La véritable histoire de la fin de l’argent et de la vie privée

Par Guy de la Fortelle
10 février 2022 12:12 Mis à jour: 10 février 2022 12:12

Le défaut du capitalisme, c’est qu’il répartit inégalement la richesse. La qualité du socialisme, c’est qu’il répartit également la misère.

Enfant, il m’arrivait de me promener avec mon grand-père par quelque vieux mas provençal aveugle. Il existait encore au début des années 1990 quelques bâtisses en déshérence d’un autre siècle dont l’absence de fenêtre me faisait imaginer des intérieurs effroyables.

En plus de se protéger du froid, du soleil et du vent, les paysans devaient encore se prémunir d’un impôt qu’ils n’avaient pas les moyens de payer : la contribution sur les portes et fenêtres, invention de la Révolution qui a subsisté jusqu’en 1926.

Et immanquablement, mon grand-père me citait gravement (et approximativement) Victor Hugo :

« Hélas ! Dieu donne l’air aux hommes, la loi le leur vend. »

J’étais abasourdi d’une loi si stupide qu’elle empêchait les pauvres gens de percer une fenêtre chez eux.

Au nom de la vie privée : ces « bonnes intentions » dont l’enfer du XIXe est pavé

Et pourtant, la contribution sur les portes et fenêtres était une « avancée fiscale » du XVIIIe siècle que les Britanniques avaient piqué au columnarium romain (qui comptait les colonnes) et que notre Directoire avait ensuite piqué aux Britanniques pour l’intégrer à ce que le XIXe siècle appellera « les 4 vieilles » : les 4 contributions directes mises en place lors de la Révolution pour remplacer celles de l’Ancien Régime (la taille, la capitation, le vingtième…).

Nos 4 vieilles devaient corriger les défauts des contributions directes de l’Ancien Régime qui frappaient presque exclusivement les roturiers et les serfs avec une progressivité inversée.

Aujourd’hui, la contribution des portes et fenêtres correspondrait à notre taxe d’habitation (elle aussi était due par l’occupant). Mais jusqu’en 1926, il était inconcevable que l’État puisse s’immiscer à l’intérieur des domiciles privés et en connaître ne serait-ce que leur surface ou leur valeur locative. Aussi avait-on trouvé que le nombre d’ouvertures était la meilleure approximation de la taille d’un logement dans lequel on n’osait pénétrer.

Et c’est ainsi que l’enfer étant pavé des intentions les meilleures, sous couvert de justice fiscale et de respect de la vie privée, la Révolution et le XIXe siècle à sa suite avaient réussi l’exploit de priver d’air et de lumière les pauvres gens.

Remarquez qu’en 1793, La Convention aux abois avait également voté un impôt temporaire sur le revenu pour faire face aux guerres contre la Vendée et la Première coalition.

Mais en 1798, lorsque le Directoire devra faire face à la banqueroute des 2/3, la déroute des assignats et le besoin de sécuriser des revenus, c’est bien la taxe des portes et fenêtres qu’il préférera à l’impôt sur le revenu, bien plus prometteur mais jugé trop intrusif dans les fortunes privées.

Tout au long du XIXe siècle, l’impôt sur le revenu sera écarté au motif du respect de la vie et surtout des fortunes privées. Adolphe Thiers en sera le chien de garde pendant un demi-siècle avec une rage toujours renouvelée permettant la constitution de fortunes considérables à une époque de croissance forte et d’impôts inexistants.

Cette longue introduction n’est pas fortuite.

Au nom de la chose publique : le XXIe siècle reproduit les ravages du XIXe en miroir

Le miroir est frappant : nous reproduisons au XXIe siècle au nom de la chose publique des ravages similaires à ceux que nous avons accomplis au XIXe siècle au nom de la chose privée.

Il n’y a pas que l’instrumentalisation politiques des sphères publiques et privées qui forment un miroir entre le XIXe et le XXIe siècle, grande courbe ascendante d’un côté et descendante de l’autre :

  • Croissance démographique et économique au XIXe siècle, déclin au XXIe,
  • Abondance énergétique au XIXe, contrainte et bientôt pénuries au XXIe,
  • Impérialisme au XIXe siècle, régionalisme au XXIe,
  • Mobilité sociale et progression des salaires au XIXe, cristallisation des fortunes et stagnation au XXIe,
  • Affermissement de la monnaie au XIXe, destruction au XXIe…

Et comme au XIXe siècle les grands principes moraux de préservation de la vie privée n’avaient rien de bien moral, au XXIe siècle les grands principes d’intérêt général ne vont pas sans arrière-pensées mal dégrossies.

Je vais vous dire aujourd’hui les vraies raisons de la guerre que l’on fait à votre vie privée, à vos libertés sous l’angle de la monnaie, attribut de souveraineté qui nous a été subtilisé il y a déjà 30 ans pour en faire un instrument de servitude.

Ce qui va se passer

À partir de 2024, l’argent liquide va disparaître, remplacé par une « Monnaie Digitale de Banque Centrale » (CBDC en anglais). Sauf accident, cette disparition se fera petit à petit.

Après le lancement de l’Euro digital, on n’obligera plus les commerces à accepter les espèces.

Le FMI avait noté dans un rapport de 2017 qu’il valait mieux que la fin de l’argent liquide soit portée par des entreprises privées car : d’un côté, il s’agit simplement de vendre plus facilement un café alors que de l’autre, il s’agit d’un choix politique contestable avec des arguments valides.

Des groupes comme Visa feront des remises et distribueront des aides à tous les commerces pour qu’ils arrêtent d’accepter les espèces, ils ont déjà commencé aux États-Unis.

Puis ces mêmes espèces seront taxées, elles auront un cours à part et finalement elles disparaîtront (toujours selon le même rapport du FMI).

Les arguments moraux bidons en faveur de la fin de l’argent liquide

La guerre à l’argent liquide utilisera les mêmes idioties habituelles : la lutte contre le blanchiment, l’évasion fiscale, la facilité et… « l’expérience utilisateur ». Il est tellement plus rigolo de payer avec sa puce sous-cutanée, d’un pouce en l’air.

Peu importe que :

  • Les plus gros blanchisseurs soient les banques elles-mêmes – Rappelez-vous le scandale Danske Bank qui porte sur 200 milliards d’euros de blanchiment –,

  • Les plus gros facilitateurs d’évasion fiscale soit les filiales de ces mêmes banques dans les paradis fiscaux et ;
  • Plus il devient rigolo de payer avec son téléphone, sa montre ou sa brosse à dents, plus les particuliers stockent des espèces selon une bonne vieille loi de Gresham : la mauvaise monnaie chasse la bonne.

BONUS : La fin des banques

D’ailleurs les banques elles-mêmes finiront par disparaître. À la différence de votre carte bleue et de votre compte courant, l’Euro digital ne sera pas émis par votre banque commerciale mais directement par la BCE, comme vos espèces aujourd’hui.

Cela permettra à la BCE de se substituer aux banques commerciales en situation de faillite depuis 2008 et un monopole pour la banque de détail se reformera au niveau européen.

La guerre déjà en cours contre l’argent liquide

La réalité est que la fin de l’argent liquide sera la fin de l’argent tout court. C’est un mouvement qui vient de loin et dépasse les arguties des moralisateurs en plastique qu’ils viennent de Paris, Bruxelles, Francfort ou Berlin.

Nous pourrions remonter au grand suicide de 1914 et sa matérialisation monétaire des accords de Gènes de 1922, passer par l’accélération de 1971 et la fin de l’étalon de change or mais nous nous contenterons de la phase terminale dans laquelle nous sommes entrés après 2008.

Cela fait une bonne dizaine d’années que se prépare la fin de l’argent liquide :

  • Les plafonds de paiement ont été abaissés,
  • L’impression de billets de 500€ a été arrêtée,
  • Les espèces ont disparu des guichets

Une guerre sourde est menée contre le cash. Et la raison en est simple : il y a incroyablement trop de dettes.

Le vilain secret de la dette : elle est insoutenable

Les niveaux de dette actuels sont radicalement insoutenables.

Après 2008, plusieurs solutions ont été proposées pour régler ce problème de surendettement morbide que ni la croissance ni l’austérité ne pouvaient raisonnablement surmonter :

  • Rembourser le trop-plein avec une taxe exceptionnelle sur la richesse privée que le FMI évaluait à 10% en 2013 et que l’on pourrait réévaluer à 30% aujourd’hui ;

  • Les solvabiliser avec des taux d’intérêt négatifs et profondément négatifs, généralement entre -5 et -10% selon les travaux de Kenneth Rogoff et Willem Buiter à partir de 2009.

Les deux premières solutions ont un inconvénient indépassable : ce sont des fusils à un coup. Si vous commencez à annuler vos dettes tous les 10 ans comme l’Argentine… Généralement, cela se passe mal.

Cela ne se passe pas mieux si vous piochez dans les comptes de votre population dès que vous avez un trou dans votre budget.

Cela signifie qu’une fois le couperet tombé la discipline budgétaire doit être de fer : allez donc demander à un ministre des finances français d’équilibrer un budget, cela fait un demi-siècle qu’ils ont oublié comment cela marchait.

Les taux négatifs comme seul horizon

Reste la 3e solution : solvabiliser les dettes avec des taux d’intérêt négatifs, ce qui revient à piocher directement dans les comptes des épargnants pour soulager les créditeurs insolvables.

Dit autrement, si vous avez mal investi un crédit d’un million d’euros à 4%, cela vous coûte beaucoup d’argent et peut vous mettre en faillite. Mais si vous pouvez refinancer ce crédit à -2%, vos épaules seront allégées du poids de la dette… Vous avez toujours gâché un million d’euros, mais ce sont les épargnants qui paient à votre place et vous évitent la faillite.

Le grand avantage des taux négatifs, c’est qu’ils continuent la stratégie de la grenouille dans le pot d’eau chaude, on vous spolie à bas feu, de manière opaque et sans que vous compreniez vraiment que la vertu récompense le vice.

Les taux négatifs exigent la fin de l’argent liquide

Il n’y a qu’un seul problème aux taux négatifs : les espèces. Pourquoi avoir de l’argent en banque qui vous est ponctionné d’un intérêt négatif de -5% chaque année si vous pouvez avoir des espèces qui, elles, ne le sont pas.

C’est ce que notait la journaliste Izabella Kaminska dès 2009 dans un papier au titre cristallin Au revoir les billets :

« En bref, les taux d’intérêt négatifs impliquent bien la fin des espèces. »

Le problème de cette solution est qu’elle est douce : c’est une morphine qui calme la douleur mais n’incite pas à régler les problèmes et finit par tuer le patient.

Taux négatifs et contrôle des prix

Empêcher les faillites comme on l’a fait après 2008 et comme le fait le gouvernement Macron depuis le début de cette crise en se portant garant d’entreprises privées dysfonctionnelles est insensé. Cela empêche la bonne allocation de nos ressources, cela empêche les nouvelles structures d’émerger, c’est une forme de nécrose de notre tissu économique et financier.

La production économique devient inadaptée à nos besoins réels et en ajoutant les folies de nos banques centrales : l’inflation frappe.

Bien sûr, le meilleur remède contre l’inflation est la hausse des taux. Les banques centrales ne le feront pas, elles ne le peuvent pas : le système n’est plus capable de soutenir des hausses de taux, tous les acteurs, publics comme privés, sont incroyablement trop endettés.

Alors pour lutter contre l’inflation, les politiques reviendront aux mêmes erreurs habituelles et reviendra le contrôle des prix.

Bien sûr, si les prix flambent, c’est qu’il n’y a pas suffisamment d’offre pour répondre à la demande.

Il faudra donc contraindre la demande. Bien sûr, cette demande sera contrainte au nom de l’écologie et de la sauvegarde des ours polaires. L’Euro digital le permettra.

Contrôle des prix et ticket de rationnement au XXIe siècle

Vous ne pourrez payer avec ces euros digitaux qu’un certain nombre de biens et services, par exemple :

Au-delà mettons de 300 g de viande par semaine, un malus vous sera attribué et au-delà de 600 g la vente sera simplement interdite, vous n’aurez plus qu’à vous rabattre sur un succédané, un ersatz, façon Tricatel dans l’aile ou la cuisse opportunément détenus par un milliardaire américain façon Bill Gates (Beyond Meat).

Idem pour l’essence, l’électricité. Les déplacements seront également contraints.

La fin de l’argent liquide signe la fin de l’argent tout court

Imaginez quelques années d’évolution d’une monnaie dématérialisée et contrainte : ce ne sera plus une monnaie du tout. Simplement un registre de rationnement.

L’Euro digital, c’est le retour des bons de rationnement et des pénuries non par dessein mais par nécessité.

Plus ces politiques seront immorales et plus la morale sera invoquée, moins elles seront vertes et plus l’argument écologique sera avancé.

Il ne s’agit pas d’imagination ou d’affabulation mais de nécessité et de préservation.

Il faut que tout change pour que rien ne change.

Rarement la célèbre sentence du Guépard n’a-t-elle été plus vivace : la perpétuation du système capitaliste impose sa mutation en un système collectiviste.

Bien sûr, cette Babel un jour s’effondrera, mais il ne nous appartient pas de connaître le jour ni l’heure, il nous appartient de veiller et d’être préparés.

Retrouvez la vidéo explicative de cette tribune ici :

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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