Le Corbusier, une nouvelle architecture en dialogue permanent avec le paysage

Par Epoch Times
4 mars 2016 22:25 Mis à jour: 2 avril 2021 13:23

Parcs et jardins recèlent des villégiatures d’un autre siècle, corniches entre terre et mer, espaces naturels encore vierges témoignent de la Côte d’Azur d’autrefois et demeurent un des fleurons de la Côte du XXIe siècle.

L’acquisition par le Conservatoire du littoral d’un hectare sur le littoral de Roquebrune-Cap-Martin affirme la volonté de pérenniser et de mettre en valeur un fragment de ce territoire qui a valeur de site naturel par sa beauté sauvage et de site culturel par les constructions qu’il renferme, modestes en apparence et cependant dues au talent de deux des architectes les plus représentatifs du XXe siècle.

Eileen Gray, décoratrice reconnue, se fit architecte pour y réaliser la « Maison en bord de mer », dite E 1027.Le Corbusier, peintre et architecte de renommée universelle, y construisit, quant à lui, le « Cabanon » qui devint sa retraite personnelle ainsi que les « Unités de camping » pour son ami Rebutato. Tous deux firent de ce site un lieu d’expérimentation d’une nouvelle architecture en dialogue avec le paysage, aujourd’hui préservé et classé monument historique.

Le Cabanon, prototype de la cellule humaine

Le 27 août 1965, Charles-Édouard Jeanneret dit Le Corbusier mourait à l’âge de 78 ans après s’être baigné, à Roquebrune-Cap-Martin (Alpes-Maritimes). En 2015, a été célébré le 50e anniversaire de sa disparition. Situé face à Monaco, c’est un site exceptionnel dorénavant baptisé « Cap Moderne ». Le Corbusier, n’y a fait qu’une seule construction. Pas d’immeubles, pas de bâtiments publics ou de villas, mais un « château », disait-il.

En 1951, l’architecte décide de créer un cabanon. Il en fera sa maison secondaire. L’intérieur est simple, pas de superflu, juste l’essentiel. À l’intérieur, une seule pièce un lit étroit et sculpté dans le bois, des caisses font office de tabourets. Pour capter la lumière, il construit deux petites fenêtres décorées de miroirs avec des volets intérieurs. Le Cabanon est le prototype de la cellule minimum, fondée sur une approche ergonomique et fonctionnaliste.

Le modulor, un rapport avec les différentes parties du corps humain

En bâtissant à l’échelle humaine, Le Corbusier rejoint les architectes de la Grèce antique. Il aménage l’espace architectural pour que le corps s’y reconnaisse. Il établit sa réflexion sur le comportement de l’homme, sur l’équilibre des volumes, de leurs dimensions et proportions, ce qui l’amène à établir une grille de mesures s’appuyant sur le « Nombre d’Or ». Il édifie une grille de mesure en rapport avec les différentes parties du corps humain et l’appelle ainsi « Le Modulor ». Quelques exemples de l’échelle du Modulor : hauteur de plafond : 226 cm, hauteur de table : 70 cm, hauteur d’un élément de cuisine : 86 cm, hauteur de chaise : 43 cm, hauteur de bar  : 113 cm.

Ainsi, sur le sentier en bord de mer, c’est une petite construction en bois recouverte d’un toit à un pan. Tout tient dans une cellule carrée de 3,66 x 3,66 mètres et de 2,26 mètres de hauteur, mesures empruntées au Modulor. L’intérieur, entièrement réalisé en bois, est éclairé par deux fenêtres de 70 centimètres de côté. Dans une surface de 15 m², Le Corbusier dispose d’un coin-repos, d’un coin-travail, d’un coin-toilettes et d’un lavabo. Le mobilier se réduit à un couchage, une table, et quelques rangements. Tous les panneaux en bois et le mobilier ont été préfabriqués en Corse, puis assemblés sur place.

Le cabanon, le minimum vital

Le Corbusier peint le sol en jaune, un panneau de couleur verte, et agrémente l’entrée d’une peinture murale, le seul luxe est la vue sur la baie de cette « cabine de bateau ». Le Cabanon représente l’aboutissement d’une recherche sur la notion de cellule minimum qui se situe au cœur des préoccupations des architectes modernes du XXe siècle et renoue avec le mythe de la cabane primitive. Élevé au rang d’œuvre d’art, reproduit et exposé depuis dans les musées du monde entier, Le Cabanon fait paradoxalement écho aux initiatives d’auto-construction ou d’habitat vernaculaire qui se multiplient à l’échelle de la planète.

« J’ai un château sur la Côte d’Azur, qui a 3,66 mètres par 3,66 mètres. C’est pour ma femme, c’est extravagant de confort, de gentillesse », Le Corbusier évoquait ainsi Le Cabanon qu’il construisit en 1952 sur une parcelle jouxtant le restaurant « L’étoile de Mer », implanté en 1949 sur un terrain voisin de la Villa. Jusqu’au décès de son épouse Yvonne en 1957, l’architecte y passa ses étés avec elle et poursuivit cette habitude de villégiature balnéaire jusqu’à sa disparition en 1965.

Du mythe de la cabane au fonctionnalisme

En 1928, la couverture d’un livre de Le Corbusier témoignait son admiration pour le vernaculaire. Ceci peut expliquer l’aspect rustique des murs extérieurs en bardage de croûte de pin du Cabanon qui était très éloigné des célèbres villas blanches faites par Le Corbusier. L’originalité du Cabanon est en effet d’associer à l’esprit des cabanes de trappeurs, le fonctionnalisme prôné par les architectes du mouvement moderne. Ils définissaient une cellule habitable, réduite à un espace minimum réunissant plusieurs fonctions.

L’harmonie intérieure

À l’intérieur, les éléments de mobilier sont en chêne ou en châtaignier, les cloisons en contreplaqué de marine. Ces matériaux rivalisent d’astuces pour séparer les espaces et les activités et facilitent les rangements. Ancré sur le mur de la façade donnant sur la mer, un plan de travail en châtaignier est complété d’un meuble bas à casiers. Isolé des toilettes par un rideau rouge, le lit intègre un repose-tête en bois et des rangements. Le sol de parquet jaune, les panneaux vert, rouge et blanc du plafond et les touches de couleur qu’apportent les patères du portemanteau contribuent à l’harmonie d’un ensemble à la sobriété joyeuse.

La villa E-1027, le courant moderniste

Elle a été conçue par le célèbre designer Eileen Gray, avec l’aide de l’architecte Jean Badovici entre 1926 et 1929. Jusqu’à la mort de ce dernier en 1956, elle était un lieu de vacances : lieu de rassemblement estival d’une partie des architectes du courant moderniste. Le Corbusier y a passé plusieurs étés avant de construire son propre Cabanon de vacances à quelques pas de là. Laissée à l’abandon dans les années 1990, elle a connu de nombreuses dégradations avant d’être achetée par le Conservatoire du littoral en 1999. Cette œuvre architecturale unique a été l’objet d’un vaste projet de restauration afin de la préserver et de favoriser l’accueil et l’information du public.

Elle est représentative de l’architecture moderne des années 1930 et développe les célèbres « 5 points de l’architecture moderne » de Le Corbusier : les pilotis, le toit-terrasse, le plan libre, la fenêtre-bandeau et la façade libre. Le grand dépouillement des murs permet de mettre en valeur les proportions et les volumes de cette architecture moderne. La villa E-1027 comporte deux niveaux : le rez-de-chaussée haut, étage majeur d’occupation, et le rez-de-chaussée bas espace réservé aux chambres d’amis et au personnel.

La villa est intimement liée au littoral par sa fonction, elle a été construite afin d’être une maison de vacances en bord de Méditerranée. Elle est accessible seulement par un sentier littoral longeant la côte. Elle est tournée vers la mer, toutes les chambres donnent sur un balcon ou une terrasse, les volets et les fenêtres sont ajustables, permettant à l’habitant de communiquer selon ses désirs avec la mer ou les collines qui l’entourent.

L’architecture rappelle que cette villa est d’inspiration navale, ses lignes horizontales géométriques lui donnent l’aspect d’un paquebot déposé sur la terre ferme. 

L’œuvre de Le Corbusier

Le Corbusier laisse rarement les gens indifférents c’est un artiste complet (architecte, peintre, sculpteur, designer et poète) qui a marqué l’histoire du XXe siècle. Il a construit plus de 75 édifices dans 12 pays différents et travaillé sur plus de 200 projets. L’œuvre de Le Corbusier s’inscrit pleinement dans le mouvement moderne ou Style international, un courant architectural mondial apparu après la Première Guerre mondiale (1918). L’ornement et la décoration d’avant guerre laissent place aux formes simples, aux couleurs primaires, aux volumes épurés, au jeu avec la lumière. Il fait la part belle aux nouveaux matériaux : le métal, le béton et le verre. C’est une architecture fonctionnaliste : pour lui la forme d’un bâtiment dépend de sa fonction.

 Des unités de camping en 1956, reprenant les principes du cabanon

En échange de la parcelle de terrain du Cabanon, Le Corbusier fit construire par Barberis, pour Thomas Rebutato, propriétaire du bar-restaurant L’Étoile de Mer, cinq Unités de camping dont l’intérieur reprend certains principes du Cabanon. Réunies dans une structure sur pilotis, elles illustrent ses recherches sur un habitat de loisirs modulaire économique, adapté au tourisme balnéaire de masse. Chacune peut loger deux personnes dans 8 m², et une baie en « T » couché, inspirée de l’idée moderne de fenêtre allongée, cadre le paysage face à la mer.

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