L’Europe et l’Amérique remplacent leurs importations énergétiques russes par une énergie « propre » chinoise

Elles passent du mauvais au pire

Par Anders Corr
18 mars 2022 18:05 Mis à jour: 19 mars 2022 04:50

La guerre en Ukraine a entraîné des sanctions contre la Russie qui affecte l’approvisionnement en pétrole et en gaz pour les économies de l’Union européenne (UE) et des États-Unis. Ces acheteurs de produits énergétiques recherchent désormais d’autres sources non russes, ce qui suscite un regain d’intérêt pour les énergies renouvelables telles que le solaire et l’éolien – deux secteurs dans lesquels les sociétés chinoises sont de plus en plus compétitives.

Les importateurs occidentaux des combustibles recherchent également du pétrole et du gaz en provenance de pays actuellement sanctionnés – tels que l’Iran et le Venezuela – allégeant ainsi la pression exercée sur ces pays dans le but de les obliger à mieux respecter les droits de l’homme. Cela leur donne aussi un avantage par rapport aux mesures et négociations concernant leurs formes autoritaires de gouvernance ou la non-prolifération des armes nucléaires.

Alors que les sanctions russes deviennent plus sévères, la pression sur les autres régimes autoritaires diminue en raison de l’absence d’une approche uniforme et durable de l’application des sanctions. La Chine et ses alliés de facto – l’Iran, la Corée du Nord et le Venezuela – représentent probablement une plus importante menace à long terme que la Russie de Poutine, et le déplacement des sources d’approvisionnement en énergie vers ces régimes pourrait nuire davantage à la démocratie à long terme.

Cela ne veut pas dire que la Russie ne doit pas être sanctionnée. Elle doit l’être, et les sanctions doivent être renforcées. Toutefois, les sanctions à l’encontre de la Russie devraient être élaborées de manière à ce que d’autres régimes non libéraux n’en tirent pas avantage.

Le 8 mars, la Commission européenne a publié un plan énergétique qui commence ainsi : « L’invasion de l’Ukraine par la Russie rend plus forte et plus évidente que jamais la nécessité d’une transition rapide vers une énergie propre… la Russie fournit plus de 40 % de la quantité totale de gaz consommé dans l’UE. 27 % des importations de pétrole et 46 % des importations de charbon proviennent également de Russie. »

Le plan d’action de l’UE indique que, tout en diversifiant son approvisionnement en gaz en dehors de la Russie, « l’UE favorise ses partenariats internationaux », notamment avec les pays du G7 et d’autres grands importateurs mondiaux de gaz : la Corée du Sud, l’Inde et la Chine.

En même temps, un article de Bloomberg du 9 mars a mis en évidence que « le plan de l’Europe en période de guerre – qui vise une transition plus rapide vers les énergies propres alors qu’elle cherche à remplacer les combustibles fossiles russes – donnera un coup de fouet aux commandes des fabricants chinois de produits pour énergies renouvelables ».

D’ici 2030, l’Union européenne ajoutera 900 gigawatts d’énergie solaire et éolienne, selon le plan énergétique de l’UE, soit près du double de ce que les analystes prévoyaient auparavant.

Morgan Stanley, l’une des plus importantes banques d’investissement, a prédit une augmentation de 15 % des exportations chinoises de produits pour les énergies solaires. Le principal bénéficiaire sera la société chinoise Longi Green Energy Technology – la plus grande entreprise de produits pour le solaire du monde. En novembre dernier, cette société a vu ses produits saisis par les autorités douanières américaines parce qu’ils contenaient du polysilicium provenant du Xinjiang – la région où les Ouïghours sont réduits à l’esclavage dans les usines et les champs. Le Xinjiang assure aujourd’hui 45 % de la production mondiale du polysilicium.

Vue sur les panneaux solaires de la centrale solaire de Hami, dans la région chinoise du Xinjiang, le 8 mai 2013 (STR/AFP via Getty Images)

Plutôt que de transférer les achats de produits énergétiques vers la Chine et ses alliés autoritaires, l’Europe et les États-Unis pourraient soutenir leurs propres alliés : en achetant, par exemple, des panneaux solaires britanniques, du gaz naturel norvégien et du pétrole canadien.

Le gaz norvégien représente déjà 23,6 % des importations de gaz de l’UE. Soutenir les pays démocratiques signifie acheter plus de produits énergétiques des pays comme la Norvège.

Les consommateurs européens et britanniques favorisent cette approche. À toutes choses égales par ailleurs, ils préfèrent, en particulier, les panneaux solaires des entreprises britanniques à ceux des sociétés chinoises. Un fabricant britannique de panneaux solaires, UKSOL, les produit en Espagne.

Andrew Moore, le PDG d’UKSOL, a déclaré le 8 mars à The Independent : « Nous augmentons le nombre de commandes en raison du rejet des marques chinoises utilisées par les grossistes au Royaume-Uni. »

« Le consommateur se pose des questions (au sujet du travail forcé) et à juste titre. Il y a eu une hausse (de commandes) en provenance d’Europe, je reçois tous les jours des e-mails de consommateurs qui ne veulent pas de panneaux chinois », a-t-il précisé.

En raison de la pression internationale et en réponse à la demande des électeurs, les gouvernements des pays occidentaux considèrent des mesures législatives visant à bannir le travail forcé. Ils ont comme exemple l’interdiction américaine d’importation de produits fabriqués au Xinjiang.

Cependant, les sociétés de panneaux solaires chinoises peuvent contourner cette interdiction américaine en transférant leurs exportations vers les marchés des pays de l’UE et britannique – et ce, avec des remises assez importantes. Parfois, leurs origines chinoises sont cachées aux clients.

« Il y a de nombreuses façons pour ces sociétés de dissimuler le travail forcé dans le réseau de leurs chaînes d’approvisionnement », a expliqué la professeur Laura T. Murphy à The Independent.

« Les grossistes britanniques ne veulent pas faire la promotion de panneaux légèrement plus chers, car le secteur dépend du prix, et le (plus bas) prix dépend de la Chine », a-t-elle poursuivi.

Plutôt que de transférer les achats des produits énergétiques vers la Chine et d’autres régimes autoritaires, la meilleure approche serait d’investir dans leur fabrication dans les pays démocraties et nos alliés, même si cela signifie dépenser un peu plus. Cela concerne, par exemple, les éoliennes, les panneaux solaires ou les batteries au lithium. En favorisant les amis plutôt que les ennemis de la démocratie, nous assurons l’avenir de la démocratie et de la liberté plutôt que leur disparition.

Dr Anders Corr est directeur de Corr Analytics Inc., éditeur du Journal of Political Risk. Il a effectué des recherches approfondies en Amérique du Nord, en Europe et en Asie et il est l’auteur de The Concentration of Power (2021), de No Trespassing et a édité Great Powers, Grand Strategies.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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