La vente de secrets militaires à l’origine de la disparition du ministre chinois des Affaires étrangères, selon un informateur proche du PCC

Par Shawn Lin
1 août 2023 11:10 Mis à jour: 1 août 2023 18:36

La disparition inexpliquée et le licenciement spectaculaire de l’ancien ministre chinois des Affaires étrangères, Qin Gang, ont fait la une des journaux du monde entier.

La plupart des rumeurs sur Internet ont mis l’accent sur la liaison de M. Qin avec une éminente journaliste de télévision comme étant la principale raison de sa chute.

Cependant, une source proche d’un haut responsable du Parti communiste chinois (PCC) a révélé au journal Epoch Times que M. Qin a été démis de ses fonctions, non pas en raison de sa liaison extraconjugale, mais parce qu’il a violé un tabou majeur du PCC et éveillé les soupçons du chef de l’État chinois Xi Jinping.

En outre, la source anonyme a fait le lien entre la purge de M. Qin et un récent scandale impliquant la très secrète Rocket Force chinoise. Cette révélation sensationnelle implique la vente de secrets militaires, un possible agent double et la crainte d’un soulèvement dans les rangs de l’élite militaire chinoise.

La disparition mystérieuse de Qin Gang

La dernière apparition publique de M. Qin remonte au 25 juin, date à laquelle il a rencontré des représentants du Sri Lanka, de la Russie et du Viêt Nam. Après cette réunion, il a mystérieusement disparu de la scène publique. Le ministère chinois des Affaires étrangères a invoqué des « raisons de santé » pour justifier l’absence de M. Qin à une série de réunions officielles.

Pendant son absence d’un mois, des rumeurs ont circulé sur les médias sociaux en Chine et à l’étranger, selon lesquelles M. Qin aurait eu une liaison avec la célèbre présentatrice de télévision Fu Xiaotian, qui travaille pour la chaîne Phoenix TV basée à Hong Kong, et que les deux auraient eu un enfant de nationalité américaine.

Curieusement, la Chine, qui censure strictement la liberté d’expression en ligne, a laissé les ragots se répandre librement, pour le plus grand plaisir du public chinois.

Le 25 juillet, après seulement sept mois en poste, M. Qin a été démis de ses fonctions et remplacé par son prédécesseur, le diplomate chevronné Wang Yi.

Divulgation de secrets sur les missiles du PCC

Considérée comme la branche la plus secrète de l’Armée populaire de libération (APL), la Rocket Force est une force stratégique et tactique responsable des missiles balistiques nucléaires et conventionnels basés à terre de l’APL.

Toutefois, le 24 octobre de l’année dernière, l’Institut d’études aérospatiales sur la Chine (ISAC), un groupe de réflexion de l’armée de l’air américaine, a publié un rapport de 242 pages (pdf) révélant de manière très détaillée la structure organisationnelle de la Rocket Force.

Le document comprend un large éventail d’informations, allant du système de commandement supérieur de la Rocket Force jusqu’à ses produits logistiques fondamentaux.

Les informations spécifiques détaillées dans le rapport comprennent l’emplacement de la base, les principales fonctions de l’unité, les noms chinois et anglais des responsables militaires et les numéros de code de chaque unité. Le rapport comprend également un diagramme arborescent montrant les photos, les noms et les relations des principaux responsables de chaque département de la Rocket Force.

En outre, le rapport comprend une carte qui montre le déploiement de la Rocket Force dans différentes parties du pays. Le rapport commence même par une section spéciale consacrée au décodage des numéros d’identification cryptés des unités de la Rocket Force.

Des véhicules militaires transportant des missiles DF-21D sont présentés lors d’un défilé militaire sur la place Tiananmen à Pékin, le 3 septembre 2015. (Greg Baker/AFP/Getty Images)

Yao Cheng est un ancien lieutenant-colonel chinois qui vit en exil aux États-Unis et qui conserve des liens avec l’armée chinoise. S’exprimant dans l’émission Pinnacle View de NTD TV, il a qualifié de consternant la précision des informations contenues dans ce rapport.

La Rocket Force est l’une des unités les plus secrètes du PCC, il est donc douteux que ces informations détaillées aient été obtenues à partir de photos satellites, a expliqué le colonel Yao. De plus, les informations très spécifiques contenues dans le rapport ne peuvent être consultées par le personnel subordonné du fait des règles de confidentialité internes.

Purge de la Rocket Force

Depuis son arrivée au pouvoir, Xi Jinping a écarté un certain nombre de chefs militaires pour lutter contre la corruption. Toutefois, cette purge n’a que rarement touché la Rocket Force.

Au cours des derniers mois, les médias chinois, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays, ont rapporté que de nombreux généraux de la Rocket Force avaient été démis de leurs fonctions. Le PCC a voulu colmater la fuite d’informations qui a conduit au rapport de l’ISAC.

Plus récemment, le 27 juillet, le média d’État chinois The Paper a fait savoir que Wu Guohua, ancien commandant adjoint de la Rocket Force, est décédé le 4 juillet des suites d’une maladie. Le lieutenant général était âgé de 66 ans. Une cérémonie d’adieu était prévue pour le 30 juillet.

Publiée près d’un mois après la mort du général Wu, l’annonce officielle a alimenté les spéculations selon lesquelles il s’est suicidé, au lieu de mourir d’une hémorragie cérébrale soudaine comme l’a prétendu l’annonce. En outre, le communiqué a été supprimé peu de temps après sa parution dans The Paper.

Le média taïwanais NewTalk avait fait état de ce suicide présumé le 10 juillet, citant des sources internes.

Le colonel Yao s’est également interrogé sur la cause du décès du général Wu. Dans un message publié le 9 juillet, il a expliqué qu’en raison de son rang militaire élevé, le chef de la Rocket Force aurait eu accès à des soins médicaux de premier ordre. Il est peu probable que des problèmes de santé tels que ceux qui auraient causé sa mort n’aient pas été détectés, a indiqué le colonel Yao.

Selon lui, le PCC a très probablement caché la véritable raison du décès du général Wu, de peur de déstabiliser l’armée.

Le colonel Yao a expliqué qu’en raison des efforts déployés par le président Xi pour lutter contre la corruption, sept officiers de la marine chinoise se sont suicidés. Officiellement, tous seraient « morts de maladie ».

La chute de Qin Gang liée au remaniement de la Rocket Force

Le licenciement de M. Qin et la purge menée dans la Rocket Force ont eu lieu presque simultanément.

Le 26 juillet, une source proche des hautes sphères du PCC a déclaré au journal Epoch Times que le licenciement de M. Qin avait en fait été déclenché par des événements dramatiques impliquant la Rocket Force.

Selon la source, le fils d’un officier de haut rang de la Rocket Force fait des études et des affaires aux États-Unis. C’est ce jeune homme qui aurait vendu aux États-Unis les cartes relatives à la répartition des missiles de la Rocket Force, a indiqué la source.

Les agents du PCC présents aux États-Unis ont été informés de la fuite et ont signalé l’incident à M. Qin. Cependant, M. Qin n’a pas immédiatement rapporté l’incident au président Xi, selon la source.

« Là réside le problème », a souligné la source.

En enquêtant sur la fuite, les agents du PCC ont découvert que Mme Fu était impliquée.

La famille de l’officier aurait demandé à la présentatrice du journal télévisé de parler à M. Qin, espérant que ce dernier puisse aider à dissimuler l’incident relatif à la fuite. Mme Fu connaissait bien la famille, mais M. Qin n’était pas dans leur réseau social.

Cette situation a entraîné un retard dans le signalement de cette fuite, a indiqué la source.

Selon lui, M. Qin serait même intervenu pour glisser un mot en faveur du fils de l’officier, mais en vain.

Le fait que M. Qin ait tardé à signaler la fuite a alarmé Xi Jinping, selon la source, et l’a amené à considérer M. Qin avec méfiance.

Rumeur d’agent double

La source anonyme – qui fait écho à certains médias – a émis l’hypothèse que la présentatrice du journal télévisé est en fait un agent double.

« En apparence, elle est employée par Phoenix TV, mais en réalité, elle travaille pour le deuxième département de l’état-major général. Je ne sais pas comment elle a pu devenir un agent double au service des États-Unis », a ajouté la source.

« Elle s’est rapprochée de Qin Gang dans un but précis », a-t-il poursuivi.

Le deuxième département de l’état-major général est l’unité spéciale de renseignement de l’armée chinoise.

Pour les enquêteurs, Mme Fu est la clé qui leur permettra d’élucider toute l’affaire. Selon la source interne, Mme Fu a avoué qu’elle avait demandé à M. Qin de trouver un moyen d’étouffer l’affaire en question.

Interrogée sur les raisons qui ont poussé Mme Fu à nuire au père de son enfant, la source a émis l’hypothèse que Mme Fu n’avait pas l’intention de lui faire du tort. Cependant, elle s’est mal débrouillée et a fini par impliquer son amant. « Elle était censée travailler dans le secret, mais elle a révélé de nombreuses informations au public », a expliqué la source.

Des rumeurs sur la liaison de M. Qin avec la séduisante journaliste ont circulé sur WeChat pendant les semaines qui ont suivi la disparition de M. Qin. La source a noté qu’il s’agissait d’une situation tout à fait inhabituelle.

« Il aurait été impossible que de tels scandales se répandent librement, sans censure, sur WeChat. En fait, la cyberpolice du PCC, sous les ordres de certains hauts dirigeants du PCC, attise les flammes en coulisses, pour aider à propager le scandale loin à la ronde, de sorte que le public devienne de plus en plus réceptif à l’idée que Qin Gang soit démis de ses fonctions », a-t-il poursuivi.

Trahison des princes jaloux du PCC

Selon cette source, M. Qin, qui a été personnellement promu par le président Xi, a été victime des « princes » jaloux du PCC, qui ont profité de l’occasion pour se débarrasser de lui.

« Xi Jinping est depuis longtemps considéré comme un paranoïaque, craignant toujours que d’autres ne veuillent s’opposer à lui. C’est pourquoi toute personne représentant la moindre menace pour lui est éliminée. Lorsque Xi Jinping s’est aperçu que M. Qin avait des ambitions, il l’a éliminé. Aujourd’hui, Xi Jinping ne pense pas seulement que Qin Gang a tenté de dissimuler un crime, il le soupçonne également d’avoir voulu s’emparer du trône », a fait valoir la source.

En résumé, Mme Fu a causé la chute de M. Qin. Ses aveux, combinés aux coups de poignard politiques, ont conduit à la décision de Xi d’évincer M. Qin, a conclu la source.

Pour M. Qin, il est peu probable que cette histoire se termine bien. « Le Parti communiste chinois est très vicieux lorsqu’il s’agit d’éliminer les dissidents », a-t-il ajouté.

Yuan Hongbing, ancien professeur de droit à l’université de Pékin, qui vit aujourd’hui en exil en Australie, a parlé de la situation de M. Qin au journal Epoch Times le 17 juillet. Selon lui, les hauts fonctionnaires – en particulier ceux des secteurs militaire et politique – ne sont pas autorisés à avoir des échanges intersectoriels. Il s’agit d’un tabou majeur pour le parti, a expliqué M. Yuan. M. Qin a violé cette règle en tentant d’intercéder en faveur du fils de l’officier militaire.

L’ascension fulgurante et la chute de Qin Gang

Entre octobre 2022 et mars 2023, soit en moins de six mois, M. Qin, qui aura 57 ans cette année, a été promu trois fois de suite.

En octobre, lors du 20e congrès national du PCC, M. Qin a été élu membre du comité central du PCC.

En décembre de l’année dernière, il a pris le poste de ministre des Affaires étrangères. En mars de cette année, il a été nommé au Conseil d’État.

Cependant, l’étoile montante Qin a connu une chute tout aussi spectaculaire que son ascension. Après l’incident de la Rocket Force, il est devenu le ministre des Affaires étrangères le plus éphémère de Chine.

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