Femme enceinte tuée en forêt : « Je doute énormément que cette femme ait été tuée par son propre chien »

Par Paul Tourège
9 janvier 2020 12:08 Mis à jour: 9 janvier 2020 12:08

Près de huit semaines après le décès d’Élisa Pilarski, l’identité du ou des chiens impliqués dans la mort de la jeune femme n’est toujours pas connu.

Le 16 novembre, le compagnon d’Élisa Pilarski découvrait le corps inanimé de sa compagne sur un chemin forestier de la commune de Saint-Pierre-Aigle (Aisne). Enceinte de six mois, la jeune femme promenait Curtis, l’un des cinq chiens du couple, au moment des faits.

Selon l’autopsie réalisée par l’institut médico-légal de Saint-Quentin, Élisa Pilarski a succombé à une hémorragie « consécutive à plusieurs morsures de chiens aux membres supérieurs et inférieurs ainsi qu’à la tête ».

Quelques jours après le drame, le procureur de la République de Soissons a ouvert une information judiciaire du chef « d’homicide volontaire par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement résultant de l’agression commise par des chiens ».

Le parquet a également ordonné des prélèvements ADN et salivaires sur 67 chiens – les 5 animaux d’Élisa Pilarski et de son compagnon ainsi que les 62 chiens de l’équipage Le Rallye La Passion, qui organisait une chasse à courre dans la forêt de Retz le jour des faits.

Compte tenu du nombre de sujets concernés et de la spécificité des analyses réalisées, les résultats des prélèvements génétiques ne sont toutefois pas attendus avant plusieurs semaines.

« Ce n’est pas la race qui fait la dangerosité du chien »

Spécialiste en droit des animaux, l’avocat Éric Alligné a répondu aux questions des journalistes du Républicain Lorrain dans le cadre d’un entretien publié sur le site du quotidien régional le 8 janvier.

Selon M. Alligné, l’hypothèse que Curtis, un American Staffordshire, ait pu mordre sa maîtresse est peu probable.

« Ça peut arriver, mais c’est très, très rare. Il peut mordre des tiers pour protéger son maître contre un agresseur. Mais qu’il se retourne contre son propriétaire, j’ai du mal à l’imaginer, ce n’est pas là-dessus que j’irais en premier… Je doute énormément que cette femme ait été tuée par son propre chien », souligne l’avocat.

« Il y a beaucoup d’interrogations. Le cœur du problème de l’affaire Pilarski est : chiens de chasse à courre ou chiens de catégorie ? On peut regretter que cette enquête sous l’autorité pénale n’ait pas une volonté rapide de faire la lumière, a très vite évacué le principe de culpabilité des chiens de chasse à courre qui étaient dans le secteur, et semble désormais s’orienter vers la culpabilité ‘des chiens de catégorie’ », ajoute-t-il.

Interrogé sur la dangerosité des chiens de catégorie 1, dont les American Staffordshire font partie, Éric Alligné considère que les comportements agressifs que peuvent manifester certains canidés sont avant tout liés au comportement de leur propriétaire.

« Si vous regardez les chiffres des morsures et des attaques de chiens de catégorie (catégorie 1, chiens d’attaque : type American Staffordshire ; catégorie 2, chiens de garde et de défense : type Rottweiler), c’est minime. Ce n’est pas la race qui fait la dangerosité du chien, c’est le maître évidemment. Un berger allemand est tout aussi dangereux, à partir du moment où il y a un mauvais propriétaire. Dans le cas d’Élisa Pilarski, rien ne dit qu’elle et son compagnon possédaient des chiens dangereux », précise-t-il.

La loi sur les chiens de catégorie étudiée par un député de la majorité

Pour le spécialiste du droit des animaux, l’American Staffordshire ou « Amstaff » jouit d’une mauvaise réputation qui serait usurpée.

« […] Il a mauvaise réputation, parce que c’est soi-disant un chien de ‘combat’, mais le berger allemand, utilisé par les forces allemandes, avait très mauvaise réputation durant la guerre, et il n’a pas été classé en chien de catégorie », confie M. Alligné.

« On a créé la loi des chiens de catégorie parce qu’il y avait des combats de chiens dans certaines cités, et on a mis un permis de détention pour les empêcher. Quand on regarde les chiffres en France et dans le monde, ce ne sont pas les Amstaff et les Rottweiler les principaux responsables des morsures, donc cette loi sur les chiens de catégorie ne s’explique pas pour des raisons sécuritaires mais pour des raisons pratiques et permettre aux forces de l’ordre d’aller voir ce qu’il se passe dans les caves des cités », poursuit l’avocat.

« En ce moment, un député LREM est en train de faire un état des lieux sur les chiens de catégorie, le gouvernement a envie de réactualiser cette loi. Assouplissement ou durcissement, on ne sait pas », observe-t-il.

« Il n’y a que le vétérinaire évaluateur qui peut attester si le chien est dangereux ou pas »

Alors que Christophe Ellul, le compagnon d’Élisa Pilarski, a fait part de son intention d’engager un avocat afin de « faire entendre » les droits de Curtis, qui se trouve sous réquisition judiciaire dans une fourrière de Beauvais (Oise) depuis le 16 novembre, Éric Alligné est revenu sur les dispositions juridiques propres à la situation de l’animal dont le sort reste pour l’instant incertain.

« Quand il existe un problème avec un chien ‘dangereux’ ou qui aurait mordu, on fait une saisie conservatoire de l’animal : il est placé dans un chenil pour évaluer s’il est dangereux ou pas. Un vétérinaire procède à une évaluation comportementale. Si elle est positive, le propriétaire, à travers son avocat, peut demander à l’autorité judiciaire la restitution de l’animal (‘la main levée’). En l’état de cette affaire, la main levée est tout à fait faisable. Et Curtis ne peut pas être euthanasié tant que l’enquête n’a pas été bouclée. »

« Il n’y a que le vétérinaire évaluateur qui peut attester si le chien est dangereux ou pas, ‘mordeur’, comme on dit. L’évaluation se fait en plusieurs étapes, sur plusieurs semaines », conclut M. Alligné.

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