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Transmettre un héritage monumental grâce à de petits sacrifices

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Les sacrifices quotidiens d'une mère au foyer peuvent sembler banals, mais son influence discrète peut se répercuter sur plusieurs générations.

Photo: Biba Kayewich

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Durée de lecture: 10 Min.

À la fin du printemps, des amis m’ont invitée à faire du camping dans le parc d’État de Custer, dans l’ouest du Dakota du Sud. Les nuits étaient froides, nous sommes presque tous tombés malades et la journaliste, que je suis, s’est rendu compte qu’être assise à un bureau n’est pas une bonne préparation pour des randonnées de huit kilomètres en haute altitude.
Malgré ces réalités, mon équipe de campeurs est rentrée à la maison avec beaucoup plus de joie, de souvenirs et de réflexions que nous n’en avions au départ.
Quelques-unes de ces réflexions sont nées de notre visite au mont Rushmore. Le mont Rushmore est un sommet américain du massif des Black Hills, transformé en mémorial dans l’État du Dakota du Sud. Des sculptures hautes de dix-huit mètres, représentent quatre présidents marquants de l’histoire américaine des années 1770 aux années 1900. Il s’agit de George Washington (1732-1799), Thomas Jefferson (1743-1826), Theodore Roosevelt (1858-1919) et Abraham Lincoln (1809-1865).
Certes, les têtes sont impressionnantes et inspirantes, mais ce qui l’est encore plus, c’est la signification de chaque sculpture présidentielle. J’ai été particulièrement frappée par l’une des citations figurant sur le panneau d’interprétation près du buste de Thomas Jefferson, tirée d’une lettre juste avant la fin de son mandat présidentiel : « Jamais un prisonnier, libéré de ses chaînes, n’a ressenti un tel soulagement que celui que j’éprouverai en me débarrassant des chaînes du pouvoir. »
« La nature m’a destiné aux paisibles occupations de la science, en en faisant mon plaisir suprême. Mais les énormités de l’époque dans laquelle j’ai vécu m’ont forcé à prendre part à la résistance et à m’engager sur l’océan tumultueux des passions politiques. »
Je n’ai pas pu m’empêcher de penser à la rareté de cette perspective dans le monde politique d’aujourd’hui. Il est rare de trouver des hommes politiques désireux de laisser derrière eux les leviers du pouvoir ; au lieu de cela, ils sont souvent trop désireux de s’élever politiquement vers de plus hauts sommets, pour les gains monétaires et d’influence que de tels sommets apportent.
Pas Thomas Jefferson. Il était impatient de retrouver une vie paisible dans sa ferme, de travailler à son développement, à celui de sa famille et à améliorer ses connaissances personnelles grâce à ses livres bien-aimés.
En effet, comme l’atteste Thomas Jefferson, le fait d’être président et d’occuper d’autres postes politiques de premier plan était pour lui davantage un fardeau qu’un privilège. Pourtant, il s’est soumis à ces rôles parce qu’il reconnaissait qu’il avait été placé à une époque et dans des circonstances qui dépassaient de loin ses propres souhaits et son confort personnel. Refuser d’utiliser ses dons pour favoriser le bien-être de son entourage aurait été une décision égoïste et un manquement au devoir.
En réfléchissant à cela, j’ai commencé à me demander combien d’entre nous se trouvent dans une situation semblable.
« Quoi ?! » me direz-vous. « Moi, dans la même position que Thomas Jefferson, l’auteur et l’un des signataires de la Déclaration d’indépendance, et le troisième président des États-Unis ? Pas du tout ! Les choses que je fais et les chemins que je poursuis n’ont pas autant d’influence que ce qu’il a fait. »
J’ai tendance à penser la même chose de ma propre vie. Comme Thomas Jefferson, nous sommes nombreux à avoir des espoirs, des rêves et des ambitions. Pourtant, nous n’avons souvent pas l’occasion de les poursuivre comme nous le voudrions. Au lieu de cela, les circonstances nous contraignent à vivre des vies qui semblent insignifiantes, décevantes et loin de ce dont nous rêvions.

Les sacrifices quotidiens d’une mère au foyer peuvent sembler banals, mais son influence discrète peut se répercuter sur plusieurs générations. (Biba Kayewich)

Prenons l’exemple d’une mère au foyer. Elle a probablement l’impression que le temps qu’elle passe à préparer les repas, à nettoyer la maison et à essuyer le nez qui coule des jeunes enfants est bien moins important que la trajectoire professionnelle réussie qu’elle a connue par le passé.
Cependant, son homologue, la jeune femme célibataire et carriériste, ressent probablement la même chose. Comment ses tâches quotidiennes sur le marché du travail, même si elles sont effectuées pour une grande entreprise ou un patron influent, peuvent-elles être comparées au travail précieux d’une mère qui forme de multiples petites vies susceptibles d’influencer les générations à venir ?
Ou encore, prenons l’exemple d’un ouvrier travaillant dans la menuiserie, la conduite de camions ou l’aménagement paysager. Il a peut-être un esprit brillant qu’il estime être gaspillé dans son emploi, mais il travaille de ses mains jour après jour afin de ramener à la maison un salaire régulier qui permet de nourrir sa femme et ses enfants.
Il y a aussi les grands-parents qui pensaient profiter de leur retraite, mais qui élèvent leurs petits-enfants. Ou l’ingénieur en informatique qui rêve d’être à l’extérieur et de travailler sur une petite ferme. Ou le – et bien, vous voyez l’idée n’est-ce pas ?
Le fait est que chacun d’entre nous peut regarder sa propre vie et y voir des choses qu’il souhaiterait ne pas être la réalité. Plus nous vieillissons, plus nous pouvons regarder nos rêves et nos visions de l’avenir anéantis et avoir le sentiment d’être des ratés, d’avoir abandonné notre potentiel, notre confort personnel et nos désirs au profit des besoins de ceux qui nous entourent.
Thomas Jefferson a probablement ressenti la même chose. Dans la réalité des querelles politiques, il lui est probablement arrivé de se demander si ses efforts en valaient la peine, de se demander pourquoi il abandonnait sa vie confortable et ce qu’il aimait au profit de la lutte pour l’avènement d’une nation. Mais même s’il n’aimait pas cette voie, il s’est rendu compte qu’un tel sacrifice en valait la peine.
La fin de la trilogie du Seigneur des anneaux présente un aspect similaire. Nous y voyons Frodon et Sam se réinstaller dans la Comté après leur long voyage et leurs luttes. Sam apprend avec consternation que Frodon ne pourra pas profiter des fruits de son dur labeur, mais qu’il est en fait en train de mourir, laissant derrière lui les choses qu’il aimait.
Pourtant, Frodon reconnaît que la perte de ses rêves était nécessaire pour que d’autres puissent jouir de la liberté et de la prospérité.
« J’ai essayé de sauver la Comté, et elle a été sauvée, mais pas pour moi », dit Frodon à Sam. « Il doit souvent en être ainsi, Sam, lorsque des choses sont en danger : quelqu’un doit y renoncer, les perdre, pour que d’autres puissent les conserver. »
Il en va de même pour nous. Tout comme le Frodon de la fiction et le Thomas Jefferson de la vie réelle, nous sommes souvent appelés à faire des choses que nous ne voulons vraiment pas faire – des choses qui nous amènent à sacrifier nos propres rêves et notre propre bien-être pour le bien de ceux qui viendront après nous.
Un tel sacrifice n’est plus guère prisé aujourd’hui.
On nous dit : « Pense à toi ». Les experts recommandent : « Prends du temps pour toi. »
Nous pourrions suivre leurs conseils. Ou nous pouvons aller de l’avant, accomplir les tâches difficiles et désagréables, vivre notre vie d’une manière que nous n’avions jamais envisagée. Thomas Jefferson est la preuve vivante qu’une telle approche de la vie en vaut la peine.