Chaque être humain naît avec deux peurs innées : celle de perdre l’équilibre et tomber, et celle des bruits forts. Les autres sont des peurs acquises. La nature a donc fait son travail en minimisant les peurs qui empêchent la plupart du temps la liberté et l’épanouissement personnel dans l’existence humaine. Néanmoins, une grande partie de la vie s’écoule dans l’accumulation des peurs et ensuite, du moins pour certains, dans les efforts pour s’en débarrasser. La question de la peur est donc d’une importance fondamentale, tant du point de vue individuel que sociétal.
La peur et l’anxiété ont passionné de nombreux esprits brillants tout au long de l’histoire. Les philosophes grecs de l’Antiquité ont expliqué de diverses manières leurs origines, leurs mécanismes et leurs conséquences. Aristote pensait que la peur était le contraire du courage. De son école de pensée découle l’idée que les grands hommes et les grandes femmes ont joué un rôle particulier dans l’histoire, en aidant non seulement les masses mais aussi l’élite à surmonter des peurs souvent paralysantes. En fin de compte, l’histoire a démontré que les leaders courageux y arrivent, ce qui contraste fortement avec les mantras actuels de dirigeants faibles à la tête de gouvernements impuissants.
La peur a toujours été aussi l’un des moteurs, sinon le moteur principal, de toutes les religions. On cite souvent à cet égard le vers du poète Stace (40-96), Primus in orbe deos fecit timor (« Au commencement, sur la Terre, c’est la peur qui a fait les dieux »). Par conséquent, même pour le Vatican, il est difficile de nier que la peur sous-tend les religions polythéistes de l’Égypte ancienne, de la Grèce ancienne et de la Rome ancienne en tant que composante fondamentale de l’émotivité sur laquelle les édifices religieux ultérieurs ont été construits.
La peur n’est souvent comprise que comme une émotion spontanée. Ce n’est pas le cas en politique et notamment dans les régimes politiques autoritaires où la peur fait l’objet d’une préparation, d’une observation, d’une réflexion et donc d’une stratégie d’État. La peur est ainsi introduite dans le cadre de la formalisation doctrinale de l’esprit humain, ce qui conduit à une limitation importante de sa liberté. Rien n’entrave plus le développement humain que la peur, qui a tué bien plus de rêves que les échecs.
Le nazisme est un exemple de création et d’imposition réussies d’une peur globale d’abord au niveau national. Le parti nazi a tenu dans la peur les Allemands pendant des années. L’invention nazie de la « dictature par consentement » a été argumentée par le dirigeant nazi Hermann Goering, qui a expliqué comment faire en sorte que les gens aient peur et soutiennent une guerre et un régime politique auxquels ils s’opposeraient autrement : « Le peuple ne veut pas la guerre, mais il peut toujours être subordonné à la volonté de ses dirigeants. C’est facile. Il suffit de leur dire qu’ils sont attaqués et de condamner les pacifistes pour leur manque de patriotisme et pour avoir mis le pays en danger. Ça marche partout, dans tous les pays. » Il est évident que cela fonctionne de la même manière, non seulement dans la plupart des pays, mais aussi à toutes les époques de l’histoire.
Les dictateurs communistes Staline et Mao, ainsi que leurs successeurs, ont aussi largement contrôlé leurs nations par la peur absolue – peur du gouvernement, peur des services de sécurité, peur de l’injustice institutionnalisée et peur de la guerre nucléaire. Le résultat a été une situation confortable pour les dirigeants, dans laquelle leurs politiques, basées sur des règles qu’ils ont spécifiquement créées, n’ont pas été remises en question pendant des décennies, ce qui a conduit à de nombreuses erreurs coûteuses pour leurs nations et pour le monde.
Les sources de la peur américaine ont été exacerbées depuis les années 1940 par l’exposition inhabituelle du pays à des menaces et à des crises récurrentes. Les inquiétudes des Américains après la Seconde Guerre mondiale se sont intensifiées en raison des craintes liées à la Guerre froide. Des crises spécifiques, telles que la crise des missiles de Cuba, ont conduit à l’émergence d’une rhétorique alarmiste. Le public avait de plus en plus tendance à s’attendre à une menace sérieuse de la part du monde extérieur et à faire l’amalgame entre les nouveaux problèmes et les anciens. Le passage suivant est tiré du discours inaugural du président Franklin D. Roosevelt en 1933 : « Permettez-moi d’affirmer ma ferme conviction que la seule chose que nous ayons à craindre est la peur elle-même – une terreur sans nom, sans fondement, injustifiée, qui paralyse l’effort nécessaire pour transformer le revers en victoire. »
La compréhension de Roosevelt présente un contraste intéressant avec des approches et formulations américaines plus récentes par lesquelles les dirigeants US tentent de manipuler les peurs et évitent systématiquement les occasions d’exhorter les Américains à ne pas avoir de craintes déraisonnables. Ainsi, l’ancien conseiller à la sécurité nationale des États-Unis, Zbigniew Brzezinski, a affirmé que l’utilisation de l’expression « guerre contre le terrorisme » visait à créer délibérément une culture de la peur parce qu’elle « obscurcit la raison, exacerbe les émotions et permet aux politiciens démagogues de mobiliser plus facilement le public en faveur des politiques qu’ils veulent mettre en œuvre ».
L’histoire montre que l’humanité a souvent préféré la fiction à la vérité. Pourtant, ce sont la vérité et la certitude qui renforcent les mécanismes de défense contre la peur et facilitent les choix libres et compétents des individus et des nations. On peut donc raisonnablement se poser la question suivante : l’homme est-il assez fort pour supporter la liberté ? Peut-il réellement faire face aux menaces et aux responsabilités que la liberté implique ? L’avènement de la démocratie a assuré des libertés, mais il a aussi créé une société dans laquelle l’homme se sent aliéné et dépersonnalisé.
L’homme moderne, libéré des carcans de la société primitive qui lui imposait plein de contraintes mais aussi l’apaisait par un entourage omniprésent, n’a manifestement pas encore conquis toute son indépendance intellectuelle et physique. La liberté entraîne chez beaucoup d’individus un sentiment d’isolement qui se traduit par l’insécurité et l’anxiété. Ce groupe de personnes en constante augmentation crée alors ses propres mécanismes de protection illusoire et de fuite en avant : autoritarisme, destructivité ou conformisme machinal.
C’est pourquoi on devrait préparer beaucoup plus sérieusement les jeunes aux avantages indéniables d’une véritable gouvernance démocratique, car la liberté, contrairement à l’esclavage économique, social, militaire ou culturel, n’est jamais garantie. « Le rêve de tout esclave », écrit Richard Francis Burton, « n’est pas d’être libre, mais d’avoir un esclave à lui ». Les peurs seront plus facilement surmontées lorsque la liberté sera acquise, fortifiée et préservée.
Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.
Comment pouvez-vous nous aider à vous tenir informés ?
Epoch Times est un média libre et indépendant, ne recevant aucune aide publique et n’appartenant à aucun parti politique ou groupe financier. Depuis notre création, nous faisons face à des attaques déloyales pour faire taire nos informations portant notamment sur les questions de droits de l'homme en Chine. C'est pourquoi, nous comptons sur votre soutien pour défendre notre journalisme indépendant et pour continuer, grâce à vous, à faire connaître la vérité.