Les grands patrons se rebiffent contre la bureaucratie française et européenne

Par Germain de Lupiac
20 avril 2025 16:26 Mis à jour: 21 avril 2025 14:55

Le PDG de LVMH, Bernard Arnault, a appelé le 17 avril les dirigeants européens à régler « à l’amiable » les nouveaux droits de douane entre l’Union européenne (UE) et les États-Unis.

Devant les actionnaires du groupe, le dirigeant du groupe de luxe s’est montré très critique à l’égard de l’UE. L’Europe « n’est pas dirigée par un pouvoir politique », a-t-il dit, « mais par un pouvoir bureaucratique qui passe son temps à éditer des réglementations », ne rendant « pas facile » la création d’une « zone de libre-échange » entre les États-Unis et l’UE, qu’il appelle de ses vœux.

Le 17 avril, le PDG de TotalEnergies, Patrick Pouyanné, estimait également dans Le Figaro Magazine que le gouvernement français pénalise les entreprises qui veulent investir en France, l’excès de lois sociales et de réglementations freinant, selon lui, les projets de développement.

Le 14 avril, c’était le directeur général de Safran, Olivier Andriès, qui déclarait vouloir bannir tout investissement dans les villes écologistes, du fait des difficultés causées par l’excès de normes, les délais administratifs et les postures dogmatiques des écologistes. Le groupe en a également assez de « recevoir des tomates » de ces derniers, alors qu’ils viennent investir dans leur région.

LVMH critique les négociations des bureaucrates européens

Le PDG de LVMH, Bernard Arnault, s’est dit « favorable » à « une zone de libre-échange » entre l’Europe et les États-Unis sur fond de nouveaux tarifs douaniers américains, tout en dénonçant les « bureaucrates » de Bruxelles, lors de l’assemblée générale des actionnaires du groupe LVMH, le 17 avril.

« Ces négociations sont vitales pour beaucoup d’entreprises en France, et malheureusement, j’ai l’impression que nos amis britanniques sont plus concrets dans l’avancée des négociations », a constaté le PDG en marge de l’assemblée.

« Il faut absolument trouver un accord », a mis en garde le patron du géant mondial du luxe. Si les négociations entre l’Europe et les États-Unis aboutissent à des droits de douane élevés, son groupe sera « forcément amené à augmenter [ses] productions américaines ».

« Il ne faudra pas dire que c’est de la faute des entreprises. Ce sera la faute de Bruxelles si cela devait arriver », a prévenu le PDG. « Il faudrait que les États européens réussissent à essayer de maîtriser cette négociation et ne pas la laisser à des bureaucrates », a-t-il jugé.

Bruxelles a proposé à Washington une exemption de droits de douane totale et réciproque pour les produits industriels, dont les voitures, avait indiqué début avril la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, mais ce n’était pas encore jugé suffisant pour le président américain, qui souhaite rééquilibrer sa balance commerciale avec l’Europe et la Chine.

Patrick Pouyanné dénonce un État bureaucratique en France

Le PDG de TotalEnergies, Patrick Pouyanné, a également fait preuve d’un inhabituel franc-parler sur l’administration française, le 17 avril, dans Le Figaro Magazine, désignant l’existence en France d’un État bureaucratique et profond qui produit des règles, des contraintes, des normes empêchant les entreprises de travailler.

« Au fil des années, un État profond s’est créé en France. Les fonctionnaires ne font plus confiance aux politiques. Cela s’accélère avec les gouvernements qui chutent tous les six mois. Pourquoi écouter un ministre qui ne va pas rester ? C’est un vrai problème, car cela renforce le poids d’une administration qui a tendance à compliquer les choses » a-t-il déclaré. Malgré les grandes déclarations d’intention des dirigeants du pays, la France reste le pays le plus taxé et normé au monde, empêchant toutes perspectives de développement économique et de croissance.

Patrick Pouyanné n’avait pas non plus apprécié l’injonction d’Emmanuel Macron à ne pas investir aux États-Unis. Le 3 avril, le président français réunissait les 50 plus grandes entreprises françaises pour leur demander de suspendre les investissements prévus aux États-Unis, en réponse aux nouveaux droits de douane. « Certains d’entre nous sont tombés de leur chaise », avait confié au Figaro l’un des dirigeants présents. « On n’est pas en économie administrée », avait commenté le responsable d’un mouvement patronal.

Safran dit refuser d’investir dans les villes écologistes

La même semaine, devant la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur les freins à la réindustrialisation, le directeur général de Safran, Olivier Andriès, déclarait vouloir éviter tout investissement dans les villes écologistes. Olivier Andriès a vivement dénoncé les critiques formulées, en février 2024, par des élus écologistes de Rennes contre l’implantation d’une fonderie avec pourtant 500 emplois à la clé.

« On avait négocié avec la maire socialiste de Rennes, […] ça s’est très bien passé, et là, les écologistes nous ont jeté des tomates, sur le thème : ‘C’est scandaleux, un groupe vient s’installer, créer de l’emploi, c’est l’aéronautique, c’est l’avion, ils vont polluer, et puis c’est le militaire, c’est pas bien’ « , a-t-il expliqué le 14 avril devant la commission.

En conséquence, « pour [lui], il n’est plus question aujourd’hui d’investir en France dans une ville qui est détenue par une majorité écologiste », « chaque fois que l’on aura un choix de localisation, [il] bannir[a] une offre faite » par ces mairies, a ajouté le patron du motoriste et équipementier aéronautique français, dont l’État détient presque 12 %.

Trop de taxes poussent à la délocalisation

Fin janvier, le patron de LVMH pointait déjà du doigt la trop grande bureaucratie française et européenne, à son retour des États-Unis où il avait assisté à l’investiture de Donald Trump.

« Quand on revient en France et qu’on voit qu’on s’apprête à augmenter de 40 % les impôts des entreprises qui fabriquent en France, c’est incroyable. Pour pousser à la délocalisation, c’est idéal ! », avait lancé le PDG de LVMH, lors de la présentation des résultats de son groupe.

Le patron du numéro un mondial du luxe faisait allusion à un projet gouvernemental de surtaxe ponctuelle des bénéfices de certaines grandes entreprises, dont LVMH, prévu dans le Budget 2025. Une surtaxe voulue exceptionnelle, mais « personne n’y croit », d’après Bernard Arnault. Car « une fois qu’on a augmenté les impôts de 40 %, qui va les baisser de 40 %? », a-t-il relevé.

Selon lui, la surtaxe d’impôt sur les sociétés, qui doit frapper à hauteur de 8 milliards d’euros les grandes entreprises cette année, « pousse à la délocalisation », notamment aux États-Unis où le faible coût de l’énergie et la faible administration sont plus propices aux affaires.

Même constat pour le patron de TotalEnergies, Patrick Pouyanné, qui donnait raison au patron de LVMH sur un appareil bureaucratique européen qui pousse les entreprises à délocaliser : « C’est une surtaxe sur les gens qui ont une activité en France […]. C’est ça la réalité de ce qui va se passer », a déclaré Patrick Pouyanné à l’occasion de la publication des résultats annuels de son groupe.

« On veut des vraies réformes structurelles » explique le patron du Medef

« Quand vous avez un pays qui a de la croissance, des conditions attractives en termes de prix de l’énergie, de fiscalité, vous y allez, c’est normal », a expliqué le président du Medef, Patrick Martin, le 30 janvier sur RTL.

« Au mois d’août, j’ai tiré le signal d’alarme, en disant qu’on va être en récession au quatrième trimestre, l’emploi va se dégrader : la classe politique, dans son immense majorité, n’a rien entendu […], ils n’écoutent même pas », a-t-il déploré.

« On veut des vraies réformes structurelles », a-t-il soutenu, critiquant au passage l’abandon programmé de 4000 suppressions de postes dans l’Éducation nationale, car cela aboutit à « préserver l’administration ». Alors que le chômage remonte et que l’Insee a annoncé un recul du PIB fin 2024, Patrick Martin a estimé qu’il y a « urgence à ce que nos décideurs politiques se ressaisissent et comprennent ce qui se passe à travers le monde ».

« On parle à un mur », a-t-il regretté, égratignant au passage le ministre de l’Économie Eric Lombard, « qui fait ses meilleurs efforts mais dont les chefs d’entreprises se disent qu’il est très loin de nos réalités ».

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