La révélation par un chanteur taïwanais populaire qu’il avait récemment subi une greffe du cœur et du foie en Chine a suscité l’inquiétude, les critiques considérant cette marque de reconnaissance de la part d’une célébrité comme faisant partie de la propagande du régime chinois visant à blanchir le prélèvement forcé d’organes parrainé par l’État.
Le chanteur et compositeur Lü Jianzhong, plus connu sous son nom de scène « Tank », qui a lutté toute sa vie contre une malformation cardiaque héréditaire, est apparu cinq mois après son opération lors d’une conférence de presse le 7 avril 2024, louant les médecins de Chine continentale pour ce qu’il a qualifié d’« opération parfaitement réussie ». Le même jour, il a publié un long message sur le réseau social chinois Weibo pour informer ses fans, remerciant la Chine continentale, sa « patrie », d’avoir été son « soutien le plus fidèle » pendant sa crise de santé.
Des images et des vidéos du chanteur taïwanais exprimant sa gratitude entouré d’un grand nombre de médecins chinois ont rapidement circulé sur internet, faisant de lui la dernière personnalité publique en date à soutenir le système de transplantation d’organes de la Chine communiste.
Les médias d’État chinois ainsi que des sites internet de gouvernements locaux ont largement relayé la nouvelle ; beaucoup ont titré l’affaire comme une « première en Asie », en soulignant la complexité de l’opération, aggravée par la fragilité de l’état de Lü Jianzhong.
Ces récits élogieux dans les médias officiels chinois tranchent nettement avec les réactions à Taïwan, lieu de naissance de Lü Jianzhong, où nombreux sont ceux qui remettent en question les motivations derrière un tel enthousiasme.
De nombreux Taïwanais, y compris des médecins, se sont exprimés sur les réseaux sociaux au sujet de cette affaire. Certains ont évoqué le documentaire primé State Organ, qui met en lumière les crimes de prélèvements forcés d’organes, approuvés par l’État, sur des prisonniers de conscience en Chine continentale. Le film est actuellement projeté dans les cinémas à Taïwan.
« Les méthodes utilisées par la Chine continentale pour se procurer des organes humains sont problématiques ; c’est bien connu au niveau international », a déclaré à Epoch Times Huang Shi-wei, vice-président de l’association médicale à but non lucratif « Taiwan Association for International Care of Organ Transplants ».
Il n’est donc pas surprenant, selon lui, que le régime chinois fasse la promotion d’une opération impliquant une célébrité pour donner de la crédibilité à son industrie de la transplantation.
« Dès que vous allez en Chine pour une greffe d’organes, vous contribuez à faire la promotion du Parti communiste chinois », a-t-il affirmé.
Torsten Trey, directeur exécutif de l’organisation Doctors Against Forced Organ Harvesting (Dafoh, Médecins contre les prélèvements forcés d’organes), estime que le Parti communiste chinois (PCC) transforme l’opération de M. Lü en une « publicité vitrine pour la transplantation ».
« Ils mettent en scène une ‘greffe normale’ et présentent un patient heureux pour en faire la promotion à Taïwan : ‘Vous voyez, la Chine, ce n’est pas si mal’ », a-t-il expliqué à Epoch Times.
Le fait que le chanteur taïwanais qualifie la Chine de « patrie », malgré la résistance de Taïwan à la domination communiste, s’inscrit parfaitement dans l’agenda du PCC, a ajouté Dr Trey, soulignant que la nouvelle a été largement diffusée sur de nombreuses plateformes asiatiques en chinois comme en anglais.
Impossible de vérifier les informations sur le donneur
On ne dispose que de très peu d’informations sur le donneur, à part des déclarations selon lesquelles il ou elle aurait subi un traumatisme crânien grave ayant entraîné une mort cérébrale – une condition nécessaire à la transplantation.
Mais cette mention de traumatisme crânien a suscité davantage de questions chez les experts.
« Quel était ce traumatisme crânien grave ? », a demandé Torsten Trey, faisant allusion aux pratiques passées du régime qui consistait à prélever des organes sur des prisonniers exécutés – une pratique confirmée à Epoch Times par d’anciens médecins et professionnels de la santé chinois.
« La Chine a pour habitude d’indiquer ‘traumatisme crânien grave’ comme cause du décès lorsqu’un peloton d’exécution tire une balle dans la tête de la victime. »
M. Huang a également déclaré que les affirmations de la Chine continentale ne l’avaient pas convaincu. Même si l’origine éthique des organes de M. Lü était confirmée, M. Trey et M. Huang ont tous deux remis en question sa décision d’utiliser sa notoriété et sa renommée pour promouvoir un régime connu pour tuer des prisonniers d’opinion à des fins lucratives.
« Le PCC a créé un récit autour de l’origine des organes ; ils affirment toujours qu’il s’agit d’un décès cérébral consécutif à un traumatisme, mais personne n’a les moyens de le vérifier », a souligné M. Huang.
Epoch Times a contacté l’agence du chanteur, basée en Chine, pour obtenir une réaction, mais n’a pas reçu de réponse au moment de la publication.
En 2022, deux chercheurs ont publié un article conjoint dans l’American Journal of Transplantation, dans lequel ils ont recensé 71 articles médicaux chinois montrant que des médecins prélevaient des organes sur des personnes à des fins de transplantation sans effectuer de test pour confirmer leur mort cérébrale. Les chercheurs ont déclaré à l’époque que leurs conclusions signifiaient que les médecins chinois tuaient effectivement ces personnes.
La Chine n’a établi un système national de don et de distribution d’organes qu’en 2015. Pourtant, même après cette date, une étude de 2019 a révélé que les chiffres officiels des dons semblaient suivre une formule mathématique – un indice probable de falsification.
La même année, un tribunal indépendant à Londres a conclu, après une enquête d’un an, que le prélèvement forcé d’organes se pratiquait à grande échelle en Chine sous la supervision du régime, les pratiquants de Falun Gong – une discipline spirituelle pacifique, mais persécutée – étant la principale source d’organes.
Quatre États américains ont adopté des lois interdisant la prise en charge par l’assurance santé d’opérations chirurgicales réalisées en Chine ou impliquant des organes provenant de ce pays, en raison d’un risque de complicité dans ces violations.
De plus, Taïwan a inculpé en novembre 2024 un chirurgien accusé d’avoir envoyé des patients se faire transplanter en Chine.
Pour M. Huang, le problème clé du système chinois de transplantation d’organes est le manque de transparence.
« Le PCC présente son système comme transparent et traçable, mais en réalité, il ne l’est absolument pas », a-t-il déclaré.
« Il n’est pas ouvert au public et seuls ceux qui sont dans le système y ont accès », a-t-il ajouté.
Pour prouver sa bonne foi, selon lui, le régime devrait rendre ses données de transplantation accessibles sur internet.
Wu Min-chou a contribué à la rédaction de cet article.
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