Froid extrême: comment résistent les ours polaires, manchots et autres poissons ?

Par Juliette Ravaux, Sorbonne Université
9 mars 2023 17:56 Mis à jour: 9 mars 2023 19:13

Avec une moyenne de -40°C dans l’Arctique et de -60°C en Antarctique, les pôles Nord et Sud sont les régions les plus froides de la planète. Et pourtant, certains animaux y vivent.

Pour résister à ces températures glaciales, ils ont développé des stratégies bien particulières, si ingénieuses que les humains cherchent à s’en inspirer.

Face au froid, les poils transparents des ours et la « tortue » des manchots

Animal emblématique du pôle Nord, l’ours polaire parcourt la banquise sans se préoccuper du froid. Et pour cause : en plus d’être protégé par une couche de graisse de dix bons centimètres, il peut compter sur sa fourrure qui emmagasine et retient la chaleur.

À l’œil nu, celle-ci paraît blanche, mais c’est parce qu’elle réfléchit la lumière : en réalité, les poils sont transparents et creux. Cette particularité leur permet de laisser passer les rayons du soleil et de les guider jusqu’à la peau qui, elle, est noire et les absorbe. Les poils empêchent également la chaleur de la peau de s’évacuer : ainsi, la fourrure reste bien chaude à l’intérieur.

Illustration (Pexels)

Au pôle Sud, les manchots empereurs possèdent, eux aussi, une couche de graisse et un duvet isolants. Mais c’est surtout parce qu’ils sont nombreux qu’ils parviennent à résister au terrible blizzard : l’hiver venu, ils se rassemblent par centaines et se serrent les uns contre les autres pour former un groupe compact appelé « tortue ». Une technique efficace, car il peut faire jusqu’à 37°C au centre, contre -40° à l’extérieur. Chacun y met donc du sien : les oiseaux se relaient pour affronter le froid et maintenir ce rempart qui protège toute la communauté.

La grenouille qui gèle

Pendant l’hiver, de nombreux animaux hibernent pour conserver leur énergie : ils cessent toute activité et vivent au ralenti, en faisant baisser leur température corporelle. Mais quand le froid est extrême, quelques degrés ne suffisent pas. Dans la forêt d’Alaska, où le mercure descend à -40°C, la grenouille des bois va jusqu’à se congeler : son sang ne circule plus, ses reins cessent de fonctionner et son cœur lui-même s’arrête sans qu’elle perde la vie !

Un tel phénomène est possible grâce au stock d’urée, une substance contenue dans l’urine, que le petit amphibien a constitué au cours de l’automne : normalement, le corps élimine ce déchet, mais la grenouille a cessé d’uriner pour conserver l’urée, qui permet non seulement de limiter la formation de cristaux de glace dans et entre les cellules, mais aussi d’apporter de l’énergie. Elle a également accumulé du glucose : stocké dans le foie, ce sucre se mélange à l’eau des cellules et crée un liquide visqueux qui, contrairement à l’eau, ne gèle pas. Grâce à ces réserves, la grenouille des bois reste dans cet état d’hibernation extrême pendant plusieurs mois, avant de dégeler au printemps.

Un antigel naturel

D’autres animaux adoptent la stratégie inverse : ils fabriquent une substance qui empêche leur sang de geler. C’est le cas du poisson des glaces qui vit au large de l’Antarctique, ainsi que de la sole et de la morue polaire qui peuplent l’océan Arctique. Bien que très différents, ces poissons ont un point commun : ils produisent des protéines antigel. Ces petites molécules se fixent sur les cristaux de glace que les poissons avalent en mangeant : elles en épousent parfaitement la forme et les enveloppent comme le ferait une écharpe de laine, bloquant ainsi leur développement.

Ces animaux inspirent les humains : et si nous parvenions à créer des matériaux aussi isolants que la fourrure de l’ours polaire ? Tel est l’objectif des scientifiques qui étudient la forme et la disposition des poils du plantigrade pour fabriquer aujourd’hui des couvertures isolantes et, demain peut-être, des matériaux de construction ou des équipements pour des engins spatiaux.

Quant à l’antigel naturel des poissons, il pourrait servir à faire pousser des plantes plus résistantes au froid ou encore à améliorer le stockage d’organes destinés à être greffés.


Cet article a été coécrit par Sophie Blitman, autrice. Pour en apprendre plus sur les capacités extraordinaires des animaux, vous pouvez lire « Le grand livre des animaux de l’extrême » aux éditions La Martinière Jeunesse de Sophie Blitman, Juliette Ravaux et Claire Martha.

Article écrit par Juliette Ravaux, Maître de conférences, Sorbonne Université

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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