Le redoublement à l’école, une mesure pédagogique efficace ou une dépense publique inutile?

Par Sarita Modmesaïb
24 novembre 2023 13:25 Mis à jour: 24 novembre 2023 13:47

En décembre prochain, Gabriel Attal devrait faire une série d’annonces concernant, entre autres, la « question du tabou du redoublement ». Cette mesure est-elle toujours efficace ?

Un élève sur 5, soit 20% des effectifs, entre en 6e avec de profondes lacunes en lecture. Ces lacunes se poursuivent ensuite avec le collège puisqu’une étude de la Depp de 2020 révélait que 9,5 % des jeunes participants à la Journée défense et citoyenneté (JDC) rencontrent des difficultés dans le domaine de la lecture.

Quatre mois après sa nomination en tant que chef de l’Éducation nationale en France, Gabriel Attal s’attaque à ce qu’il appelle le « tabou du redoublement », mesure scolaire si décriée depuis des décennies.

Le redoublement : une actualité lourde et coûteuse

S’il y a soixante ans de cela, un élève pouvait demeurer deux, trois ou même quatre ans au Cours préparatoire ou en Cours élémentaire, le distinguant des autres par sa taille, ce n’est actuellement plus du tout le cas.

Selon l’article D. 321-6 du Code de l’éducation, « le redoublement ne peut être décidé qu’à titre exceptionnel ». En effet, depuis 2018, aucun maintien ne peut être demandé en classe maternelle, et à partir de l’élémentaire, préconisé avant tout en fin de cycle (au CE2, en 6e…) et après mise en place de dispositifs d’aide personnalisée à l’élève. Le redoublement doit aussi faire l’objet du consentement des parents.

Enfin, un élève ne pourra redoubler qu’une seule fois durant toute sa scolarité primaire, deux fois à titre vraiment exceptionnel et après avis de l’inspecteur de l’Éducation nationale (IEN).

Parallèlement, face à la lourdeur administrative que nécessite une démarche de demande de maintien, nombre d’enseignants jettent l’éponge et autorisent le passage au niveau supérieur, sachant d’autant plus que la décision finale revient aux parents, lesquels sont souvent (mais pas toujours) opposés au redoublement…

Une étude commandée en 2015 à l’Institut des Politiques Publiques (IPP) par le Conseil national d’évaluation du système scolaire (Cnesco) révélait le coût supplémentaire engendré par le redoublement, allongeant donc le cursus scolaire d’un enfant : 2 milliards d’euros par an seraient donc dépensés pour financer ces années supplémentaires dans les établissements scolaires.

Une mesure efficace ?

L’annonce de Gabriel Attal a fait bondir les syndicats, opposés pour la plupart au redoublement. Pour Guislaine David, secrétaire générale de la FSU-SNUipp, « penser que le redoublement peut être bénéfique pour un enfant est une croyance car aucune étude ne le démontre. Il faut donc arrêter les déclarations de comptoir », estime-t-elle sur 20 Minutes.

De même,  Jérôme Fournier, secrétaire national du SE-Unsa regrette aussi sur 20 Minutes: « Parler de groupe de niveau, de redoublement est une manière conservatrice de voir l’école et ce n’est pas la nôtre car tout cela repose sur une forme de tri des élèves ».

Il est vrai que le redoublement est demeuré une spécificité française pendant des décennies. Jusqu’en 2012, on comptait près de 40% des élèves français ayant redoublé au moins une fois, contre 13 % dans les trente-quatre pays de l’OCDE, souligne Ouest France.

Aussi, plusieurs études ont souhaité démonter l’inefficacité de cette pratique, tel que ce rapport établi en 2004 à la demande du Haut Conseil de l’évaluation de l’école concluait ainsi : « Les redoublants progressent significativement moins que les élèves faibles promus, aux caractéristiques comparables, et ce quelle que soit l’année redoublée ».

Plus récemment, en Belgique, des chercheurs en Sciences de l’éducation publiaient en 2019, catégoriques : « Le redoublement est inefficace, socialement injuste, et favorise le décrochage scolaire. »

Pourtant, des enseignants, principaux interlocuteurs des élèves, reconnaissent, notamment dans les classes de cycle 2, l’efficacité d’un maintien. Un élève qui ne maîtrise toujours pas le décodage des lettres et des syllabes simples en lecture au CP, peut bénéficier d’une année supplémentaire dans le même niveau afin d’asseoir ces apprentissages fondamentaux. En effet, à quoi lui servira-t-il d’aller dans les classes supérieures, nécessitant de savoir lire et écrire pour étudier la grammaire, l’orthographe, la conjugaison et même les mathématiques et autres domaines d’apprentissages ?

Dans ces cas, il est ainsi suggéré, en cas de maintien, de proposer à l’élève une autre méthode d’apprentissage et, dans la mesure du possible, de refaire cette année avec un autre enseignant.

Le redoublement peut donc, dans des cas et des niveaux spécifiques, présenter un bénéfice pour l’élève dans l’acquisition de ses compétences.

Soutenez Epoch Times à partir de 1€

Comment pouvez-vous nous aider à vous tenir informés ?

Epoch Times est un média libre et indépendant, ne recevant aucune aide publique et n’appartenant à aucun parti politique ou groupe financier. Depuis notre création, nous faisons face à des attaques déloyales pour faire taire nos informations portant notamment sur les questions de droits de l'homme en Chine. C'est pourquoi, nous comptons sur votre soutien pour défendre notre journalisme indépendant et pour continuer, grâce à vous, à faire connaître la vérité.