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Une biographie magistrale et captivante du grand auteur américain Mark Twain

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L'auteur Ron Chernow présente sa dernière biographie sur la plus célèbre figure littéraire américaine.

Photo: Domaine public

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Durée de lecture: 13 Min.

Samuel Clemens, connu principalement sous le nom de Mark Twain, est sans doute le plus grand et le plus influent des écrivains américains. C’était un homme de lettres et un penseur original, dont les idées étaient souvent controversées, que ce soit dans la sphère privée ou publique. Mark Twain était en effet un américain original, et son originalité n’a pu naître que parce qu’il a grandi dans le Sud, le long du Mississippi, au milieu du XIXe siècle. La nouvelle biographie de Ron Chernow, Mark Twain, rend compte de tout son génie, ainsi que de ses défauts.
Dans cette biographie, Ron Chernow prouve une fois de plus qu’il est aujourd’hui le principal biographe en un seul volume aux États-Unis. Au fil des décennies, l’auteur n’a choisi que les personnages américains les plus célèbres, tels que George Washington, Ulysses S. Grant, Alexander Hamilton, John D. Rockefeller et J.P. Morgan. Bien sûr, on pourrait se demander ce qu’au juste M. Chernow dit qui n’a pas déjà été évoqué au sujet de ces personnes. Qu’est-ce qu’il présente que nous ne connaissons pas déjà bien ?
La réponse pourrait bien être tout. La personne moyenne – catégorie dans laquelle je me place – connaît ces personnages sans les connaître réellement. De mon point de vue, les œuvres de Ron Chernow semblent défier le lecteur, voire le public américain tout entier, en posant la question rhétorique suivante : « Vous pensez donc connaître cette personne ? »

Samuel Clemens (1835-1910), plus connu sous son nom de plume, Mark Twain. (Domaine public)

Ma connaissance de Mark Twain était, au mieux, superficielle. Il habitait dans le Sud, aimait le fleuve Mississippi, a écrit plusieurs œuvres classiques américaines, a influencé de manière significative l’humour américain et était une voix contre le racisme (l’esclavage en Amérique avait été aboli au moment où il a commencé sa carrière d’écrivain).
Ron Chernow a présenté, comme on pouvait s’y attendre, la vie de Mark Twain du berceau à la tombe. Nous assistons à son enfance et voyons comment les échecs financiers de son père ont fait naître en lui une peur perpétuelle de la pauvreté ; comment le mariage sans amour, mais cordial, de ses parents l’a amené à apprécier son mariage avec Livy Langdon ; comment la mort prématurée de son jeune frère a été la source de ses inquiétudes concernant la santé de sa famille, dont chaque membre souffrait, sous une forme ou une autre, d’une maladie débilitante et, pour plusieurs, mortelle ; et comment son expérience du racisme dans le Sud l’a amené à s’élever contre de telles injustices et l’a mené à son dédain de la religion.
Bien entendu, M. Chernow met l’accent sur les écrits de Mark Twain, qu’il s’agisse de ses livres, de ses articles, de ses lettres privées ou de ses œuvres inédites.
‘Né sans censure’
En ce qui concerne son écriture, M. Chernow fait une déclaration très éclairante. Considérant à quel point les écrits de Mark Twain ont été controversés, depuis leur publication jusqu’à aujourd’hui (bien que souvent pour des raisons différentes), l’auteur note que nous devrions lui être reconnaissants d’avoir eu le courage, ou la détermination impitoyable, d’être aussi controversé. « L’humour de Mark Twain n’était pas censuré », écrit M. Chernow, « il exprimait des pensées interdites, dont beaucoup étaient terriblement blessantes, mais nous n’aurions pas de Mark Twain s’il avait été trop soucieux des sentiments des gens. »
Comme le note M. Chernow, Mark Twain « était un homme né sans censure » et, au fil de ce volume de plus de 1000 pages, nous assistons à la croissance de son courage littéraire et/ou de son caractère impitoyable. Il s’est fait des amis et des ennemis puissants grâce à ses points de vue controversés. Qu’il soit démocrate ou républicain, nordiste ou sudiste, belliciste ou pacifiste, socialiste ou capitaliste, homme ou femme, et apparemment tout le monde entre les deux, il était ce que beaucoup appelleraient aujourd’hui un « equal opportunity offender » dont les plaisanteries et commentaires offensaient tout un chacun dans l’esprit de l’égalité des chances.
Mark Twain possédait en effet ce que M. Chernow appelle « un côté bourru », mais il possédait surtout un très fort sens de la justice. Il a défendu les Noirs contre le racisme, promu le droit de vote des femmes, exprimé son mépris pour l’aristocratie européenne et critiqué le gouvernement fédéral pour ce qu’il considérait comme l’impérialisme américain au début du XXe siècle, en raison des résultats de la guerre hispano-américaine.
Mark Twain n’était cependant pas dupe et il reconnaissait la grandeur des gens, même s’il était en désaccord avec eux de façon très nette sur des sujets spécifiques. Il admirait et s’est lié d’amitié avec deux célèbres impérialistes britanniques, Rudyard Kipling et Winston Churchill.
Les défauts et les fardeaux de Mark Twain

Susy Clemens (à g.), avec sa mère, Olivia Langdon Clemens, et ses jeunes sœurs Clara et Jean en 1884. (Domaine public)

Ron Chernow évoque à juste titre les nombreux défauts et insécurités de Mark Twain, dont certains sont compréhensibles. Ses insécurités financières étaient profondément enracinées. On peut difficilement lui reprocher de craindre de finir comme son père, ou comme son frère aîné qui semblait suivre les mêmes traces que leur père.
Cette insécurité l’a cependant conduit à s’en prendre aux gens pour ce qui était bien souvent ses propres décisions commerciales insensées. Cela a créé chez lui une suspicion apparemment implacable à l’égard de ceux qui travaillaient pour lui ou essayaient de l’aider. Grâce à son talent littéraire, il pouvait écraser ceux qui, selon lui, l’avaient lésé d’une manière ou d’une autre, que ce soit financièrement ou autre. Comme le note M. Chernow, Mark Twain « était tout à fait capable de devenir prisonnier de ses haines et aucune prescription n’a jamais freiné ses vengeances ».
Cette biographie montre clairement que Mark Twain était un homme accablé. Bien sûr, en regardant de l’extérieur, comme beaucoup l’ont toujours fait – moi y compris – il serait facile de supposer que l’une des personnes les plus célèbres et les plus brillantes de l’Amérique sur le plan littéraire n’aurait guère pu être accablée. Ses problèmes de santé personnels et familiaux, qui ont vu son fils unique, Langdon, mourir alors qu’il était tout petit, et deux de ses trois filles, Susy et Jean, mourir au début de l’âge adulte, étaient des poids pratiquement insupportables. Sur le plan financier, sa naïveté en affaires a failli le ruiner.
« Il avait le pire tempérament possible pour les affaires », écrit M. Chernow. « Avec son imagination extraordinaire, il magnifiait volontiers le potentiel commercial de n’importe quelle invention, perdant tout sens réaliste de sa véritable valeur. [Mark Twain] aurait rencontré beaucoup d’escrocs et d’arnaqueurs qui auraient su trouver dans sa faiblesse un argument de vente astucieux. »
Ses investissements personnels, par exemple dans un dactylographe qui n’a jamais vu le jour, lui ont coûté très cher. Son mépris pour l’industrie de l’édition l’a conduit à l’autoédition, qui lui a valu un certain succès, mais qui l’a finalement endetté. Il a non seulement publié certaines de ses propres œuvres, mais il a également sollicité les œuvres d’autres personnes, principalement les mémoires d’anciens généraux de l’Union, en particulier ceux d’Ulysses S. Grant (un ouvrage qui a connu un grand succès). Cette crise de l’endettement s’accompagne de la culpabilité de placer sa famille dans une situation difficile et l’a conduit, malgré son âge avancé et sa mauvaise santé, à participer aux circuits internationaux des conférences, dont l’un qui couvrait environ 85.000 km.
Mark Twain, vu de l’extérieur, est un auteur humoristique et perspicace d’œuvres grandioses, telles que Les aventures de Tom Sawyer et Les adventures de Huckleberry Finn ; pourtant, ne connaître que ces œuvres, c’est à peine connaître l’homme qui se cache derrière elles. Mark Twain, avec tout son humour et son brio, a en effet mené une vie passionnante qui l’a amené à fréquenter certaines des plus grandes personnalités du monde.
Mais il a aussi porté de lourds fardeaux qui ont modifié ses perspectives et changé sa personnalité. Le fardeau des dettes et de la maladie (personnelle et familiale) l’a souvent conduit à un désespoir momentané et à un chagrin inconsolable. Il convient également de noter qu’au milieu de ces périodes de désespoir et de chagrin, sa personnalité gravitationnelle lui a permis de nouer des amitiés durables – des amitiés qui l’ont temporairement ou définitivement tiré (lui comme ses finances) de ces abîmes.
Une perspective appropriée
La vie du grand auteur mérite d’être honorée et admirée, mais aussi d’être vue à travers le prisme de la réalité, plutôt qu’avec des lunettes roses. Il n’était en aucun cas un homme parfait. C’était un Américain brillant, criblé de défauts et d’insécurités. Cependant, il n’était pas aussi critiqué que certains de ses contemporains ou des critiques d’aujourd’hui le suggèrent.
Ron Chernow prend à juste titre le temps de réfuter certaines des accusations des critiques modernes, et avec les rhétoriciens hyperpolitisés d’aujourd’hui, ces accusations viennent de tous les côtés. M. Chernow peut parfois sembler prêcher, en particulier en ce qui concerne certaines remarques de Mark Twain qui manquent de sensibilité raciale. Mais il faut reconnaître, pour le meilleur ou pour le pire, qu’il écrit pour cette génération moderne politiquement correcte et ultrasensible – un monde très différent de celui de Mark Twain. Ron Chernow reconnaît les deux mondes tout en s’assurant que les lecteurs modernes possèdent une perspective correcte de son sujet.
Si l’on considère les temps modernes, Mark Twain est une biographie qui arrive à point. Dans cette atmosphère racialement et politiquement chargée, qui a parfois placé l’auteur et ses œuvres au centre de l’attention, M. Chernow n’a pas simplement écrit une biographie appropriée de ce qui est sans doute le plus grand auteur américain, mais une biographie nécessaire. Cette nécessité fait que nous ne nous contentons plus de « connaître » Mark Twain, mais que nous pouvons répondre à la question rhétorique de M. Chernow : « Vous pensez donc connaître cette personne ? »
Mark Twain
Par Mark Chernow
Penguin Press, 20 mai 2025
Couverture rigide : 1200 pages
Dustin Bass est le co-fondateur de The Sons of History (Les fils de l'Histoire), une série YouTube et un podcast hebdomadaire sur toutes ce qui concerne l'histoire. Il est un ancien journaliste devenu entrepreneur. Il est également auteur.

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