Kenya: pour les athlètes femmes comme Agnes Tirop, succès rime avec danger

Par Epoch Times avec AFP
23 octobre 2021 15:55 Mis à jour: 27 octobre 2021 00:48

Avec le succès vient le danger: le meurtre la semaine dernière de l’étoile montante de l’athlétisme kényan Agnes Tirop a révélé la face cachée, parfois tragique, du succès des femmes athlètes dans une société très masculine.

Pressions sociales, dépression, exploitation financière: les risques sont nombreux pour les jeunes femmes confrontées à un succès météoritique. Ils viennent souvent de leurs entourages, entraîneurs, agents ou même de leurs proches.

« Porter le fardeau de toute une famille »

« Les femmes athlètes doivent porter le fardeau de toute une famille », affirme l’ancienne marathonienne Mary Keitany, quelques jours après la mort de son ancienne partenaire d’entraînement, Agnes Tirop, poignardée à son domicile. Elle avait 25 ans.

Samedi le double champion olympique kenyan David Rudisha et les médaillés d’or ougandais Joshua Cheptegei et Peruth Chemutai sont venus assister à ses obsèques à Mosoriot, son village d’enfance à une trentaine de kilomètres au sud d’Eldoret, au milieu d’une foule où beaucoup portaient le maillot rouge caractéristique des athlètes kényans.

Le mari, principal suspect

Arrêté par la police, le mari de la prometteuse double médaillée mondiale du 10.000 m (3e en 2017 et 2019) et 4e des Jeux olympiques de Tokyo sur 5.000 m est le principal suspect.

Durant sa carrière, Keitany a vu de nombreuses jeunes athlètes, comme Tirop, batailler pour tenter d’équilibrer leur vie sportive exigeante avec les attentes et pressions sociales, autour du mariage et de la maternité notamment, tout en étant le principal soutien financier de leur famille élargie.

Des « vaches à lait » par des conjoints cupides

Selon la quadruple lauréate du marathon de New York, beaucoup de ces jeunes femmes qui se sont consacrées à leur sport dès le plus jeune âge, n’ont pas l’éducation nécessaire pour gérer leurs finances et peuvent donc être utilisées comme des « vaches à lait » par des conjoints cupides.

« Elles se rendent compte quand il est trop tard que leur investissement leur échappe et elles sombrent dans la dépression », explique l’athlète à la retraite, mère de deux enfants.

Comme pour Tirop, née dans une famille paysanne de la vallée du Rift, le succès sportif constitue pour de nombreux Kényans le meilleur moyen de sortir de la pauvreté.

Danger des camps d’entraînement

Ils s’investissent dans des camps d’entraînement, lieux qui échappent souvent aux règles et connus pour être des foyers de dérives sexuelles.

Deux camps de la vallée du Rift ont été fermés ces dernières années par la Fédération kényane d’athlétisme (AK) pour avoir prétendument exploité des jeunes femmes.

« Il y a tellement de loups là-bas qui attendent pour s’attaquer à ces filles », souligne Tegla Loroupe, ancienne détentrice du record du monde du marathon, aujourd’hui âgée 48 ans.

« Difficultés de gérer la renommée et l’argent qui leur arrivent si soudainement »

Des agents payent les familles pour les convaincre de « forcer les filles à abandonner l’école prématurément et à participer à des courses à l’étranger », ajoute-t-elle.

« Les jeunes athlètes ne peuvent pas gérer la renommée et l’argent qui leur arrivent si soudainement », estime Wilfred Bungei, champion olympique 2008 du 800 m qui conseille désormais des athlètes en difficulté après avoir lui-même combattu l’alcoolisme.

Les jeunes hommes dépensent leur fortune dans des voitures de luxe ou dans l’alcool; les femmes peuvent, elles, être confrontées à des relations toxiques avec des hommes prédateurs, estime-t-il.

« La mort de Tirop est un signal d’alarme », affirme à l’AFP le porte-parole de la fédération kényane, Dominic Ondieki.

« Les athlètes s’ouvrent maintenant et révèlent les problèmes auxquelles elles sont confrontées dans leur foyer. Il semble que la plupart souffrent en silence », souligne-t-il: « Elles semblent manquer du pouvoir de décision qui est souvent laissé à leurs maris qui prennent le plein contrôle des finances de la famille ».

« Certains hommes ne font qu’attendre pour tirer profit de leur travail. » 

La fédération organise en décembre un atelier sur les droits économiques et sociaux des femmes dans leur foyer et dans leurs relations, en présence de psychologues du sport et de conseillers familiaux.

Mais selon beaucoup d’observateurs, le chantier reste énorme pour soutenir les jeunes femmes qui font la gloire de ce pays d’Afrique de l’Est.

Avec une carrière brillante, une famille et des investissements commerciaux lui assurant sa retraite, Mary Keitany est un rare exemple de réussite à la fois personnelle et professionnelle.

Pour l’ancienne athlète de 39 ans, qui n’a commencé à courir qu’après la naissance de son premier enfant, il faut d’abord que cesse la pression omniprésente sur ces femmes.

« Une femme athlète est censée avoir des enfants, se battre rapidement pour perdre du poids, se remettre en forme et reprendre la compétition afin de mettre de la nourriture sur la table pour toute la famille », affirme-t-elle: « Certains hommes ne font qu’attendre pour tirer profit de leur travail, ça devrait être sanctionné. » 


Rejoignez-nous sur Télégram pour des informations libres et non censurées :
t.me/Epochtimesfrance

Soutenez Epoch Times à partir de 1€

Comment pouvez-vous nous aider à vous tenir informés ?

Epoch Times est un média libre et indépendant, ne recevant aucune aide publique et n’appartenant à aucun parti politique ou groupe financier. Depuis notre création, nous faisons face à des attaques déloyales pour faire taire nos informations portant notamment sur les questions de droits de l'homme en Chine. C'est pourquoi, nous comptons sur votre soutien pour défendre notre journalisme indépendant et pour continuer, grâce à vous, à faire connaître la vérité.