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Jacqueline Cochran : l’intrépide aviatrice au destin hors du commun

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L'aviatrice Jacqueline Cochran debout sur son avion Seversky P-35 lors de la course transcontinentale Bendix Trophy Race en 1939. (Archive Photos/Getty Images)

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Durée de lecture: 13 Min.

Jacqueline Cochran (1906–1980) connut une enfance des plus difficiles. Élevée dans la pauvreté par Ira et Mary Pittman, elle apprit plus tard que les Pittman n’étaient en réalité que sa famille d’accueil. Ils se déplaçaient de Floride en Alabama puis en Géorgie, au gré des emplois trouvés. À huit ans, la fillette travaillait déjà dans une filature de coton. Ce fut seulement alors qu’elle put s’acheter sa première paire de chaussures. Ses robes étaient taillées dans de vieux sacs de farine. Malgré une enfance rude qui l’avait conduite à quitter l’école à l’âge de 9 ans, la future Cochran (alors prénommée Bessie Pittman) se distinguait déjà par sa beauté, son tempérament solaire et une ardeur au travail sans limites. Ces qualités, alliées à un sens aigu de l’aventure et des affaires, allaient la mener vers l’une des vies les plus audacieuses et accomplies du XXe siècle.

Durant son enfance en Floride, elle trouva un emploi dans un salon de beauté et, à seulement 13 ans, maniait déjà les ciseaux pour couper les cheveux des clientes. À 14 ans, elle faisait partie des rares personnes dans le pays capables de manier la machine à permanentes. La même année, elle épousa Robert Cochran et donna naissance à un fils trois mois plus tard.

Cherchant de meilleures perspectives d’emploi, elle s’installa à Montgomery, en Alabama, confiant son fils aux Pittman. Tragiquement, l’enfant mourut trois ans plus tard. Mme Cochran divorça, retourna en Floride, travailla dans divers salons de beauté, suivit une formation d’infirmière pendant trois ans et exerça brièvement auprès d’un médecin. Puis elle prit une décision radicale : quitter le Sud pour New York.

Un nouveau lieu, un nouveau nom

Jacqueline Cochran fut l’une des aviatrices les plus célèbres de l’histoire américaine. (Domaine public)

C’est à New York que Bessie Cochran devint Jacqueline Cochran. Elle affirma alors être orpheline — ce qui, d’une certaine manière, était exact. Elle resta cependant en contact avec les Pittman, aidant même financièrement leurs enfants et petits-enfants.

Dans ce nouveau décor et avec une nouvelle identité, Jacqueline Cochran travailla dès 1932 dans un salon de beauté de luxe. Son charme et sa personnalité lui valurent l’affection d’une riche clientèle, qui l’invita souvent à l’accompagner en voyage.

C’est ainsi qu’elle lança sa propre ligne de cosmétiques. Lors d’un séjour à Miami avec une cliente, elle rencontra Floyd Odlum, un homme d’affaires prospère. Exposant son projet, elle se vit conseiller par M. Odlum d’apprendre à piloter pour livrer elle-même ses produits à travers le pays et devancer ses concurrentes. Séduite par l’idée, elle s’inscrivit à des cours de pilotage et décrocha sa licence en seulement trois semaines, là où il en fallait normalement trois mois. Elle obtint ensuite ses qualifications aux instruments, ainsi que ses licences de pilote commercial et de transport.

Voler devint une véritable passion. Jacqueline Cochran ne voulait plus seulement transporter ses produits : elle voulait repousser les limites de ses capacités.

Le goût de la compétition

En 1934, elle participa à sa première course, la MacRobertson Air Race, reliant Londres à Melbourne. Des problèmes mécaniques l’obligèrent à se poser en Roumanie, mais ce fut la première d’une longue série de courses.

En 1935, elle créa sa marque de cosmétiques Wings to Beauty [littéralement : les Ailes de la beauté, ndlr], implantée à Chicago, Los Angeles puis sur la prestigieuse Cinquième Avenue de New York. Même si son entreprise était en pleine expansion et couronnée de succès, elle continuait à chercher des moyens de reprendre les commandes d’un cockpit.

La même année où elle fonda Wings to Beauty, Jacqueline Cochran participa à la prestigieuse et très compétitive Bendix Race, une course aérienne transcontinentale reliant Los Angeles à Cleveland. Lorsqu’on l’informa que les femmes n’étaient pas autorisées à concourir, elle obtint la signature de chaque pilote confirmant qu’ils n’avaient aucune objection à sa participation. Après avoir soumis cette pétition improvisée, elle reçut l’autorisation de prendre le départ. De nouveau, des problèmes de moteur l’obligèrent à se poser prématurément, mais elle était ravie d’avoir pris part à la compétition et en sortit déterminée à continuer.

De toute évidence, son exemple inspira d’autres femmes autant qu’il la motiva elle-même. Ainsi, lors de la course de 1937, une division féminine fut créée. Jacqueline Cochran la domina et termina, en outre, troisième au classement général. Entre-temps, en 1936, elle avait épousé Floyd Odlum. Leur mariage fut heureux jusqu’à la mort de ce dernier en 1976.

Après avoir terminé troisième en 1937, Jacqueline Cochran participa de nouveau à la course en 1938 et remporta le Bendix Trophy. Un fait plutôt cocasse : lorsqu’un des juges s’approcha de son avion pour lui annoncer sa victoire, il la trouva en train de se repoudrer. Mme Cochran s’était donnée pour mission de prouver que les femmes pouvaient être aviatrices sans sacrifier leur féminité.

Voler pour l’effort de guerre

Alors que sa renommée grandissait grâce à ses succès dans les airs comme dans les affaires, son cercle d’amitiés devint tout aussi prestigieux, comprenant notamment Eleanor Roosevelt, Winston Churchill, Dwight D. Eisenhower et Amelia Earhart. En 1937, Mme Earhart passa d’ailleurs plusieurs jours au ranch de Jacqueline Cochran avant de se lancer dans sa tentative fatale de tour du monde en solitaire. Mme Cochran fut également présidente de l’organisation internationale des femmes pilotes fondée par Amelia Earhart, les Ninety-Nines, de 1941 à 1943.

Lorsque la Seconde Guerre mondiale éclata en Europe, Jacqueline Cochran proposa que des femmes soient utilisées comme pilotes non-combattantes. Bien que des pays européens comme la France et l’Angleterre employassent déjà des femmes pilotes, sa suggestion fut rejetée par le gouvernement américain. En mars 1942, Mme Cochran décida d’emmener avec elle en Angleterre une vingtaine d’autres pilotes féminines brevetées pour rejoindre le British Air Transport Auxiliary. Quelques mois plus tard, après près de neuf mois de guerre pour les États-Unis, le gouvernement fédéral autorisa enfin les femmes à devenir pilotes de transport. Jacqueline Cochran rentra aux États-Unis en 1943 et rencontra le général Henry “Hap” Arnold, qui lui avait promis un poste.

Jackie Cochran avec le général Hap Arnold. (Domaine public)

Avec une autre pionnière de l’aviation, Nancy Love, déjà à la tête du Women’s Auxiliary Ferrying Squadron (WAFS), Jacqueline Cochran suggéra au général Arnold de créer une organisation complémentaire. Le WAFS faisait appel à des femmes déjà titulaires de licences de pilote. Mme Cochran proposa de mettre en place un programme de formation pour alimenter le WAFS en nouvelles recrues. C’est ainsi que naquit le Women’s Flying Training Detachment (WFTD). Le 5 août 1943, le général Arnold annonça la fusion du WAFS et du WFTD, qui devinrent les Women’s Airforce Service Pilots (WASP).

Jacqueline Cochran commença à former des pilotes durant l’été 1943 et, à la dissolution de l’organisation, plus de 1000 aviatrices des WASP avaient contribué de manière décisive à l’effort de guerre américain. Pour son leadership et ses services, Mme Cochran devint la première femme civile à recevoir la Distinguished Service Medal. Lorsque le WASP fut dissous fin 1944, elle devint correspondante de guerre pour Liberty Magazine (que son mari avait racheté à cette fin).

Battre des records

À la fin de la guerre, la carrière aéronautique de Jacqueline Cochran ne faisait que commencer. Elle participa à nouveau à la Bendix Race en 1946 et termina deuxième. L’année suivante, le major Chuck Yeager franchit le mur du son. Lui et Mme Cochran devinrent amis, et le major Yeager l’entraîna à réaliser le même exploit. En 1953, Jacqueline Cochran franchit à son tour le mur du son à bord d’un jet F-86 Sabre.

Avant cette étape, Mme Cochran était restée une voix active et influente au sein de l’armée américaine, plaidant pour que l’Air Force devienne une branche indépendante, ce qui se concrétisa en 1947. L’année suivante, le 12 juin 1948, le président Harry S. Truman signa le Women’s Armed Services Integration Act. Jacqueline Cochran fut alors nommée lieutenant-colonel dans la réserve de l’Air Force. À la fin des années 1940, elle fut consacrée « Aviatrice de la décennie » et reçut le Harmon Trophy en 1950.

Fait notable, lorsque Truman perdit sa réélection en 1952 (battu par Adlai Stevenson II lors des primaires), Jacqueline Cochran fut l’une des principales soutiens d’Eisenhower. Elle réussit même à convaincre les studios Walt Disney de produire un court dessin animé pour sa campagne.

L’héritage de Jacqueline Cochran

Jackie Cochran et Chuck Yeager recevant le trophée Harmon International des mains du président Dwight D. Eisenhower. (Domaine public)

Quand Jacqueline Cochran franchit le mur du son le 18 mai 1953, elle dut le faire à deux reprises. La première fois, ceux qui enregistraient ne perçurent pas le bang supersonique. Ce fut en quelque sorte un moment providentiel, car lorsqu’elle franchit le mur la seconde fois, elle établit aussi un nouveau record de vitesse sur un parcours de 100 kilomètres à 1050 km/h. À la fin de la semaine, Mme Cochran détenait tous les records de vitesse sauf un. L’année suivante, Chuck Yeager et Jacqueline Cochran reçurent le trophée Harmon des mains du président Eisenhower : le major Yeager pour son vol le plus rapide de 1953 et Mme Cochran pour son vol supersonique.

Jacqueline Cochran devint ensuite présidente de la plus prestigieuse organisation aéronautique mondiale, la Fédération Aéronautique Internationale, de 1958 à 1960. Elle établit un record absolu d’altitude de 17.091,80 mètres en 1961, franchit Mach 2 (deux fois la vitesse du son) en 1964, battit des records de vitesse à bord d’un Lockheed F-104G Starfighter de l’USAF, servit comme consultante influente pour l’Air Force et la NASA, fit atterrir un jet sur un porte-avions, traversa l’Atlantique en avion à réaction et reçut plus de 200 distinctions aéronautiques.

Selon le National Aviation Hall of Fame, « lorsqu’elle mourut en 1980, elle détenait plus de records de vitesse, d’altitude et de distance que quiconque dans le monde, homme ou femme ».

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Dustin Bass est le co-fondateur de The Sons of History (Les fils de l'Histoire), une série YouTube et un podcast hebdomadaire sur toutes ce qui concerne l'histoire. Il est un ancien journaliste devenu entrepreneur. Il est également auteur.

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