriques, selon un rapport du groupe de réflexion américain, Manhattan Institute for Policy Research.
Bien que les subventions gouvernementales ne nuisent pas intrinsèquement à l’activité du marché, l’ampleur des investissements de l’État chinois dans le développement des véhicules électriques permet à ses entreprises d’ignorer les préoccupations liées à la rentabilité, à la fiabilité ou à la sécurité, et de submerger les concurrents étrangers.
L’économiste et commentateur taïwanais Huang Shih-tsung a déclaré à Epoch Times que si les entreprises occidentales sont soumises à la logique des marchés et du capital, les entreprises chinoises soutenues par le PCC peuvent « se développer continuellement, même si elles perdent de l’argent ».
« L’objectif est de conquérir des parts de marché, avec le soutien du gouvernement, des banques et des politiques menées », a déclaré M. Huang.
M. Tai, chercheur au CIER de Taiwan, a expliqué comment les entreprises soutenues par le PCC ont réussi à franchir les importantes barrières à l’entrée dans l’industrie des batteries en s’inspirant des conceptions étrangères, puis en abaissant la qualité de leurs produits au strict minimum.
« Les entreprises japonaises sont rigoureuses et adaptent bien leurs matériaux ; on entend rarement parler de batteries japonaises qui prennent feu ou qui explosent », a-t-il indiqué, soulignant l’importance d’une bonne adaptation des batteries au lithium.
« Mais les batteries chinoises fuient souvent, fonctionnent de manière irrégulière et brûlent ou explosent parfois. »
« Débrancher Pékin » ?
M. Tai estime que la croissance rapide des entreprises chinoises de batteries ne peut être que temporaire, comparant leur ascension à « un feu d’artifice lumineux mais de courte durée ».
Selon lui, les entreprises chinoises ne s’engagent pas dans la véritable innovation nécessaire pour établir une reconnaissance de marque durable ou réaliser des avancées indépendantes dans le domaine. Au contraire, leur modèle économique repose sur la copie de technologies étrangères dans le but de bénéficier des généreuses subventions de Pékin.
Le rapport de la FDD « Débrancher Pékin » décrit le paradoxe de la stratégie chinoise en matière de véhicules électriques et de batteries : bien que la Chine exploite les marchés étrangers, son économie orientée vers l’exportation dépend aussi en fin de compte de ces mêmes marchés.
Cela donne aux États-Unis et aux autres économies de marché la possibilité de riposter et de contraindre Pékin à choisir entre suivre les normes internationales ou perdre l’accès au commerce mondial.
« Dans ce cas, le parasite ne peut se permettre de tuer son hôte », indique le rapport à propos de la Chine communiste. « Nous pouvons placer la Chine devant le choix déplaisant d’accepter certaines règles fondamentales ou de perdre l’accès à nos marchés. »
M. Huang, l’économiste taïwanais, a déclaré que le rythme rapide de l’avancée industrielle de la Chine oblige les gouvernements du monde entier à faire face à la menace posée par les politiques du PCC.
En particulier, ni les États-Unis ni l’Union européenne ne peuvent se permettre de laisser Pékin écraser leurs industries de batteries ou de véhicules électriques, et ils ont commencé à imposer des droits de douane à leurs homologues chinois.
« Des politiques comme le découplage commercial du président Donald Trump avec la Chine révéleront progressivement les dommages causés par le surinvestissement du PCC », a déclaré M. Huang.
Le rapport de la FDD recommande une approche plus proactive des États-Unis pour contrer les avantages actuels de la Chine dans l’industrie des batteries, comme l’incitation à l’investissement privé, l’assouplissement des permis fédéraux, la création de réserves nationales de ressources critiques, l’établissement de zones économiques et la stimulation du raffinage national.
M. Su, chercheur à l’INDSR, a expliqué que les États-Unis et l’Europe disposent d’un certain nombre d’options pour contrer les avantages de Pékin dans l’industrie des batteries, notamment en tirant parti de leur avance technologique dans ce domaine et en coopérant avec des partenaires à travers le monde, y compris en Asie du Sud et de l’Est, afin de contenir la Chine.
En particulier, il a indiqué que les États-Unis devraient collaborer étroitement avec les entreprises japonaises et sud-coréennes — les principaux concurrents actuels de la puissance industrielle chinoise — afin de réduire leur dépendance à la production chinoise.
Song Tang et Yi Ru ont contribué à la rédaction de cet article.

Leo Timm est un journaliste spécialisé dans les sujets de l'actualité, de l'histoire et de la culture traditionnelle chinoise. Il travaille pour Epoch Times à New York.
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