L’imminente crise de l’eau – 3e partie

3 janvier 2017 15:47 Mis à jour: 7 mars 2017 14:10

Vus de l’extérieur, les enjeux du Moyen-Orient concernent le plus souvent la guerre, le pétrole et les droits de l’homme. De l’intérieur, il est bien connu que l’eau est un facteur clé de la stabilité et de la prospérité de la région. Des dix pays vivant les plus grands stress hydriques dans le monde, huit sont du Moyen-Orient. Désertification, épuisement des nappes phréatiques, sécheresses à longueur d’année, disputes transfrontalières sur les droits d’usage de l’eau, pratiques déficientes de gestion de l’eau – il s’agit là de facteurs aggravant l’instabilité de cette région déjà tendue.

L’eau c’est la politique

Au Moyen-Orient, la politique et l’eau sont étroitement liées. Les accords transfrontaliers traitent le plus souvent l’eau comme une ressource divisible. Or, selon l’économiste spécialisé dans le domaine des ressources naturelles, David B. Brooks, bien qu’à court terme les traités aient pu jouer un rôle dans la prévention des conflits, à long terme, ils ne sont pas un gage de gestion durable et équitable de l’eau.

Le conflit israélo-palestinien est un cas d’école. Au cours du chaud été 2016, les 2,8 millions d’Arabes et les dirigeants locaux vivant le long de la rive occidentale se sont régulièrement plaints que l’accès à l’eau douce leur était refusé. Israël reproche aux Palestiniens de ne pas participer aux négociations visant à améliorer l’état des infrastructures d’eau. Selon les accords d’Oslo, Israël est [en droit] de contrôler les ressources en eau. Un comité mixte réunissant Israéliens et Palestiniens avait été créé pour se pencher sur ces questions, mais aucune rencontre n’a été convoquée depuis plus de cinq ans.

De telles situations où s’intrique la politique aux besoins de première nécessité sont chose commune dans la région du Moyen-Orient.

Vus de l’extérieur, les enjeux du Moyen-Orient concernent le plus souvent la guerre, le pétrole et les droits de l’homme. De l’intérieur, il est bien connu que l’eau est un facteur clé de la stabilité et de la prospérité de la région.

Le bassin du fleuve Jourdain

Le bassin versant du fleuve Jourdain – qui parcourt le Liban, la Syrie, Israël, la rive occidentale et la Jordanie – est le point de convergence de plusieurs conflits interétatiques de longue date. Il a été une source de conflit entre Israël et les États arabes depuis plus de 60 ans.

En 1953, Israël avait initié le National Water Carrier project [projet national d’adduction d’eau], un pipeline de 130 km visant à acheminer l’eau de la mer de Galilée, située au nord, au désert de Negev, situé au sud. Dix ans plus tard, une fois le mégaprojet terminé, la Syrie tenta de bloquer l’accès à Israël à de grandes quantités d’eau par le biais du Headwater Diversion Plan [plan de diversion relatif aux sources d’eau]. Israël a alors contrecarré ces efforts de diversion, ce qui a été considéré comme un facteur clé ayant conduit à la guerre de Six Jours de 1967.

La pauvreté en eau

La capacité de ceux au pouvoir à combler les besoins en eau des populations [locales] peut être compromise durant les conflits, augmentant ainsi la complexité de situations déjà tendues.

L’Organisation mondiale de la santé a établi à environ 9 litres d’eau par jour par personne la quantité minimale d’eau nécessaire. Pour plusieurs, en dessous de ce seuil, il s’agit d’une situation de « pauvreté en eau » [water poverty].

En situation d’urgence – comme c’est le cas en période de guerre – cette quantité d’eau établie double. Pour maintenir une hygiène personnelle tout en tenant compte des besoins d’eau pour la cuisine, une plus grande quantité d’eau est nécessaire, soit environ 24 litres d’eau par jour. Pour la lessive et faire sa toilette, la quantité d’eau nécessaire augmente encore.

La pénurie d’eau au Yémen

Même si, techniquement, le Yémen n’est pas une région à haut stress hydrique comme peuvent l’être ses voisins, le pays a tout de même un problème particulier : sa capitale, Sanaa, ainsi que d’autres villes se trouvent dans une situation imminente de pénurie d’eau. Si rien n’est fait pour remédier à cette situation, ces villes pourraient effectivement être à sec d’ici un an à dix ans, selon les estimations.

Presque toute l’eau du Yémen provient des aquifères. Si les méthodes d’irrigation traditionnelles ont su prélever cette eau souterraine à un taux renouvelable, ce n’est plus le cas aujourd’hui. L’urbanisation croissante conjuguée à la conversion aux cultures commerciales exigeantes en eau (particulièrement la culture du qat, un narcotique léger) diminue le niveau de l’aquifère à un rythme de 2 mètres d’eau par année.

La guerre civile et le désastre humanitaire qui s’en suivit ont contribué à exacerber les enjeux de l’eau au Yémen. Les trois quarts de la population – soit près de 20 millions de personnes – n’a pas accès à une eau propre à la consommation et/ou à l’assainissement.

Si la situation s’envenime, les 2,9 millions d’habitants de la capitale pourraient bien devenir des « réfugiés de l’eau » selon certains.

La sécheresse en Syrie et la guerre civile

Le Moyen-Orient n’a pas encore vu de guerre explicitement sur l’eau, mais la rareté de l’eau a aggravé d’autres facteurs ayant conduit à des conflits.

Alors que la dévastatrice guerre en Syrie est maintenant un problème mondial, le lien entre ce conflit et la sécheresse n’a été porté que récemment à la connaissance du grand public.

De 2006 à 2010, la Syrie a traversé une période de sécheresse importante – la pire en 900 ans. Cette sécheresse a décimé le bétail, contribué à l’augmentation du coût des aliments et contraint près de 1,5 million d’agriculteurs à abandonner leurs terres desséchées pour rejoindre les villes. L’afflux de réfugiés de l’eau, conjugué au haut taux de chômage et à d’autres facteurs, a alimenté l’agitation sociale qui a conduit à la guerre civile, selon des experts.

Le conflit tire en partie son origine d’une politique qui avait été d’abord mal conçue trente années plus tôt. Dans les années 1970, le président Hafez al-Assad (le père de l’ancien président Bashar al-Assad) avait décrété que la Syrie devait aspirer à une situation d’autosuffisance agricole. Les fermiers ont alors creusé des puits toujours plus profonds afin de rejoindre les nappes phréatiques du pays, jusqu’à ce que les puits s’assèchent complètement.

En Syrie, un projet expérimental d’irrigation goutte à goutte a connu une popularité grandissante après que les fermiers ont eu constaté qu’ils pouvaient utiliser moins de 30 % d’eau pour leurs cultures, tout en augmentant leur productivité d’environ 60 %.

Solutions

La gestion de l’eau

Bien que la mauvaise gestion de l’eau soit à l’origine de plusieurs problèmes dans la région, plusieurs experts s’accordent pour dire que de meilleures approches de gestion pourraient s’avérer être des solutions. Par exemple, des recherches sont nécessaires pour déterminer la quantité de bétail qu’une terre peut supporter. Aussi, les mesures de conservation de l’eau pourraient être encouragées par le biais d’une tarification. En Syrie, un projet expérimental d’irrigation goutte à goutte a connu une popularité grandissante après que les fermiers ont eu constaté qu’ils pouvaient utiliser moins de 30 % d’eau pour leurs cultures, tout en augmentant leur productivité d’environ 60 %.

Le dessalement

Depuis plus de 50 ans, le dessalement est un [procédé d’approvisionnement en eau] privilégié au Moyen-Orient. Puisque la Terre compte plus de 97 % d’eau salée, il s’agit d’une option attrayante, mais qui a aussi des inconvénients. D’abord, elle consomme beaucoup d’énergie, raison pour laquelle ces usines ont été implantées dans des pays riches en pétrole comme l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, le Koweït et le Bahreïn. Aussi, le sel qui en résulte est souvent rejeté dans l’océan, causant ainsi du tort à la vie marine.

Des chercheurs israéliens ont récemment développé un système beaucoup plus efficace, soit le dessalement par osmose inverse, qui permet à l’eau de passer, au moyen de membrane ayant des pores microscopiques, tout en retenant les plus grosses molécules de sel. Une révolution en Israël, qui se procure maintenant 55% de son eau de cette façon.

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