La littérature contre la tyrannie

Par Joseph Pearce
9 mars 2021 17:54 Mis à jour: 11 septembre 2021 07:56

Les soldats de la modernité ont piétiné beaucoup de gens lors de leur marche monstrueuse à travers le paysage historique.

Ayant abandonné les leçons du passé dans la poursuite imprudente d’un avenir imaginaire, ces esclaves du Zeitgeist (idée de l’époque) ont tué des millions de personnes au nom d’un progrès mythique.

Les progressistes de la Révolution française ont inauguré un règne de terreur ainsi qu’une politique de génocide contre le peuple vendéen, massacrant tous ceux qui résistaient à l’agenda « progressiste ». Inspiré par le proto-communisme de la Révolution française, le rouleau compresseur de la Révolution bolchevique a tué des dizaines de millions de civils au nom du « progrès vers le socialisme et le communisme».

Pour ne pas être en reste, les communistes chinois ont également tué des dizaines de millions de personnes au nom de ce même progressisme meurtrier. En Allemagne, une autre forme de socialisme a levé sa vilaine tête sous la forme du mouvement national-socialiste. L’héritage hideux de ces idéologies modernistes est visible dans l’horreur de la guillotine, des goulags et de la chambre à gaz.

De plus, la progression de la technologie a conféré à la modernité un pouvoir sans précédent pour fabriquer des armes de destruction massive. Au cours du dernier siècle, l’esprit de la modernité a supervisé la techno-boucherie des deux guerres mondiales, ajoutant des dizaines de millions de morts au décompte de la modernité, ayant pour point culminant le largage de bombes atomiques sur deux villes.

Au cours des dernières décennies, la modernité a introduit une culture de la mort dans laquelle l’infanticide systémique est autorisé et même imposé, faisant la guerre aux plus faibles au nom du « progrès ».

Au milieu du chaos et de la folie de la modernité, le pouvoir de la littérature a souvent fait entendre une voix réactionnaire puissante.

Le scientisme à l’œuvre

Dès le début de la modernité, Jonathan Swift avait fait la satire des dangers du scientisme dans Les voyages de Gulliver, une œuvre qui pourrait être considérée comme l’ancêtre de la science-fiction. Jonathan Swift nous fait découvrir des créatures extraterrestres étranges, comme les houyhnhnms, un peuple équin (le nom des Houyhnhnms a été choisi comme une déformation du mot français Homme) et les yahoos, des créatures sauvages de type humain, et nous présente les merveilles « scientifiques » des îles flottantes et les gaffes « scientifiques » de scientifiques fous.

M. Swift n’écrivait pas seulement pour exercer une imagination scientifique, mais pour exorciser les absurdités du modernisme et du scientisme, ce dernier pouvant être défini comme l’idolâtrie des sciences physiques en tant qu’arbitre de toute vérité.

M. Swift, un chrétien profondément orienté vers la tradition, utilise la science dans sa fiction pour exposer les folies du scientisme émergeant de son époque. Ce faisant, il a établi une tradition, que de nombreux auteurs ont suivie, selon laquelle la science-fiction, malgré son utilisation de la science au sens moderne, s’informe par la science au sens traditionnel plus ancien. C’est la philosophie qui informe et inspire la meilleure science-fiction, quel que soit le nombre de vaisseaux spatiaux, de machines à voyager dans le temps et d’extraterrestres à cinq pattes employés dans l’intrigue.

Une illustration de Richard Redgrave pour Les voyages de Gulliver (PD-US)

Mary Shelley, dans son roman Frankenstein, a dépeint le scientisme comme un monstre, qui a dévoré les innocents avant de se détruire lui-même et ses adeptes. Ce roman fascinant, écrit par une adolescente, continue de captiver l’imaginaire populaire malgré ses défauts, car il aborde les éternelles questions sur les relations entre la connaissance scientifique et la philosophie morale. Cette œuvre littéraire est toujours populaire plus de deux siècles après sa rédaction parce qu’on y débat les questions fondamentales de vie et de mort. Cette œuvre est plus grande que nature parce qu’elle s’attaque à la culture de la mort.

Contre les maladies inhérentes à la société

Charles Dickens a élevé une voix puissante, décriant l’insensibilité du matérialisme industrialisé sous ses formes capitalistes et socialistes, faisant écho au dédain de William Blake pour les « sombres moulins sataniques ». A Tale of Two Cities (Le Conte de deux cités), son roman à succès, dont les ventes ont dépassé les 200 millions d’exemplaires, est un exposé de la méchanceté d’une révolution socialiste, ainsi qu’un récit intemporel du triomphe de l’amour désintéressé sur la méchanceté de l’époque.

Portrait daguerréotype de Charles Dickens, 1852, par Antoine Claudet. Compagnie de la bibliothèque de Philadelphie (Domaine public)

Au XXe siècle, la voix des réactionnaires s’est élevée dans la fiction dystopique de Robert Hugh Benson dans Lord of the World (Le Maître de la Terre), Aldous Huxley dans Brave New World (Le Meilleur des mondes), et George Orwell dans Animal Farm (La ferme des animaux) et Nineteen Eighty-Four (1984). Ces romans nous présentent des visions du mauvais monde (la dystopie) qui pourrait devenir réalité si certaines tendances inhérentes à notre propre monde ne sont pas contrées et contrôlées.

Dans la dystopie de Benson, nous voyons les dangers de la laïcité et la montée du démagogue populaire ; dans Huxley, nous voyons les dangers de l’hédonisme et l’insouciance de la dépendance au confort ; dans Orwell, nous voyons la corruption inhérente à la révolution socialiste et le sinistre potentiel que le monde moderne offre à la tyrannie mondiale. Dans ces scénarios de prudence sur la façon dont les choses pourraient être (dystopie), nous sommes inspirés à mieux comprendre la façon dont elles devraient être (eutopie).

La technologie en folie

Les poètes de guerre, en particulier Siegfried Sassoon et Wilfred Owen, ont mis en évidence la laideur hideuse et la boucherie inhumaine de la guerre industrialisée rendue possible par le « progrès » technologique. Dans The Litany of the Lost, M. Sassoon a tourné en dérision les aspects du « progrès » qui ont eu un impact régressif sur l’humanité :

In breaking of belief in human good;
In slavedom of mankind to the machine;
In havoc of hideous tyranny withstood,
And terror of atomic doom foreseen;
Deliver us from ourselves.

Une autre poétesse, Edith Sitwell, a exprimé une horreur similaire dans The Shadow of Cain, le premier de ses « trois poèmes de l’ère atomique » :

« Nous n’avons pas tenu compte du nuage dans les cieux sous forme de main de l’homme… Mais il y eut un rugissement comme si le Soleil et la Terre s’étaient réunis – Le Soleil descendant et la Terre montant pour prendre sa place au-dessus de… La matière première était brisée, l’utérus à partir duquel toute vie a commencé. Puis, vers le Soleil assassiné, un totem de poussière s’est élevé en mémoire de l’Homme. » (traduction libre)

Dans A Canticle for Leibowitz (Un cantique pour Leibowitz), Walter M. Miller a dépeint un monde dans lequel un holocauste nucléaire avait mis fin à la folie de la modernité de manière abrupte et violente et dans lequel la vérité éternelle s’était montrée résistante à une telle dévastation extrême, renaissant comme un phénix de la croyance en Dieu et en l’homme des cendres d’un nihilisme impie et d’un scientisme inhumain.

Antidotes aux tyrannies modernes

Dans The Man Who was Thursday (Le Nommé Jeudi : un cauchemar), G. K. Chesterton a révélé comment les idées ont des conséquences et, plus précisément, comment les mauvaises idées ont de mauvaises conséquences, en montrant comment le nihilisme réduit à néant la bonté, la vérité et la beauté. Mais plus important encore, le roman de M. Chesterton révèle la lumière qui réduit à néant le nihilisme lui-même.

Dans Space Trilogy (La Trilogie cosmique), C. S. Lewis expose le cœur démoniaque du matérialisme et les conséquences diaboliques du scientisme, tout en montrant comment l’amour authentique et sacrificiel, et surtout l’amour conjugal, est l’antidote au poison de la modernité.

Dans ce qui est peut-être le plus grand poème du siècle dernier, The Waste Land (La Terre vaine) de T. S. Eliot, nous voyons comment la modernité a produit des « hommes creux », sans cœur et sans tête, qui sont insensibles aux vérités profondes qui soutiennent l’épanouissement de l’homme.

En Russie, les œuvres de Dostoïevski ont prophétisé les dangers de l’idéologie nihiliste, et celles de Soljenitsyne ont exposé les horreurs de la tyrannie soviétique. L’ouvrage de Soljenitsyne, Un jour dans la vie d’Ivan Denisovitch, montre comment les hommes sont écrasés sous la botte du « progressiste », mais aussi comment l’esprit humain peut triompher du plus inhumain des systèmes politiques.

Pour chaque Alexandre Soljenitsyne, il y avait des dizaines d’écrivains soviétiques qui s’inclinaient devant le Kremlin. Alexandre Soljenitsyne en 1975 (Dossier photo/Bibliothèque du Congrès)

Comme nous le rappellent ces grandes œuvres, la littérature voit au-delà de la modernité, transcendant le temps avec ses intuitions intemporelles et faisant briller la lumière de la beauté afin que nous puissions entrevoir la bonté qui règne au-delà de toute obscurité et la vérité qui transcende tout mensonge.

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