Femme enceinte tuée en forêt : où en est l’enquête quinze jours après les faits ?

Par Paul Tourège
30 novembre 2019 17:49 Mis à jour: 30 novembre 2019 17:49

Deux semaines après le drame qui s’est joué en forêt de Retz, de nombreuses questions restent encore en suspens. Une affaire complexe qui a ébranlé l’opinion publique et semble encore loin d’avoir livré tous ses secrets.

Le 16 novembre, aux alentours de 15 heures, Christophe Ellul découvrait le corps sans vie d’Élisa Pilarski, la jeune femme de 29 ans avec laquelle il partageait sa vie depuis février 2018, sur un chemin forestier de la commune de Saint-Pierre-Aigle, dans l’Aisne.

Enceinte de six mois, la jeune femme était d’abord sortie promener Chivas, l’un des cinq chiens qu’elle détient avec son compagnon.

Au cours de cette ballade avec Chivas, Élisa Pilarski croise un homme qui promène son malinois. D’après un message publié sur Facebook par la jeune femme peu après 12 heures, il semble qu’un échange pour le moins houleux ait eu lieu à ce moment-là.

« Et voilà, encore un connard de maître avec son malinois pas attaché et pas de rappel, le truc arrive à fond sur moi, heureusement que j’étais avec Chivas. Donc, je lui dis : ‘Monsieur, ça ne va pas ou quoi  ? Imaginez qu’ils se battent !’ Qu’est-ce qu’il me répond ce vieux con ? ‘Et alors ?’ Alors monsieur, je vous signale que vous devriez déjà dresser votre chien avant de parler. Et de deux, c’est obligatoire d’avoir un chien en laisse. Espèce de ‘cassos’. Heureusement que je ne promenais pas les autres, sinon boucherie. »

Par la suite, Élisa Pilarski ramène Chivas à son domicile avant de ressortir avec Curtis, le plus jeune des chiens du couple.

D’après les déclarations de Christophe Ellul, la jeune femme l’aurait ensuite appelé peu après 13 heures en lui demandant de la rejoindre immédiatement.

Selon Le Parisien, « elle lui aurait hurlé qu’elle était attaquée ‘par plusieurs chiens’, lesquels l’auraient à ce moment-là déjà mordue ‘au bras et à la jambe’ ».

En poste à l’aéroport de Roissy où il est employé par une compagnie aérienne, le conjoint d’Élisa Pilarski quitte son travail pour se rendre en forêt de Retz et arrive sur les lieux sur les coups de 14 heures.

« J’étais au travail, je captais mal, il me fallait 45 min pour revenir », a-t-il expliqué aux journalistes de BFMTV.

Christophe Ellul affirme qu’il a ensuite tenté de joindre à nouveau Élisa à de nombreuses reprises, sans succès.

« Elle m’a appelé au travail. Elle était attaquée par plusieurs chiens, elle se faisait mordre au bras et à la jambe et elle n’arrivait pas à tenir Curtis. Je lui ai dit de lâcher le chien. Et mon téléphone est tombé dans la voiture. Quand je me suis arrêté pour le reprendre, il n’y avait plus de son. J’ai rappelé 35, 36, 37 fois… Elle n’a jamais répondu », a raconté le compagnon d’Élisa Pilarski dans des propos rapportés par L’Union.

« On a quitté les lieux sans l’avoir vu. Il fait erreur »

Une fois arrivé en forêt de Retz, il se met aussitôt à la recherche de sa compagne. Il aperçoit le 4×4 de la jeune femme, décide de se fier à leurs habitudes de promenade et emprunte un sentier qui longe les dernières propriétés avant de bifurquer à gauche pour monter vers un plateau.

D’après Le Parisien, c’est à cet endroit que Christophe Ellul « dit avoir trouvé plusieurs vêtements d’Élisa, dont son manteau et son écharpe, quasi intacts ».

Un peu plus loin, il affirme avoir croisé un premier cavalier participant à la chasse à courre organisée ce jour-là dans la forêt domaniale par l’équipage de vènerie Le Rallye La Passion.

Selon Christophe Ellul, il s’agirait du lieutenant-colonel Jean-Charles Métras, le commandant du groupement de gendarmerie de l’Aisne présent parmi les veneurs le 16 novembre.

Interrogé par les journalistes de L’Union, l’intéressé assure qu’il n’a jamais vu Christophe Ellul : « On était dans la forêt à ce moment-là, mais on ne l’a pas croisé. On a quitté les lieux sans l’avoir vu. Il fait erreur. »

Il ajoute qu’il ne fait pas partie de l’équipage du Rallye La Passion, mais qu’il avait été invité, « à titre personnel », à suivre la chasse à courre prévue ce jour-là.

« J’étais en famille, avec ma femme et mes quatre enfants. Nous suivions la chasse à pied et en voiture, dans les allées de la forêt. Je n’ai pas de parti pris sur la chasse, je ne suis pas passionné de chasse à courre », ajoute M. Métras.

« Élisa était dénudée, en soutien-gorge, le pantalon baissé »

En poursuivant sa route, Christophe Ellul raconte avoir rencontré des chasseurs à pied ainsi qu’un autre cavalier, Jean-Michel Camus. Ce dernier a confirmé avoir croisé le compagnon de la victime dans un entretien accordé aux journalistes de BFMTV.

Christophe Ellul assure par ailleurs qu’un chasseur à qui il avait demandé de faire attention, car il ne savait pas si Curtis était ou non en liberté, lui aurait répondu : « Je m’inquiéterais plus pour votre chien que pour les miens », avec un sourire narquois. Des déclarations que réfute Jean-Michel Camus.

« Ce monsieur était sur un chemin et il criait, ce qui est surprenant pour un veneur, donc je suis allé vers lui, pensant qu’il avait un problème. Il m’a dit : ‘Je cherche mon chien, faites attention à vos chiens car le mien est très dangereux’. Ce qui m’a laissé un peu sceptique, je lui ai répondu que nos chiens n’étaient pas méchants, mais lui m’a répété que ses chiens étaient ‘très, très méchants’ », a expliqué M. Camus.

« C’est le seul moment où j’ai eu un entretien avec lui. Il est reparti de son côté et je suis reparti du mien. S’il m’avait dit : ‘Je cherche ma femme !’ par exemple, ou : ‘Il y a un problème !’, je pense que nous aurions arrêté la chasse pour l’aider », a-t-il ajouté.

Quelques instants plus tard, vers 15 heures, Christophe Ellul aperçoit Curtis, immobile au fond d’une ravine.

« Il ne bougeait pas, me regardait, et se trouvait à trois mètres de ce que j’ai pris en premier lieu pour un tronc d’arbre, avant de comprendre qu’il s’agissait du corps de ma femme », a déclaré M. Ellul aux journalistes du Parisien.

« Élisa était dénudée, en soutien-gorge, le pantalon baissé », ajoute-t-il. Dans la foulée, il dit avoir vu une meute d’une trentaine de chiens passer à côté de lui sans que les animaux ne cherchent à l’inquiéter.

« Pour moi, c’est sûr et certain, ces trente chiens sortaient du corps de ma femme », déclarera M. Ellul aux journalistes venus à sa rencontre le 20 novembre.

Après avoir tenté, en vain, de ranimer sa compagne, Christophe Ellul essaiera d’appeler les secours sans y parvenir, faute de réseau. Il  décide alors d’aller chercher de l’aide : « J’ai pris Curtis dans la voiture et j’ai été voir des voisins qui ont appelé la police. »

« Une hémorragie consécutive à plusieurs morsures de chiens »

D’après les résultats de l’autopsie réalisée par l’institut médico-légal de Saint-Quentin, Élisa Pilarski et l’enfant qu’elle portait ont  succombé à une hémorragie massive provoquée par plusieurs morsures de canidés.

« L’autopsie a permis de déterminer que le décès s’était produit entre 13 heures et 13h30 et avait pour origine une hémorragie consécutive à plusieurs morsures de chiens aux membres supérieurs et inférieurs ainsi qu’à la tête, certaines morsures étant ante mortem et d’autres post mortem », a déclaré François Trinh, le procureur de la République de Soissons, dans un communiqué publié le 20 novembre.

Le lendemain, François Trinh a ouvert une information judiciaire contre X du chef « d’homicide volontaire par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement résultant de l’agression commise par des chiens ».

Si l’enquête a d’abord été confiée à la section de recherches de gendarmerie d’Amiens (Somme), le parquet l’en a finalement dessaisie au profit du Service régional de la police judiciaire de Creil (Oise). Une décision qui n’est probablement pas étrangère à la présence du lieutenant-colonel de gendarmerie Jean-Charles Métras parmi les suiveurs de la chasse à courre du 16 novembre.

« […] Je comprends un petit peu le procureur. Il n’y avait aucune justification juridique, c’était par rapport à l’aspect médiatique de l’affaire », a d’ailleurs confié M. Métras à nos confrères de L’Union.

« Il est évident que l’on trouvera, sur le corps d’Élisa, l’ADN de Curtis »

Afin d’identifier le ou les chiens mordeurs, des prélèvements ADN et salivaires ont été effectués sur 67 chiens – et non 93 comme le parquet l’avait d’abord annoncé avant de reconnaître « une erreur dans le décompte » : les 62 chiens de chasse de l’équipage des veneurs ainsi que les cinq chiens d’Élisa Pilarski et de son compagnon.

Les résultats des analyses génétiques ne devraient toutefois pas être connus avant plusieurs jours, voire quelques semaines.

« Il est évident que l’on trouvera, sur le corps d’Élisa, l’ADN de Curtis. D’abord parce qu’il s’agit du chien qu’elle promenait, avec lequel elle était tout le temps en contact », observe Caty Richard, l’avocate des proches de la victime.

« Au-delà de l’ADN », Maître Richard estime ainsi qu’« il conviendra de mettre en perspective les traces de morsures et les empreintes de mâchoires des chiens en cause ».

Mais pour la société de vènerie, organisme qui fédère les associations de chasse à courre françaises, il est inenvisageable que les chiens de chasse de l’équipage Le Rallye La Passion puissent être responsables du décès de la victime.

Élisa Pilarski « promenait son chien Curtis, un American Staff, un chien de combat […], dont on ne peut imaginer qu’il ait laissé sa maîtresse se faire dévorer sans la défendre ! Or, des vétérinaires mandatés par les gendarmes ont inspecté les 62 chiens de l’équipage et aucun ne présentait de traces de morsure », a déclaré Antoine Gallon, directeur de la communication de la société de vènerie, à l’AFP.

Un élément qui « disculpe totalement la chasse à courre » organisée ce jour-là selon lui. On ne sait toutefois pas si Curtis portait bel et bien sa muselière au moment des faits.

D’après Le Parisien, celle-ci aurait été « retrouvée non loin » du lieu où gisait sa maîtresse. Contrairement à ce que certains médias avaient laissé entendre, Curtis n’a d’ailleurs pas été euthanasié.

L’animal a été pris en charge et soigné avant d’être placé en fourrière. Il a également fait l’objet d’un « examen comportemental », selon François Trinh.

Les obsèques d’Élisa Pilarski seront célébrées le samedi 30 novembre à Rébénacq (Pyrénées-Atlantiques), le village natal de la jeune femme.

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