Les analystes anticipent une escalade des tensions alors que Pékin impose des restrictions sur les terres rares, Washington riposte

Le président Trump est rentré à la Maison-Blanche après une visite au centre médical militaire Walter Reed à Washington, le 10 octobre 2025.
Photo: Anna Rose Layden /Getty Images
Le président Trump a annoncé l’instauration d’un droit de douane supplémentaire de 100 % sur les produits chinois et de nouvelles restrictions à l’exportation sur les logiciels critiques, à compter du 1er novembre, en réponse directe à ce qu’il a qualifié d’escalade « hostile » de la Chine par l’instrumentalisation des exportations de terres rares.
Les observateurs chinois suggèrent que la décision de la Chine visait à renforcer son pouvoir de négociation et à faire pression sur Trump pour qu’il fasse des concessions. Mais certains analystes estiment que la Chine a surjoué son rôle, sous-estimant la sévérité de la réponse de l’administration Trump.
Le 9 octobre 2025, le ministère chinois du Commerce a annoncé une nouvelle réglementation élargissant considérablement ses contrôles à l’exportation – non seulement sur les terres rares brutes, mais aussi sur les aimants, alliages, batteries, matériaux pour semi-conducteurs, machines spécialisées et tout produit contenant ne serait-ce que 0,1 % de terres rares d’origine chinoise. Ces règles s’appliquent aussi bien aux exportations chinoises qu’aux produits fabriqués à l’étranger intégrant des éléments ou technologies d’origine chinoise.
Selon les nouvelles dispositions, les exportateurs – qu’ils soient chinois ou étrangers – doivent obtenir des autorisations spécifiques, déclarer la nature et l’origine des matériaux de terres rares et assurer leur traçabilité tout au long de la chaîne mondiale d’approvisionnement. Les licences d’exportation seront automatiquement refusées pour les produits ou composants liés à des applications militaires ou à des utilisateurs jugés à risque élevé.
Trump a réagi par deux publications sur Truth Social, le 10 octobre, dénonçant l’attitude chinoise, assimilée à une prise d’otage du « reste du monde ».
« Il est difficile de croire que la Chine ait pris une telle décision, mais c’est arrivé, et le reste appartient à l’histoire », a-t-il rédigé.
Le président américain a également évoqué l’éventualité d’annuler une rencontre prévue avec le dirigeant chinois Xi Jinping, initialement organisée à l’occasion du sommet de la Coopération économique Asie-Pacifique (APEC) en Corée du Sud, plus tard ce mois-ci.
La Chine contrôle environ 70 % de la production mondiale de terres rares, plus de 90 % des capacités de séparation, de transformation, et de la fabrication mondiale d’aimants à base de terres rares.
Les médias d’État chinois et plusieurs commentateurs politiques prônent de longue date l’utilisation des exportations de terres rares comme levier dans les affrontements commerciaux, notamment pour riposter aux sanctions américaines ou aux restrictions à l’exportation sur les puces électroniques avancées vers la Chine.
L’un des promoteurs de cette ligne, Hu Xijin, ancien rédacteur en chef du média d’État Global Times, défendait ce printemps l’idée que les terres rares constituent « la grande arme de la Chine pour contrôler la ligne de vie de l’Amérique » et un « instrument pour étrangler les États-Unis ».
Le geste chinois perçu comme une rupture de confiance
La Maison-Blanche a fait part de sa stupéfaction face au revirement du régime chinois.
« Notre relation avec la Chine a été excellente ces six derniers mois, ce qui rend ce revirement commercial d’autant plus surprenant », écrivait Trump sur Truth Social.
Interrogés séparément par Epoch Times, les spécialistes Shen Ming-Shih et Yeh Yao-Yuan expliquent que Trump aurait été profondément irrité par ce revirement soudain qui contredit les signaux d’apaisement envoyés par Pékin. Pour Washington, il s’agit d’une remise en cause délibérée du fragile progrès obtenu.
« La réaction actuelle de la Chine rappelle les débuts de la guerre tarifaire sino-américaine », résume M. Shen, chercheur à l’Institut taïwanais de la défense et de la sécurité nationale. « À l’époque, la logique était celle de la réciprocité : si les États-Unis imposaient des droits de douane, la Chine répliquait aussitôt. Cette escalade s’est poursuivie jusqu’à ce que Pékin déclare suspendre la hausse des tarifs, tout en maintenant ses contre-mesures. »
« Plus tard, lors des discussions à Londres, l’atmosphère paraissait réellement constructive », poursuit M. Shen. « Les deux parties semblaient désireuses de régler le contentieux. »
Au cours des négociations commerciales tenues à Londres les 9 et 10 juin, les États-Unis et la Chine avaient effectivement réalisé des progrès tangibles pour apaiser les tensions, exacerbées depuis le début 2025 par la surenchère tarifaire et les nouveaux contrôles à l’exportation.
M. Yeh, professeur de science politique et de relations internationales à l’Université St. Thomas, souligne que la décision chinoise d’appliquer des contrôles sur les exportations de terres rares, à peine quelques mois après ces discussions, a été perçue comme une rupture de confiance.
« Il existait déjà une forme de compréhension préalable », observe-t-il. « Puis, sans avertissement, Pékin annonce une nouvelle vague de restrictions. »
« Du point de vue américain, il s’agit d’une provocation calculée – d’une tentative de sabotage des discussions. Le côté américain demanderait sans doute : ‘N’avez-vous pas fait exprès ? Vous saviez que nous allions nous réunir, et vous avez tout de même choisi d’escalader. Clairement, vous tentez de nous forcer à céder. Mais pourquoi céderions-nous sous pression ? Si tel est le jeu, autant annuler la rencontre.’ »
M. Shen partage ce point de vue : « Trump était, bien sûr, furieux. Il doit déjà gérer de nombreux dossiers sensibles, comme la trêve entre Israël et le Hamas. S’ajoute à cela l’imprévu chinois, qui complique inutilement la donne. »
Il note aussi que ce type de scénarios fait partie de la stratégie classique du Parti communiste chinois : créer une zone de tension ou déclencher une crise avant chaque négociation, pour forcer l’autre partie à gérer la situation d’urgence avant de pouvoir aborder le fond des discussions.
Dans sa publication du 10 octobre, Trump a qualifié la démarche de Pékin d’« agressive » et « extrêmement hostile ».
« C’est tout à fait inédit dans le commerce international, et une honte morale dans les relations entre nations », a-t-il écrit.
Lors d’un événement à la Maison-Blanche, Trump a assuré que les États-Unis disposent de nombreux atouts dont la Chine a besoin, y compris des avions.
« Les États-Unis occupent des positions de monopole, bien plus puissantes et étendues que celles de la Chine », a-t-il affirmé.
Selon certains analystes, la décision chinoise constitue une erreur d’appréciation majeure. M. Yeh va plus loin, y voyant un excès de confiance, voire, selon lui, de l’arrogance.
« La Chine souffre d’une perception d’elle-même exagérée, qui l’aveugle quant à la réalité du regard et des réactions des autres pays », analyse-t-il. « Parfois, elle semble incapable de percevoir les lignes rouges dans ses relations avec l’Occident. »
M. Shen ajoute que cette attitude reflète sans doute un consensus grandissant parmi les dirigeants chinois : un relâchement tarifaire américain paraît désormais improbable à court terme.
« Le Parti communiste chinois conçoit à présent les tarifs américains non plus comme une simple pression temporaire, mais comme une stratégie de long terme destinée à contenir la Chine », estime-t-il. « Il fait donc l’inventaire de ses atouts et répond avec des contrôles à l’exportation renforcés. »
Les luttes internes du PCC pourraient aussi influencer cette politique
M. Shen souligne que des tensions politiques internes au sein du Parti communiste chinois pourraient également expliquer ce durcissement.
« Cette nouvelle mesure pourrait être liée à des luttes de pouvoir au sein du parti », avance-t-il. « Ou alors, elle reflète peut-être une posture plus offensive de Xi Jinping, qui aurait consolidé son autorité. »
Peu avant la tenue du quatrième plénum du Parti, événement politique clé en Chine, les États-Unis ont publié un rapport sur la corruption parmi les plus hauts responsables chinois.
Selon M. Shen, Washington pourrait avoir saisi l’occasion pour imposer son récit à l’approche de ce plénum.
« Ce rapport pourrait fournir de nouveaux arguments à l’opposition interne ou accroître la pression sur le camp Xi », estime-t-il. « Une fois les enjeux de pouvoir tranchés, les négociations à venir, qu’on parle de tarifs ou d’autres dossiers, pourraient s’avérer plus simples. C’est pourquoi Trump envisage d’attendre l’année prochaine avant une visite officielle en Chine. »
Vers une confrontation prolongée entre lignes dures
Davy Jun Huang, économiste et éditorialiste pour le média d’État chinois CNTV, aujourd’hui basé aux États-Unis, explique à Epoch Times que le scénario le plus probable est celui d’un durcissement des positions de part et d’autre, assorti d’exemptions discrètes pour certaines entreprises.
« Dans cette configuration, les négociations se poursuivraient, même si la pression reste forte des deux côtés », note-t-il.
M. Huang souligne que l’effet immédiat sera de renchérir les coûts dans des secteurs comme les véhicules électriques, l’armement ou les semi-conducteurs. Les multinationales seront contraintes d’adopter des stratégies de double plateforme, afin de se conformer à des cadres réglementaires divergents — ce qui alourdira sensiblement les coûts de mise en conformité, alors qu’elles cherchent à contourner les risques liés aux interdictions technologiques ou aux contrôles à l’exportation.
M. Huang ajoute qu’une autre possibilité, si la volatilité financière devenait excessive ou si la pression inflationniste augmentait aux États-Unis, serait un allégement temporaire des restrictions sur certains biens afin de prévenir une escalade supplémentaire.
Pour M. Shen, les États-Unis devront inévitablement trouver des sources alternatives de terres rares, ce qui justifie, selon lui, l’objectif de Pékin de verrouiller ses technologies de raffinage, afin de préserver son avantage stratégique – car la mise en place de chaînes d’approvisionnement alternatives prendra du temps.
Yi Ru a contribué à la rédaction de cet article.

Olivia Li collabore avec Epoch Times sur des sujets liés à la Chine depuis 2012.
Articles actuels de l’auteur









