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Les aliments issus du clonage arrivent dans les supermarchés canadiens

Les aliments issus d’animaux clonés pourraient prochainement intégrer l’offre alimentaire du Canada, sans que l’étiquetage ne mentionne leur origine clonée, ni qu’un quelconque avertissement ne soit fourni aux consommateurs – une démarche qui risque d’éroder la confiance du public.

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Des barquettes de bœuf en vente dans le rayon viande d’un supermarché à McLean, Virginie, 10 juin 2022.

Photo: SAUL LOEB/AFP via Getty Images

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Durée de lecture: 5 Min.

Canada – Selon les propres documents de consultation de Santé Canada, Ottawa envisage de retirer de la liste des « nouveaux aliments » les produits dérivés d’animaux clonés, liste qui suppose actuellement un examen préalable de sécurité et une déclaration publique. Santé Canada définit les « nouveaux aliments » comme des produits jamais couramment consommés auparavant ou issus de procédés innovants nécessitant davantage de contrôles.
D’un point de vue réglementaire, il s’agit d’un gain d’efficacité. Mais du point de vue de la confiance des consommateurs, c’est une erreur de calcul.
Santé Canada affirme que les animaux clonés et leur descendance sont indiscernables des animaux conventionnels, et devraient donc être traités de la même façon. Le problème n’est pas la science – c’est le silence. Les Canadiens ignorent que les règles entourant une technologie controversée sont sur le point de changer. Pas de communiqué, pas de déclaration officielle, juste une mise à jour discrète sur le site gouvernemental, que la plupart des citoyens ne liront jamais.
Le clonage en agriculture consiste à produire une copie génétique exacte d’un animal – généralement pour la reproduction. Les clones eux-mêmes finissent rarement dans notre assiette, mais leurs descendants s’invitent dans des produits de tous les jours : bœuf, lait, porc… Les avantages sont indirects : une production plus régulière, moins de pertes liées aux maladies ou une qualité plus homogène.
Mais, en caisse, le consommateur n’y voit aucun bénéfice. Le clonage reste coûteux et n’offre aucune amélioration tangible du goût, de la valeur nutritionnelle ou du prix. Demain, on pourrait acheter un steak issu de la descendance d’une vache clonée sans le savoir – et le payer aussi cher, voire plus.
Sans étiquetage mentionnant l’origine clonée, ces possibles gains d’efficacité demeurent invisibles en aval. Lorsque des produits nés de technologies nouvelles se mêlent aux versions classiques, les consommateurs perdent leur capacité à distinguer, à récompenser l’innovation ou à effectuer un choix éclairé. Au final, c’est l’industrie qui engrange les économies, tandis que les ménages n’en profitent pas.
Et il n’y a pas que les consommateurs qui sont laissés dans l’ombre. Les exportateurs pourraient, eux aussi, en payer le prix. Le Canada exporte chaque année des milliards en bœuf et porc, notamment vers l’Union européenne. Si les produits d’origine clonée intègrent la chaîne sans étiquetage, les exportateurs canadiens risquent d’essuyer des contrôles ou des interdictions supplémentaires sur des marchés qui bannissent le clonage. Une échappatoire réglementaire chez nous pourrait vite devenir un obstacle commercial à l’étranger.
Ce débat surgit alors que la confiance du public dans le système alimentaire canadien est déjà fragile. Un sondage du Centre canadien pour l’intégrité alimentaire, mené en 2023, montre que seuls 36 % des Canadiens estiment que l’industrie alimentaire va « dans la bonne direction », et moins de la moitié font confiance aux régulateurs publics pour assurer la transparence. Introduire discrètement les aliments issus du clonage dans les rayons, sans information, accentuerait ce scepticisme.
Voilà exactement comment le Canada s’est enlisé dans l’interminable débat sur les OGM. Il y a vingt ans, régulateurs et industriels ont introduit une technologie complexe sans offrir la possibilité au consommateur de la comprendre : le déficit de transparence a engendré la défiance. Résultat : des années de confusion, de suspicion et de polarisation qui perdurent aujourd’hui.
La transparence ne saurait être optionnelle dans une démocratie qui revendique une réglementation fondée sur la science. Même si l’aliment est sûr – et les données actuelles semblent l’indiquer – les Canadiens ont le droit de savoir comment ce qui finit dans leur assiette est produit.
L’ironie, c’est que ce revirement aurait pu être géré de façon responsable. Un simple avis, une FAQ, un engagement à revoir l’étiquetage lorsque le consensus international le permettra auraient suffi à témoigner du respect pour le public et à préserver la confiance dans notre système alimentaire.
Ottawa s’expose donc à répéter une vieille erreur : confondre l’efficacité réglementaire et l’intérêt général. À une époque où la confiance dans les prix alimentaires, l’éthique des entreprises et le contrôle public est déjà ébranlée, le Canada n’a pas besoin d’une nouvelle réforme discrète qui ressemble à un secret.
Le clonage ne changera peut-être pas l’apparence ou le goût de ce qui est dans votre assiette, mais la façon dont il y arrive doit continuer de compter.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

Le Dr Sylvain Charlebois est directeur principal du laboratoire d'analyse agroalimentaire et professeur en distribution et politique alimentaires à l'Université Dalhousie.

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