La Commission européenne a obtenu des pouvoirs spéciaux
La Hongrie défie l’UE : Viktor Orbán bloque les sanctions, l’adhésion de l’Ukraine et l’immigration
Bruxelles a adopté un nouveau mécanisme juridique permettant à la Commission européenne de statuer sur les avoirs russes gelés sans exiger l'unanimité des États membres. Viktor Orbán dénonce une violation de l'État de droit de l'UE et a fait part de son opposition. La Hongrie maintient une position indépendante sur plusieurs questions européennes clés.
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Le Premier ministre hongrois Viktor Orban s'exprime lors d'une conférence de presse aux côtés du président du Conseil européen António Costa (au c.) et de la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen (à dr.), à l'issue du Conseil européen au siège de l'UE à Bruxelles, le 19 décembre 2024.
Grâce à un nouveau mécanisme juridique, la Commission européenne a créé la possibilité de statuer sur les avoirs russes gelés sans qu’il soit nécessaire que chaque État membre oppose son veto. Selon le Premier ministre hongrois, Viktor Orbán, la Commission contourne ainsi les règles européennes en vigueur jusqu’à présent. Vendredi, M. Orbán a écrit sur les réseaux sociaux que les dirigeants européens avaient contourné les procédures établies.
L’UE adopte un mécanisme permettant de contourner l’unanimité en matière de sanctions
Selon un article paru jeudi dans la presse, les ambassadeurs de l’UE ont accordé à la Commission des pouvoirs exceptionnels qui permettent de maintenir plus longtemps le gel des avoirs. Jusqu’à présent, les sanctions devaient être renouvelées à l’unanimité tous les six mois. Le nouveau mécanisme s’appuie sur un article spécifique du traité de l’UE qui autorise les décisions à la majorité qualifiée. Cela permet à la Commission de prendre des décisions sans qu’un seul État membre puisse opposer son veto, mais l’unanimité reste obligatoire pour les autres décisions de sanctions.
Ce mécanisme rend plus difficile pour le Kremlin d’accéder aux fonds gelés avant que certaines conditions politiques ne soient remplies. Des propositions similaires ont également été discutées aux États-Unis dans le passé, mais elles ne constituent pas une position officielle de l’UE.
Les critiques de M. Orbán ne visent toutefois pas uniquement cette mesure : sur des questions telles que le pacte migratoire ou l’adhésion de l’Ukraine à l’UE, la Hongrie a également bloqué à plusieurs reprises la ligne majoritaire de Bruxelles. Sur ces questions centrales, l’UE semble s’efforcer de trouver des moyens de contourner l’exigence de l’unanimité.
Viktor Orbán met en garde contre la poursuite de la guerre en Ukraine
Selon M. Orbán, le problème fondamental est que la Commission européenne permet la poursuite d’une guerre en Ukraine qui, selon lui, ne peut être gagnée, en contournant les traités européens. Il a déclaré que cela conduisait à remplacer l’État de droit dans l’UE par la domination des bureaucrates.
Le Premier ministre hongrois a annoncé que la Hongrie protesterait contre cette décision et ferait tout son possible pour rétablir l’État de droit.
Selon le communiqué de presse, le nouveau mécanisme a été créé, entre autres, pour empêcher la Hongrie – ainsi que d’autres États considérés comme « favorables au Kremlin », tels que la Slovaquie – de bloquer la prolongation des sanctions par un veto.
La Hongrie n’est toutefois pas seule dans cette position : le gouvernement belge avait jusqu’à présent également bloqué l’utilisation des avoirs russes, invoquant des risques juridiques et financiers, tels que d’éventuelles mesures de rétorsion de la Russie à l’encontre de particuliers et d’entreprises européens, ainsi que des expropriations en Russie.
Question controversée de l’adhésion de l’Ukraine à l’UE
Une autre question controversée directement liée à la guerre concerne l’adhésion de l’Ukraine à l’UE. Depuis plus d’un an, Viktor Orbán est au centre du débat européen : il bloque l’ouverture des négociations officielles et invoque des risques économiques, sécuritaires et liés à la guerre.
Il a également affirmé que les mesures prises contre l’oléoduc Druzhba étaient motivées par des considérations politiques et visaient la Hongrie. Selon lui, les explosions perpétrées par Kiev sur l’oléoduc russe Druzhba avaient pour but de contourner le veto hongrois. Ces accusations n’ont pas été vérifiées de manière indépendante.
Fin août, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a déclaré que l’Ukraine avait toujours soutenu les relations amicales avec la Hongrie. Dans le même temps, il a souligné que l’avenir de l’oléoduc Druzhba – dont le nom signifie « amitié » en russe – dépendait désormais de la position de Budapest.
Le Premier ministre hongrois Viktor Orbán s’entretient avec le président ukrainien Volodymyr Zelensky lors du sommet du Conseil européen le 27 juin 2024 à Bruxelles. (Olivier Hoslet/POOL/AFP via Getty Images)
Malgré le veto de M. Orbán, les démarches nécessaires à l’adhésion de l’Ukraine à l’UE ont été engagées. Jeudi, l’Union européenne et l’Ukraine se sont mises d’accord sur un plan d’action en dix points. Celui-ci n’ouvre certes pas officiellement de chapitre d’adhésion, mais permet la préparation technique à l’adhésion.
Le document officiel a été signé par Marta Kos, haute représentante de l’UE pour les questions d’élargissement, et Taras Katschka, vice-Premier ministre ukrainien.
Lors d’une réunion ministérielle informelle à Lviv, Mme Kos a souligné que Bruxelles considérait l’adhésion de l’Ukraine comme une décision politique. L’adhésion de l’Ukraine à l’UE est une pierre angulaire des futures garanties de sécurité européennes et constitue également un élément central des garanties de sécurité globales pour le pays à l’avenir.
Pacte européen sur les migrations : la Hongrie refuse d’accueillir des migrants
De nouveaux développements concernant le pacte européen sur la migration sont apparus cette semaine à Bruxelles. Les ministres de l’Intérieur des États membres sont parvenus lundi à un accord politique visant à établir un cadre de solidarité annuel à compter de 2026. Ce cadre a pour objectif de soutenir les pays particulièrement touchés par les migrations, a annoncé le Conseil de l’UE.
Le mécanisme de solidarité prévoit que les pays de l’UE confrontés à une forte pression migratoire peuvent transférer des réfugiés vers d’autres États membres. Ces pays sont tenus soit d’accueillir les migrants, soit de verser 20.000 euros par réfugié refusé.
Magnus Brunner, commissaire européen à la migration, a déclaré au journal hongrois Népszava que le cadre de solidarité est contraignant pour tous les États membres et qu’aucun gouvernement ne peut s’en exempter.
Il a insisté sur ce point après l’annonce par Viktor Orbán que la Hongrie n’appliquerait ni le pacte migratoire, ni ne verserait de contribution financière, ni n’accueillerait de migrants. « Sous notre gouvernement, aucun migrant ne posera le pied ici. Ni du sud, ni de l’ouest », a-t-il écrit sur Facebook.
Dans un article publié sur X , Viktor Orbán a souligné que la Hongrie est le bastion de défense le plus stable d’Europe. Il a ajouté que le pays a tout mis en œuvre pour consolider cette position. Le Premier ministre a également fait allusion à la clôture frontalière de plus de 160 kilomètres que la Hongrie a construite à ses propres frais et qui protège simultanément l’Union européenne.
M.Orbán souligne régulièrement que le nombre de migrants illégaux en Hongrie est nul et qu’il le restera. C’est également l’une de ses principales promesses électorales pour l’année à venir.
Concernant la décision prise récemment à Bruxelles, il a déclaré que la Hongrie allait protester. Le pays paie déjà une amende journalière d’un million d’euros à l’UE en raison d’irrégularités juridiques constatées précédemment dans le domaine de l’immigration.
La Hongrie s’oppose à Bruxelles
Le lundi 8 décembre, les représentants des États membres de l’UE ont adopté le règlement instituant le programme européen pour l’industrie de la défense (EDIP). La Hongrie s’est abstenue alors que 26 États ont voté pour.
Le programme prévoit d’allouer environ 1,5 milliard d’euros entre 2025 et 2027, dont 300 millions d’euros pour la modernisation de l’industrie de l’armement ukrainienne et son intégration dans l’écosystème européen de défense.
L’abstention de la Hongrie ne constitue pas un veto, car une majorité qualifiée suffit dans ce domaine. Elle illustre toutefois la position indépendante de la Hongrie. Au Parlement européen, le député hongrois András Gyürk a déclaré que le renforcement de l’industrie européenne de la défense était en principe judicieux, mais que la proposition présentée constituait « en réalité un plan de soutien militaire et financier à l’Ukraine ».
Depuis des mois, M. Orbán souligne que Bruxelles se prépare à une longue guerre et que la Hongrie ne souhaite pas y participer, pas plus qu’à la politique migratoire de l’UE. Selon son argumentation, il faudrait, si nécessaire, suivre une voie indépendante.
Le Premier ministre irlandais, Micheál Martin, avait déclaré en mai : « Nous avons accepté le principe de l’unanimité dans une certaine mesure. Mais il est utilisé à mauvais escient. Et l’Union européenne deviendra inopérante si cet abus se poursuit. »
Étant donné que les décisions qui requièrent l’unanimité peuvent avoir des conséquences profondes sur le destin d’un État membre, la situation reste très complexe. Dans ces questions existentielles, la question se pose de savoir si un « non » constitue réellement un droit de veto ou plutôt un instrument légitime de protection de la souveraineté nationale.
M. Orbán n’agit toutefois pas de manière isolée sur plusieurs questions européennes. Sur des thèmes centraux tels que la migration ou le soutien à l’Ukraine, il travaille souvent en étroite collaboration avec le Premier ministre slovaque Robert Fico. Avec l’arrivée du nouveau chef du gouvernement tchèque, Andrej Babiš, cette alliance pourrait désormais gagner considérablement en influence.