Les Démocrates comptent sur l’attachement des Américains au droit à l’avortement pour gagner la présidentielle

L'élection de cette année ne dépendra pas entièrement de Donald Trump ou de Joe Biden

Par Lawrence Wilson et Jacob Burg
25 avril 2024 09:51 Mis à jour: 25 avril 2024 09:51

La Cour suprême de Floride a rendu un arrêt très attendu le 1er avril, confirmant l’interdiction de l’avortement après 15 semaines de grossesse.

Une deuxième décision rendue le même jour a autorisé que les électeurs puissent se prononcer sur une éventuelle modification de la constitution de l’État pour restreindre l’accès à l’avortement.

À peine une semaine plus tard, la Cour suprême de l’Arizona a confirmé une loi de 1864 interdisant la quasi-totalité des avortements dans l’État. Trois jours plus tard, la campagne de Joe Biden lançait une campagne de publicité à sept chiffres, dont un panneau d’affichage sur lequel on peut lire : « L’avortement est interdit en Arizona : la faute à Donald Trump. »

Les Démocrates font de l’avortement un enjeu central des élections de 2024, et ils mènent une campagne de défense des droits à l’avortement dans les États clés pour l’élection.

En Arizona, une campagne est en cours en faveur d’un projet de loi modifiant la constitution de l’État afin de garantir le « droit fondamental » à l’avortement jusqu’au moment où le bébé peut survivre en dehors de l’utérus, généralement autour de 24 semaines. Cette mesure autoriserait également les avortements plus tardifs pour sauver la vie de la mère ou pour protéger sa santé physique ou mentale.

Au Nevada, une campagne de pétition est en cours pour inclure un amendement sur l’accès à l’avortement. Au Colorado et au Maryland, les électeurs se prononceront en novembre sur des amendements relatifs à l’avortement.

« La stratégie des Démocrates à l’aube de ce cycle électoral est de sensibiliser les électeurs dans tous les grands États pivots, via des propositions de lois qui feront du bruit », selon le stratège républicain Marcus Dell’Artino, basé à Phoenix, interviewé par Epoch Times.

Le mouvement visant à modifier les constitutions des États pour garantir l’accès à l’avortement est une stratégie calculée du Parti démocrate pour rallier les électeurs aux élections de novembre.

Le Comité démocrate de campagne pour le Congrès a exposé cette stratégie dans un mémo daté du 5 avril.

Le comité a attribué à une mesure électorale visant à ajouter l’avortement à la constitution de l’État de l’Ohio un taux de participation « historique » lors d’une élection tenue en novembre 2023. Les électeurs de l’État ont adopté la mesure à 57% contre 43%, soit une marge de 14%. Donald Trump avait remporté l’Ohio avec 8 points à la fois en 2016 et en 2020.

« Lorsque l’avortement est à l’ordre du jour, les électeurs se mobilisent pour défendre leurs droits », indique la note. « Sept États sont en passe d’avoir des mesures sur l’avortement sur le bulletin de vote en 2024( …) cela garantit encore que la liberté de reproduction restera une question essentielle pour les électeurs en novembre. »

Tirer parti de la dynamique

La question de l’accès à l’avortement a connu un regain d’intérêt depuis que l’arrêt Dobbs de la Cour suprême des États-Unis, rendu en 2022, a annulé l’arrêt Roe v. Wade qui, pendant des décennies, a limité les restrictions que les États pouvaient imposer à la procédure d’avortement.

Dans les 18 mois qui ont suivi la décision Dobbs, sept États ont organisé des référendums, et dans les États républicains comme dans les États démocrates, les électeurs se sont prononcés en faveur de l’accès généralisé à l’avortement.

Seuls les électeurs du Kansas ont voté pour le statu quo, qui prévoit le droit à l’avortement dans la constitution de l’État, et le Kentucky a voté pour le rejet d’un amendement stipulant qu’il n’existe pas de droit constitutionnel à l’avortement.

Les Démocrates insistent sur cette question depuis plus de deux ans, et les Républicains ont mis du temps à admettre que parmi leurs propres électeurs, nombreux sont ceux qui ne sont pas favorables à une interdiction quasi totale de l’avortement.

Les électeurs du Montana ont rejeté une mesure en vertu de laquelle un enfant né vivant à n’importe quel stade de la grossesse était considéré comme une personne légale et devait faire l’objet de soins médicaux.

La mesure prévoyait également des sanctions pénales pour les prestataires de soins de santé qui violaient la partie de la loi relative à l’enfant né vivant, en établissant un maximum de 50.000 dollars (47.000 euros) d’amende et/ou de 20 ans d’emprisonnement.

Parallèlement, les électeurs de Californie, du Michigan, du Vermont et de l’Ohio ont modifié la constitution de leur État pour y inclure le droit à la « liberté de reproduction », définie comme incluant l’avortement et la contraception.

Les Démocrates insistent sur cette question depuis plus de deux ans, et les Républicains ont mis du temps à admettre que parmi leurs propres électeurs, nombreux sont ceux qui ne sont pas favorables à une interdiction quasi totale de l’avortement.

En Virginie, les Démocrates ont profité de l’initiative du gouverneur Glenn Youngkin, qui proposait d’interdire l’avortement après 15 semaines, pour faire sa propre campagne pro-avortement en 2023. Ils ont repris le contrôle de l’Assemblée générale de l’État, et estiment désormaisque l’avortement sera un élément central de la campagne présidentielle.

« La perspective d’une interdiction nationale de l’avortement est réelle », avait déclaré à ses troupes la gouverneur démocrate du Michigan, Gretchen Whitmer, en décembre 2023.

Le 8 avril, la campagne de Joe Biden a publié une publicité chargée d’émotion mettant en scène une femme du Texas à qui l’on a refusé un avortement après lui avoir dit que son bébé ne survivrait pas à la naissance. En même temps que les sanglots déchirants de la femme se font entendre, un texte apparaît à l’écran : « Donald Trump a fait ça. »

Des partisans de l’amendement 1 de l’Ohio applaudissent à l’annonce des résultats lors d’une soirée de veille à Columbus, Ohio, le 7 novembre 2023. L’amendement constitutionnel codifie le droit à la contraception, aux traitements de fertilité et à l’avortement jusqu’à la viabilité du fœtus, tout en autorisant des restrictions après cette date. (Andrew Spear/Getty Images)

Les Démocrates de l’Arizona ont capitalisé sur la question immédiatement après la décision de la Cour suprême de leur État, le 9 avril.

« Les filles d’aujourd’hui et les jeunes femmes n’ont pas les droits que nous avions autrefois, et c’est à cause de Donald Trump », selon Kate Gallego, maire de Phoenix, le 9 avril. « Donald Trump est dangereux. »

La procureure générale démocrate de l’Arizona, Kris Mayes, qui a été élue de justesse en 2022, affirme que sa victoire a été favorisée par le contrecoup de la décision Dobbs. Selon elle, la bataille pour l’accès à l’avortement poussera les indépendants et les républicains favorables à l’avortement à voter à nouveau pour les Démocrates en 2024.

« Si le passé fait office de prologue, cela aura un impact profond et durable sur la politique en Arizona », a commenté Kris Mayes le 9 avril.

Les républicains, désormais attentifs à la question, marchent sur des œufs.

Kari Lake, du Parti républicain de l’Arizona, candidate au Sénat des États-Unis, considère que la décision de la Cour est « en décalage avec la position des habitants de l’État ».

« Il s’agit moins d’interdire l’avortement que de sauver des bébés », précise-t-elle.

Joe Biden a remporté l’Arizona et le Nevada avec respectivement 2,4 et 0,4% en 2020.

Donald Trump a remporté la Floride avec 3,4 points en 2020, mais les Démocrates évoquent la perspective d’un retournement de situation dans cet État.

Des électeurs arrivent à un événement de campagne à Keene, État du New Hampshire, le 20 janvier 2024. (Joseph Prezioso/AFP via Getty Images)

Appropriation de l’enjeu

Les référendums et autres questions électorales sur des sujets brûlants, quand ils interviennent lors d’élections nationales, peuvent être très utiles pour un parti qui cherche à contrôler le récit.

« On ne peut pas forcer les gens à penser quoi que ce soit, mais on peut les amener à penser à certaines choses », explique Nicholas Higgins, professeur de sciences politiques à l’université Northern Greenville. Les partis politiques ont tendance à faire figurer des questions sociales sur le bulletin de vote, en partie pour attirer l’attention sur des sujets dans lesquels ils ont un certain avantage.

« Si les médias parlent beaucoup de ces choses, ce qui, je pense, va être le cas dans certains États, alors il y a un potentiel », a expliqué M. Higgins à Epoch Times.

« Les scrutins sur l’avortement et la légalisation de la marijuana vont dynamiser les principales circonscriptions démocratiques (…) ce qui pourrait changer la donne »
— Donald Nieman, professeur à l'université de Binghamton

« Joe Biden, et les Démocrates en général, souffrent d’un déficit d’enthousiasme auprès du public », estime Donald Nieman, professeur de sciences politiques à l’université de Binghamton.

« Les scrutins sur l’avortement et la légalisation de la marijuana vont dynamiser les principales circonscriptions démocratiques (…) ce qui pourrait changer la donne », confie-t-il à Epoch Times.

Cela inquiète le sondeur républicain Neil Newhouse, qui estime que les récits de femmes ayant des difficultés à se faire avorter pourraient alimenter une grande partie de la couverture médiatique d’ici à l’élection.

« Je pense qu’il y aura un impact sur l’élection », avance M. Newhouse à Epoch Times. À son avis, les Démocrates ne feront pas basculer la Floride, mais « la mettre en balance est certainement une possibilité ».

D’autres experts ne sont pas convaincus qu’un grand nombre d’électeurs républicains prendront leur distance avec le parti sur cette question.

« Je ne pense pas que ce soit le grand égalisateur que les Démocrates espèrent », exprime Jim Lee, président et directeur général de l’institut de sondage Susquehanna Polling and Research.

Donald Trump s’adresse aux médias à son arrivée à l’aéroport d’Atlanta le 10 avril 2024 à Atlanta, en Géorgie. (Photo par Megan Varner/Getty Images)

Des questions plus pressantes

Compte tenu du grand nombre de questions urgentes auxquelles les électeurs seront confrontés en novembre, il est difficile de savoir quel sera l’impact des initiatives électorales sur l’élection présidentielle, même si le taux de participation sera déterminant.

« Nous sommes submergés de questions qui nous impactent et qui auront une répercussion au cours des quatre prochaines années et au-delà », explique M. Marson à Epoch Times. « Cela va avoir un impact sur les élections en amont et en aval du scrutin. »

Austin Alonzo, John Haughey, Nanette Holt et Nathan Worcester ont contribué à cet article.

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