Le « capitalisme autoritaire » du PCC est sa machine d’influence au Moyen-Orient : analyse d’un expert

Par Tiffany Meier et Venus Upadhayaya
17 avril 2023 11:22 Mis à jour: 17 avril 2023 21:14

Le « capitalisme autoritaire » du Parti communiste chinois (PCC) s’aligne sur les desseins des régimes autocratiques du Moyen-Orient et soutient la politique étrangère de Pékin dans la région, selon Faisal Saeed Al Mutar, fondateur de l’organisation à but non-lucratif, basée à New York, Ideas Beyond Borders, qui « partage, traduit et promeut des idées qui favorisent la pensée critique, la science et les droits civils au Moyen-Orient ».

Le capitalisme autoritaire est le fonctionnement d’une économie capitaliste, d’une part, combiné à l’absence ou à l’érosion de la démocratie et des libertés civiles, d’autre part, selon Daniel Kinderman, professeur associé et directeur des études européennes au département des sciences politiques et des relations internationales de l’université du Delaware.

Sur 21 pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord, l’Institut international pour la démocratie et l’assistance électorale classe 17 d’entre eux dans la catégorie des régimes autoritaires. Dans le même temps, Israël est considéré comme une démocratie, la Jordanie et le Maroc comme des régimes hybrides, et la Tunisie comme une démocratie faible.

Selon M. Al Mutar, un Moyen-Orient largement autoritaire constitue un contexte favorable à la politique étrangère chinoise dans la région : « En réalité, les personnes qui en profitent le plus sont les aristocrates de la région et les autoritaires », a déclaré M. Al Mutar lors d’une interview accordée à l’émission « China in Focus » de NTD, le 11 avril.

« Et c’est la version que la Chine vend : d’une part, vous pouvez contrôler votre peuple grâce à sa technologie de surveillance, et d’autre part, vous pouvez copier ce qu’elle appelle ‘le modèle chinois’, qui est une version du capitalisme autoritaire avancé », a-t-il ajouté.

M. Kinderman a déclaré que la Chine, sous la direction de Xi Jinping, est un régime « capitaliste autoritaire » qui « mêle le développement à des éléments prédateurs et reste très interventionniste ». Il se caractérise par « une répression politique renforcée […] et des réformes économiques très marginales ». Dans ce modèle, l’ « État-parti » empiète sur les marchés.

Il décrit le modèle chinois comme « un mélange de fonctions et d’intérêts de l’État et de la propriété privée, ainsi que des interactions politisées avec le capital étranger ».

Histoire du Moyen-Orient

Selon M. Al Mutar, le Moyen-Orient a été le champ de bataille de nombreux pays pendant la guerre froide, et les Soviétiques ont développé des opérations d’influence massives dans la région. Le Moyen-Orient est aujourd’hui au premier plan des efforts de la Chine pour étendre son influence.

Al Mutar a déclaré que le capitalisme autoritaire de la Chine est lucratif pour les régimes autocratiques du Moyen-Orient, car sous ce régime, « les gens ne meurent pas de faim, ils peuvent toujours avoir leur voiture et acheter leur Louis Vuitton tout en étant sous le contrôle de l’État, et l’État [est] capable de contrôler non pas nécessairement les moyens de production, mais réellement tous les mouvements et les idées des gens ».

Selon Al Mutar, la Chine jouit – « malheureusement » — d’une réputation positive au Moyen-Orient, car elle n’a pas d’ « histoire hostile » dans la région comme les nations européennes et, en particulier, les États-Unis.

C’est ainsi qu’ils se présentent à la région : « Nous sommes un intermédiaire pacifique. Nous n’essayons pas de nous immiscer dans votre culture ! Nous sommes simplement là pour que tout le monde s’entende ». Et beaucoup d’aristocrates adorent cela », a déclaré M. Al Mutar.

L’Arabie Saoudite est l’un des principaux fournisseurs de pétrole de la Chine, et Pékin a réussi à négocier un accord entre l’Arabie Saoudite et l’Iran en mars, ce que les États-Unis n’ont pas réussi à faire. M. Al Mutar a déclaré qu’il s’agissait de « quelque chose de très rare » et que la Chine profitait de la situation générale, non pas pour imposer son influence, mais plutôt pour l’utiliser afin d’accroître sa domination dans la région et de concurrencer les États-Unis.

« Les Chinois leur disent : nous tuons aussi nos journalistes ! Vous pouvez donc faire ce que vous voulez », a déclaré Al Mutar à Tiffany Meier, animatrice de China in Focus. « Il s’agit donc d’une sorte de package dans lequel l’intervention est limitée et dont la majeure partie est axée sur l’économie, tandis que le diable se cache dans les détails, en termes de vente de leur technologie de surveillance, en essayant d’utiliser toutes les ressources au sein du Moyen-Orient. »

Des femmes portant le foulard se promènent près de la place Tajrish à Téhéran, la capitale de l’Iran, le 12 juillet 2022. (Atta Kenare/AFP via Getty Images)

Technologie de surveillance

Le modèle chinois de techno-autoritarisme implique l’adhésion à la technologie de surveillance de la Chine, et il est populaire parmi les régimes du Moyen-Orient pour la même raison. Ce modèle est déjà appliqué dans la région de différentes manières, a déclaré M. Al Mutar.

« Le premier pays qui a vraiment signé pour la technologie de surveillance avec la Chine était l’Égypte. Au cours des deux dernières années, nous avons constaté une présence très limitée de la société civile. De nombreuses personnes, activistes ou dissidents, ont été arrêtées dans ces pays parce que le gouvernement dispose désormais d’un meilleur système de contrôle — il est en mesure d’intercepter une grande partie des communications pour mettre un terme à toute forme d’opposition politique », a-t-il affirmé.

Euronews a rapporté jeudi que de plus en plus de femmes en Iran refusent de porter le hijab, le foulard obligatoire, à la suite des manifestations antigouvernementales massives qui ont débuté l’année dernière. Les autorités iraniennes ont annoncé qu’elles utiliseraient la vidéosurveillance pour identifier les femmes qui violent le port du hijab.

M. Al Mutar estime que cette tendance va se poursuivre. Ce que la Chine a déjà mis en place à l’intérieur du pays, du système de crédit social à la traque avancée, et ce que l’on appelle parfois le « pare-feu chinois », nous pouvons facilement voir qu’il est appliqué massivement au Moyen-Orient.

Cela signifie également que les personnes issues de sociétés libres éprouveront d’énormes difficultés à communiquer leurs idées directement aux habitants du Moyen-Orient.

« Les seules idées disponibles sont celles que veut le gouvernement chinois ou ses alliés au Moyen-Orient », a déclaré M. Al Mutar. « Et je pense que c’est quelque chose de vraiment effrayant, dont peu de gens parlent. »

Des Irakiens participent à un rassemblement le 11 janvier 2020, en hommage à deux journalistes (image) abattus la veille dans la ville de Bassorah, dans le sud du pays, où ils couvraient des mois de manifestations antigouvernementales. (HUSSEIN FALEH/AFP via Getty Images)

États-Unis versus Chine

La différence idéologique entre la Chine et les États-Unis se manifeste politiquement au Moyen-Orient. La culture américaine, qui donne aux gens la liberté de critiquer l’autorité, est perçue comme une menace dans la région, selon Al Mutar.

« Lorsque vous regardez la télévision américaine, vous voyez des gens qui se moquent de leur gouvernement, des gens qui le critiquent. Beaucoup de ces messages, qui ne sont pas seulement directs, ont un effet sur l’ensemble de la population », a-t-il déclaré.

La culture du Parti communiste chinois, en revanche, est beaucoup plus fortement contrôlée par l’État et n’est absolument pas critique à l’égard du régime — elle est pour l’essentiel une véritable ode au parti.

M. Al Mutar a déclaré que les médias de la société ouverte, comme ceux des États-Unis, « où les gens voient YouTube et les vidéos du monde entier sur la vie à l’extérieur », ont été à l’origine du printemps arabe, une série de manifestations et de soulèvements antigouvernementaux qui se sont répandus dans le monde arabe au début des années 2010.

« Et c’est quelque chose qui se réduit de plus en plus avec la mise en œuvre de ces technologies [de surveillance] », a-t-il ajouté.

La différence entre ce que les États-Unis apportaient aux sociétés du Moyen-Orient et ce que les Chinois apportent à la région est énorme, selon l’entrepreneur réfugié. Selon lui, les États-Unis n’ont pas d’ « idée cohérente » pour soutenir ou comprendre la culture du Moyen-Orient.

« Je veux dire que pour de nombreux Irakiens — un pays qui n’a jamais vraiment connu la démocratie et dans lequel ces idées n’ont jamais été débattues en public – les choses ne se sont pas faîtes en douceur. Pour eux, tout … a été introduit par l’intermédiaire de vos chars et de vos soldats. Et ce n’est généralement pas la meilleure façon d’amener un pays à la démocratie. Ce n’est d’ailleurs pas le cas ! Cela ne passe pas par la télévision, la communication ou les échanges culturels », a affirmé M. Al Mutar, ajoutant que de nombreuses personnes au Moyen-Orient en sont venues à avoir une impression négative de la démocratie.

En revanche, ils peuvent facilement s’adapter au modèle chinois, qui est autoritaire et culturellement plus proche de celui de la région.

Le PCC leur dit : « Nous voulons exactement les mêmes choses que vous, nous n’interviendrons pas dans votre bilan en matière de droits de l’homme, ni dans la manière dont vous traitez les femmes en Iran, ni dans quoi que ce soit en Égypte. Nous allons maintenir le statu quo tel qu’il est », a déclaré M. Al Mutar.

« Et pour beaucoup d’aristocrates, c’est le meilleur accord possible, qui permet de maintenir les investissements chinois, d’avoir Huawei et la 5G. Encore une fois, cela donne l’illusion que les gens ont une vie décente, alors qu’en même temps [l’État] exerce un contrôle absolu sur eux. Je pense donc que cela donne un avantage prépondérant à la Chine. »

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