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plus-iconSociété – Culture et apparences

L’élégance oubliée : redonner sens à la façon de s’habiller

Dans un monde où le confort a remplacé la tenue, s’habiller avec soin semble désormais dépassé. Pourtant, nos vêtements demeurent un langage silencieux, révélateur de respect, d’identité et de valeurs. Et si renouer avec une certaine élégance n’était pas un geste de vanité, mais un acte de culture ?

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S'habiller avec soin témoigne d'un respect pour l'art, la culture et les gens qui nous entourent. (Fine Art Photographic/Getty Images)

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Durée de lecture: 9 Min.

S’habiller avec soin est devenu rare. Mais nos vêtements, qu’on le veuille ou non, continuent de dire beaucoup sur qui nous sommes et sur ce que nous estimons.
Il y a quelque temps, un couple marié m’a demandé à quelle heure commençait le service du matin dans mon église, en promettant de venir le dimanche suivant. Ils sont effectivement venus, ont apprécié la cérémonie, mais une remarque de l’épouse m’a surpris.
« Tout le monde est bien habillé », a-t-elle noté, presque étonnée. Elle a même observé que les femmes portaient des jupes et des robes plutôt que des pantalons — un détail qu’elle a trouvé rafraîchissant. Il faut croire que j’ai vécu trop longtemps dans ma bulle ecclésiale pour ne pas m’être rendu compte que s’habiller pour une occasion spéciale n’était plus la norme.
C’est regrettable. Car la manière dont nous nous habillons envoie un message subtil sur la façon dont nous nous percevons, et sur le respect que nous témoignons aux autres.
Les vêtements, miroir silencieux de nos valeurs
Le philosophe britannique Roger Scruton rappelait que les vêtements servent à préserver notre pudeur et à protéger notre corps des éléments. Mais, ajoutait-il, ce n’est pas là leur seule fonction :
« Les gens vivent dans leurs vêtements et, par conséquent, ne les voient pas en termes strictement vestimentaires, mais à travers les buts et les accidents de leur vie. Leurs vêtements finissent par les représenter, en ce qu’ils annoncent la nature qu’ils souhaitent revendiquer pour eux-mêmes. »
Roger Scruton prenait l’exemple du denim. Beaucoup prétendent porter ce tissu pour son côté “fonctionnel”. Pourtant, expliquait-il, « l’habit en denim tire son caractère non de son utilité (car il n’est pas particulièrement pratique), ni de son prix (car il n’est pas vraiment bon marché), mais du fait qu’il exprime une certaine vision du monde et, ce faisant, anticipe l’expérience de celui qui le porte ».

Notre garde-robe influence subtilement la façon dont nous nous percevons, ainsi que la façon dont les autres nous perçoivent. (Olga Pankova/Getty Images)

Quelle expérience, quelle vision du monde le denim transmet-il à celui qui le revêt ? Pour l’Américain moyen, sans doute une impression d’indépendance, de robustesse, de simplicité — peut-être même une pointe de séduction (qui a oublié la publicité pour des jeans avec Sydney Sweeney, qui avait tant fait parler d’elle ?). Tout cela a sa place — à condition d’être dans un jardin, sur un ranch ou en randonnée.

Le règne du confort et du laisser-aller

Mais que dire si l’on porte le même ensemble en denim pour un entretien d’embauche, à l’église, à des funérailles ou à un mariage ? Souhaitons-nous vraiment aborder ces moments avec l’attitude désinvolte et simpliste que ce vêtement véhicule?
Probablement pas  […] Et pourtant, c’est bien ce que nous faisons, encore et encore, dans notre culture contemporaine.
Rappelons le couple surpris par l’élégance des fidèles de mon église. Cette surprise s’explique sans doute parce qu’aujourd’hui, bien des paroissiens donnent l’impression d’avoir simplement enfilé les habits de jardinage de la veille. Ce laisser-aller touche aussi les pasteurs, qui prêchent parfois en jeans, t-shirt non rentré et baskets.
La même tendance se retrouve sur le lieu de travail : les chemises à boutons, les pantalons de ville et les jupes crayon ont cédé la place aux leggings et aux sweats, héritage des années de télétravail pendant la pandémie. Quant aux fêtes ? Oublions l’époque où chacun gardait au fond du placard une tenue habillée pour les grandes occasions. Aujourd’hui, on s’estime déjà satisfait si l’on porte quelque chose de propre et à peu près ajusté.

Le refus d’être différent

« Et alors ? », diront certains. « Je suis à l’aise, je fais comme tout le monde — où est le mal ? »
Aucun  […] si l’on accepte de n’être qu’un visage anonyme parmi la foule.
C’est pourtant ce que beaucoup recherchent dans notre société dite “démocratique”, un fait que C. S. Lewis illustrait déjà par la voix de son personnage démoniaque, Screwtape.
« J’apprends, dit Screwtape, que les jeunes humains répriment parfois un goût naissant pour la musique classique ou la bonne littérature, de peur de ne pas être Comme Tout le Monde. » Il ajoutait que « des personnes qui souhaiteraient sincèrement être — et à qui la Grâce offre les moyens d’être — honnêtes, chastes ou tempérées refusent ce don… Elles pourraient (horreur !) devenir des individus. »
Screwtape évoquait la musique et les livres, mais il aurait sans doute pu y ajouter les vêtements. Car ne cherchons-nous pas tous, peu à peu, à simplifier notre tenue afin de mieux “nous fondre dans la masse” ?
Et c’est bien là ce que recherchent les forces du mal : nous rendre “égaux” en nous abaissant au plus petit dénominateur commun, en nivelant nos ambitions et nos aspirations vers le bien et la réussite.
Screwtape le souligne encore lorsqu’il dit :
« Ce sur quoi je veux attirer ton attention, c’est sur le vaste mouvement général visant à discréditer, puis à éliminer toute forme d’excellence humaine — qu’elle soit morale, culturelle, sociale ou intellectuelle. Et n’est-il pas plaisant de constater comment la “démocratie” (dans son sens incantatoire) accomplit désormais le même travail que les plus anciennes dictatures, et par les mêmes moyens ? … Qu’aucun homme ne vive s’il est plus sage, meilleur, plus célèbre ou même plus beau que la masse. Ramenez-les tous au même niveau : tous esclaves, tous zéros, tous anonymes. Tous égaux. »

Retrouver le sens du respect et de la distinction

Autrement dit, si nous voulons traverser la vie en parfaits inconnus, alors oui, continuons à porter jeans, sweats et baskets en toutes circonstances — à l’église, au travail, lors d’occasions spéciales.

Bien s’habiller témoigne d’attention et de respect de soi, quelle que soit l’occasion. (stockstudio/Getty Images)

Mais je doute que quiconque souhaite réellement se voir affublé de cette étiquette de “personne anonyme comme tout le monde”.
Si tel n’est pas le cas, relevons donc le défi.
Allez à l’église, mais en robe ou en costume.
Allez travailler, mais enfilez une chemise et un pantalon de ville avant de prendre la route du matin.
Assistez à cet événement important, mais faites-le en tenue soignée.
Non pas pour se donner des airs ou se croire supérieur, mais parce qu’un tel geste élève notre attitude et reflète le respect que nous portons à nous-mêmes, aux autres, et à ce qui est vrai, bon et beau dans la vie.