L’atelier en plein air

13 avril 2016 08:00 Mis à jour: 13 avril 2016 09:40

Le musée Jacquemart André présente du 18 mars au 25 juillet une cinquantaine d’œuvres prestigieuses, issues de collections particulières et d’institutions européennes et américaines majeures, qui retracent l’histoire de l’impressionnisme.

Le XIXe siècle voit l’émergence d’un genre pictural nouveau : le paysage en plein air. Cette révolution picturale, née en Angleterre, se propage sur le continent dès les années 1820 et la Normandie devient, pendant un siècle, la destination préférée des peintres d’avant-garde.

Pour attirer les artistes, la Normandie dispose de sérieux atouts : la beauté et la diversité de ses paysages ; la richesse de son patrimoine architectural ; la mode des bains de mer qui draine une clientèle fortunée ; la facilité d’accès par bateau ou par diligence, puis par le train ; sa situation à mi-chemin entre Londres et Paris, les deux capitales artistiques de l’époque.

Dès la fin des guerres napoléoniennes, les paysagistes anglais (Turner, Bonington, Cotman…) débarquent en Normandie, avec leurs boîtes d’aquarelle, tandis que les Français (Géricault, Delacroix, Isabey…) se rendent à Londres pour découvrir l’école anglaise. De ces échanges naît une école française du paysage, dont Corot et Huet prennent bientôt la tête. À leur suite, c’est une myriade de peintres qui va sillonner la région et inventer une nouvelle esthétique : Delacroix, Riesener, Daubigny, Millet, Jongkind, Isabey, Troyon…

Cette révolution artistique se cristallise, au début des années 1860, lors des rencontres de Saint-Siméon, qui réunissent chaque année à Honfleur et sur la Côte Fleurie tout le gratin de la nouvelle peinture. Il y a là Boudin, Monet et Jongkind, un trio inséparable, mais aussi tous leurs amis : Courbet, Daubigny, Bazille, Whistler, Cals… Sans compter Baudelaire, le premier à avoir célébré, dès 1859, les « beautés météorologiques » de Boudin. Non loin de là, dans la Normandie bocagère, Degas peint ses premières courses de chevaux au Haras-du-Pin et Berthe Morisot s’initie au paysage, tandis qu’à Cherbourg, Manet révolutionne la peinture de marine. Dès lors, pendant plusieurs décennies, la Normandie va devenir l’atelier en plein air préféré des impressionnistes. Monet, Degas, Renoir, Pissarro, Boudin, Morisot, Caillebotte, Gonzalès, Gauguin… vont y épanouir leur art et le renouveler constamment.

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L’exposition se propose d’évoquer d’abord le rôle décisif joué par la Normandie dans l’émergence du mouvement impressionniste, à travers les échanges franco-anglais, le développement d’une école de la nature et les rencontres de Saint-Siméon. Puis, passant d’une approche historique à une approche géographique, l’exposition montrera à quel point les paysages et plus encore les lumières de la Normandie ont été déterminants dans l’attirance que cette région a exercée sur tous les maîtres de l’impressionnisme.

Les historiens d’art ont longtemps considéré que Paris avait un rôle prépondérant dans la confirmation de l’impressionnisme. Les recherches menées depuis une trentaine d’années ont conduit à repenser cette histoire dans une chronologie longue qui fait remonter les origines de l’impressionnisme au début des années 1820.

Cette nouvelle approche souligne l’influence de l’école anglaise dans la naissance d’une école française du paysage et accorde à la Normandie un rôle déterminant.

De multiples raisons expliquent que la Normandie ait été le berceau de l’impressionnisme

Sa position géographique, à mi chemin entre Londres et Paris, les deux capitales artistiques de l’époque. La richesse de son patrimoine architectural, au temps où les artistes participaient activement à sa redécouverte. À partir de 1820, Isidore Taylor publie les Voyages pittoresques et romantiques dans l’ancienne France, dont les deux premiers volumes sont consacrés à la Normandie, et en 1825 Victor Hugo lance son pamphlet Guerre aux démolisseurs. La beauté et la diversité de ses paysages mais aussi la subtilité et la versatilité de ses lumières, à une époque où le paysage devient un genre à part entière et où les peintres sortent de leur atelier pour capter, sur le motif, la lumière naturelle (Monet, La Charrette. Route sous la neige à Honfleur avec la ferme Saint-Siméon, Musée d’Orsay, Paris). La facilité de transport par le fleuve puis par le train. Les lignes ferroviaires entre Paris et la côte normande sont parmi les premières à être créées, favorisant l’essor des stations balnéaires.

Gustave Caillebotte (1848-1894). Régates en mer à Trouville, 1884. (Photograph Incorporated, Toledo)
Gustave Caillebotte (1848-1894). Régates en mer à Trouville, 1884. (Photograph Incorporated, Toledo)

Plages, loisirs et mondanités

Le rivage était traditionnellement le domaine des marins, débarquant leurs cargaisons ou ravaudant leurs filets, et de leurs femmes, lavant le linge ou ramassant les coquillages (Boudin, Marée basse à Trouville, pêcheurs de crevettes, Association Peindre en Normandie, Caen). Avec la mode des bains de mer, le rivage se transforme en plage, un espace désormais partagé entre travailleurs de la mer et estivants en villégiature (Monet, Sur les planches de Trouville, Hôtel des Roches noires). D’un côté, un prolétariat de plus en plus mis à l’écart, de l’autre une aristocratie et une haute bourgeoisie venant profiter du bon air, des baignades et d’une vie mondaine prolongeant la vie parisienne. D’où la création de promenades (les fameuses planches de Trouville et de Deauville), d’hippodromes pour jouer aux courses (Degas, Course de gentlemen. Avant le départ), de kiosques à musique pour écouter des concerts, de casinos pour parier, assister à des opérettes ou à des pièces de théâtre. Bientôt ce sera l’ouverture de clubs de tennis sur le modèle anglais. Autant de lieux à la fois de convivialité et de ségrégation sociale.

Sous le Second Empire (1852–1870), époque d’industrialisation et d’essor des grandes fortunes, la villégiature prolifère avec la création ex nihilo de nouvelles stations balnéaires tout au long de la Côte Fleurie, entre Deauville et Cabourg.

L’émergence d’une civilisation des loisirs, dont les peintres se font les chroniqueurs, est une aubaine pour des artistes qui peinaient à écouler leurs « marines » et qui peuvent maintenant vendre à bon prix des « scènes de plage ». Ce genre, inventé en 1862 par Eugène Boudin, sera repris par tous ses amis impressionnistes.

 

INFOS PRATIQUES

Musée Jacquemart André  158 boulevard Haussmann 75008 Paris   Tél. : 01 45 62 11 59

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