Hong Kong : l’afflux de Chinois du continent est voulu par le PCC

La première manifestation d'un million de personnes à Hong Kong, le 9 juin 2019, a choqué Pékin qui, depuis lors, a commencé à concocter une solution "une fois pour toutes" pour Hong Kong

Par Julia Ye & Cindy Li
9 mai 2024 23:33 Mis à jour: 11 mai 2024 17:09

Depuis l’entrée en vigueur de la loi sur la sécurité nationale en 2020, une vague d’émigration est apparue à Hong Kong. Pour lutter contre la perte de talents à Hong Kong, les autorités ont lancé de nombreux programmes d’aide aux talents. Selon certains experts sur la Chine, le Parti communiste chinois (PCC) prépare depuis longtemps un plan visant à « conserver Hong Kong sans Hongkongais », qui serait en cours de mise en œuvre.

Le 30 avril, le chef de l’exécutif de Hong Kong, John Lee Ka-chiu, a déclaré lors d’une conférence de presse qu’à la fin du mois de mars, environ 110.000 talents sont arrivés à Hong Kong dans le cadre de divers programmes de promotion des talents. Parmi eux, le Top Talent Pass Scheme (TTPS) a reçu environ 77.000 demandes, dont 62.000 ont été approuvées. M. Lee a estimé que le TTPS pourrait apporter à Hong Kong une contribution économique directe d’environ 34 milliards de dollars HK (4,35 milliards de dollars) par an, ce qui équivaut à environ 1,2 % du PIB local.

M. Lee a également indiqué que les talents accueillis dans le cadre du TTPS à Hong Kong sont principalement engagés dans la gestion et le travail professionnel, avec un revenu médian d’environ 50.000 HK$ (6.393 $). Certains gagnent même jusqu’à 200.000 HK$ (25.571 $) ou plus. Nombre d’entre eux sont accompagnés de leur conjoint, dont plus de 21.000 sont venus à Hong Kong rien que l’année dernière. Il a précisé que ces conjoints sont généralement jeunes, que certains ont commencé à entrer sur le marché du travail et qu’ils occupent pour la plupart des emplois dans le secteur de la haute technologie, avec un revenu mensuel médian d’environ 30.000 HK$ (3.836 $).

Deux tiers des demandeurs du TTPS sont des ressortissants chinois

Le TTPS a fait son apparition pour la première fois dans le discours de politique générale de M. Lee en octobre 2022. Dans ce rapport, M. Lee a admis que Hong Kong avait perdu environ 140.000 travailleurs locaux au cours des deux années précédentes. Il a proposé quatre mesures pour attirer les talents étrangers, dont le lancement du TTPS, la rationalisation de la politique générale de l’emploi et le programme d’admission des talents et professionnels du continent.

Fin 2022, les autorités de Hong Kong ont officiellement commencé à accepter les demandes de TTPS. Sept semaines seulement après le lancement, plus de 10.000 demandes ont été enregistrées et plus de 7.700 ont été approuvées. Chris Sun Yuk-han, secrétaire du Bureau du travail et de la protection sociale, a déclaré que parmi les plus de 10.000 demandes, deux tiers provenaient de Chine continentale et un tiers d’autres pays de l’étranger.

Il a également souligné qu’il était difficile de distinguer l’origine des demandeurs étrangers, qui peuvent également être des ressortissants chinois.

Selon le site web du département de l’immigration de Hong Kong, le TTPS « vise à attirer les meilleurs talents du monde entier, dotés d’une riche expérience professionnelle et de bonnes qualifications académiques, pour leur permettre d’explorer les possibilités offertes par Hong Kong. Parmi ces talents figurent des personnes à hauts revenus et des diplômés des meilleures universités du monde ».

HK est confrontée à une grave perte de talents

Depuis l’entrée en vigueur de la loi sur la sécurité nationale en juillet 2020, Hong Kong a connu une nouvelle vague d’émigration, des centaines de milliers de Hongkongais ont quitté leur pays pour l’étranger.

Le nombre d’étudiants hongkongais partis est également important. Selon le rapport sur les statistiques d’inscription des étudiants, Hong Kong a perdu près de 68.000 élèves du primaire et du secondaire de septembre 2019 à septembre 2022, dont 27.000 rien que de septembre 2021 à septembre 2022.

En comparaison, au cours de l’année académique de septembre 2018 à septembre 2019, avant que le mouvement anti-extradition n’éclate, la diminution nette du nombre d’élèves du primaire et du secondaire à Hong Kong était de 2429. Autrement dit, au cours des trois dernières années, le nombre d’élèves du primaire et du secondaire perdus à Hong Kong a été multiplié par plus de dix, et le taux d’attrition est passé de 0,35 % à 3,99 %.

La vague d’abandon scolaire s’est également propagée aux jardins d’enfants. Au cours de l’année scolaire qui s’est terminée en septembre 2022, au moins 6.500 élèves de maternelle n’ont pas poursuivi leur scolarité à Hong Kong, avec un taux d’abandon d’environ 6,31 %, atteignant ainsi un nouveau record ces dernières années. Certains médias ont souligné que 80 % d’entre eux (5154 enfants) ont abandonné avant de passer de la maternelle (petite section) à la classe supérieure (moyenne section), avec un taux d’abandon atteignant 9,69 %, ce qui équivaut à un élève de petite section sur dix pour qui le choix a été fait de ne pas poursuivre sa scolarité à Hong Kong.

Depuis le lancement du programme britannique de visa national (de l’étranger) jusqu’au troisième trimestre 2023, plus de 190.000 Hongkongais ont déposé une demande. Selon la tendance actuelle, ce nombre devrait dépasser les 200.000 en 2024.

Une enquête réalisée par l’Institut de recherche sur l’opinion publique de Hong Kong en mars 2022 a montré que 35 % des personnes interrogées ont cité la « liberté personnelle » pour expliquer leur départ, tandis que 58 % ont déclaré ne pas avoir confiance dans l’avenir politique.

Conserver Hong Kong sans les Hongkongais

Ji Da, un commentateur politique basé aux États-Unis, a constaté que la plupart des anciennes générations de personnes anticommunistes de Hong Kong venaient de Chine continentale par des voies diverses, et que le PCC ne se souciait pas de leur départ. Pour le PCC, il est facile de combler le vide à Hong Kong en exportant une partie de l’importante population de Chine continentale.

En fait, il y a de nombreuses années, le PCC a commencé à planifier le remplacement des élites de Hong Kong par des Chinois du continent, a-t-il indiqué à Epoch Times. Pendant le mandat de Tung Chee-hwa comme chef de l’exécutif de Hong Kong, des personnalités pro-Pékin ont proposé l’idée d’un « remplacement de population », en utilisant des « élites continentales » pour remplacer les Hongkongais d’origine.

L’ancien chef de l’exécutif de Hong Kong, Tung Chee-hwa, assiste à une séance de clôture à Pékin, le 20 mars 2018. (Greg Baker/AFP via Getty Images)

Plus tard, les médias officiels du PCC ont largement suggéré le concept de « nouveaux Hongkongais », divisant les Hongkongais en deux catégories : les anciens et les nouveaux. L’idée de « laisser derrière l’ancien, entrer dans l’ère du nouveau » a commencé à se répandre, impliquant l’expulsion des Hongkongais d’origine.

Cheng Xiang, commentateur et expert des questions chinoises, a affirmé que la politique de « conserver Hong Kong sans les Hongkongais » avait commencé à se développer en 2019. Dans sa série d’articles intitulée « La chute de Hong Kong », M. Cheng a décrit comment la politique a détruit la ville en deux ans.

« L’ampleur de la première manifestation d’un million de personnes à Hong Kong le 9 juin de cette année-là [2019] a choqué Pékin. À partir de ce moment-là, Pékin a commencé à concocter la solution ‘une fois pour toutes’ à la question de Hong Kong », peut-on lire dans l’article.

Trois semaines plus tard, le 27 juin 2019, les autorités du PCC ont publié un long article intitulé « Avertissement aux forces du chaos anti-chinoises aux États-Unis : Arrêtez immédiatement ! — Détruisez la révolution de couleur de Hong Kong et défendez résolument l’unité nationale », qui compilait certains rapports rédigés par des groupes de réflexion sur la question de Hong Kong à l’attention du Comité central du PCC et proposait des contre-mesures.

M. Cheng estime que ces mesures ont formulé la « pensée fondamentale » (un concept fréquemment mentionné par le dirigeant du PCC Xi Jinping) de « conserver Hong Kong sans les Hongkongais » et que si le PCC met réellement en œuvre les dix principales suggestions proposées, « Hong Kong sera complètement finie ».

Deux mois après la publication de l’article, le PCC a tenu une réunion de trois jours à Shenzhen le 7 août, transmettant le plan « une fois pour toutes » à un groupe de personnalités de l’establishment de Hong Kong favorables à Pékin.

Lors de cette réunion, Zhang Xiaoming, alors directeur du bureau des affaires de Hong Kong et de Macao, « a fait part de l’esprit important du gouvernement central concernant la stabilisation de la situation actuelle à Hong Kong, [le gouvernement central] qui a mentionné : « Le gouvernement central ne restera jamais les bras croisés… le gouvernement central dispose de moyens suffisants et d’un pouvoir suffisamment fort pour réprimer rapidement les diverses perturbations possibles. »

Cette déclaration officielle est identique au ton de l’article du 27 juin. Fin 2019, M. Cheng a déclaré que des sources internes l’avaient informé que l’article circulait au sein des autorités de Hong Kong et que « bon nombre de ses recommandations pourraient être mises en pratique ».

C’est ainsi que la politique « conserver Hong Kong sans Hongkongais » a vu le jour, affirme M. Cheng.

La police anti-émeute arrête un homme alors qu’elle chasse les manifestants qui participent à un rassemblement contre une nouvelle loi sur la sécurité nationale à Hong Kong, le 1er juillet 2020, à l’occasion du 23e anniversaire de la rétrocession de la ville de la Grande-Bretagne à la Chine. (Dale De La Rey/AFP via Getty Images)

Politique mise en œuvre

Le 23 mai 2020, le média hongkongais pro-Beijing Oriental Daily a publié un éditorial intitulé « La loi de sécurité nationale est immédiatement mise en œuvre pour débarrasser Hong Kong des émeutiers », qui a révélé pour la première fois la politique du PCC visant à « conserver Hong Kong sans les Hongkongais ».

« …en supposant qu’il y a deux millions de personnes à Hong Kong qui soutiennent l’opposition. Si ces personnes ne reconnaissent pas ‘un seul pays’, elles doivent émigrer avec leur famille. Au revoir à eux. Ne restez pas à Hong Kong pour causer des problèmes », peut-on lire dans l’article.

L’article précise également qu’après le départ de ces deux millions de personnes, ceux qui resteront devront aimer la Chine et Hong Kong et respecter la politique d’« un seul pays ».

« Le gouvernement central peut profiter de cette occasion pour réformer complètement les problèmes administratifs, législatifs, judiciaires, éducatifs, de logement et autres, mettant ainsi en œuvre la [politique de] ‘conserver Hong Kong sans les Hongkongais' », peut-on lire dans le document.

M. Ji a noté que peu de temps après, le PCC a mis en œuvre la loi sur la sécurité nationale à Hong Kong, suivie d’une série d’actions de nettoyage contre le camp pro-démocratique.

« Pour le PCC, Hong Kong occupe une position stratégique extrêmement importante », a-t-il poursuivi. « Maintenant qu’une vague d’émigration déferle sur Hong Kong, le PCC saisit l’occasion de remplacer la population. La stratégie ‘Conserver Hong Kong sans les Hongkongais’ est en train d’être mise en œuvre. »

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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