ONU : Une requête demandant une définition claire de la charia n’a pas aboutie

La requête, déposée il y a près de deux mois par des dizaines de citoyens à travers le monde, n'a toujours pas reçu d'accusé de réception.

Par Venus Upadhayaya
6 mai 2024 15:04 Mis à jour: 6 mai 2024 17:11

Une requête déposée auprès des Nations unies par un groupe international de 81 citoyens cherche à obtenir une réponse concernant certains aspects de la charia et leur lien avec les violations des droits humains commises à l’encontre des femmes. Déposée le 8 mars, à l’occasion de la Journée internationale de la femme, la plainte n’a toujours pas reçu d’accusé de réception ni de réponse.

Le document demande à l’Organisation de la coopération islamique (OCI), qui prétend représenter le monde musulman à l’ONU, de fournir une codification universelle de la charia. Ce corpus de lois religieuses, qui fait partie de la tradition islamique fondée sur les écritures musulmanes, en particulier le Coran, fait l’objet d’interprétations diverses dans le monde islamique. La plainte cite l’absence de codification universelle comme l’une des raisons qui expliquent pourquoi la charia est associée à des violations des droits humains à l’encontre des femmes.

L’OCI est la deuxième plus grande organisation intergouvernementale au monde, après les Nations unies. Se présentant comme « la voix collective du monde musulman », elle dispose de délégations permanentes auprès des Nations unies et de l’Union européenne et compte 48 pays à majorité musulmane parmi ses membres.

« Le Conseil des droits de l’homme [des Nations unies] devrait demander à l’OCI une réponse unique et consolidée, comprenant une codification standardisée et mondiale de la charia et une explication des raisons qui font que la charia ne devrait pas être considérée comme une cause fondamentale de violation des droits des femmes », peut-on lire dans la plainte.

Intitulée « Plainte thématique adressée au Conseil des droits de l’homme des Nations unies concernant les violations flagrantes, constantes et attestées par des sources fiables des droits fondamentaux des femmes causées par la charia », la plainte est signée par des avocats, des militants et des experts d’Europe, d’Inde, du Canada, des États-Unis, d’Australie, d’Afrique du Sud, d’Iran, de l’Ouganda, de la Russie, et des Philippines.

La plainte précise qu’elle n’est « ni islamophobe, ni haineuse, ni raciste ». Elle a été distribuée aux agences des Nations unies, notamment à ONU Femmes, au Conseil des droits de l’homme des Nations unies, au Bureau de lutte contre le terrorisme des Nations unies et au Département de la communication globale des Nations unies.

Parmi les destinataires figuraient également le Secrétaire général et le Sous-Secrétaire général/conseil juridique des Nations unies. Le document a également été envoyé à d’autres organismes mondiaux de défense des droits humains, notamment le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, la Commission économique et sociale pour l’Asie occidentale, la Commission américaine sur la liberté religieuse internationale, et la Commission nationale des droits humains de l’Inde.

Epoch Times a contacté quatre des onze agences et personnes auxquelles la plainte a été envoyée, dont le Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme et le bureau du Secrétaire général, pour s’enquérir de leur réception de la plainte et de leur réponse à ce sujet, sans toutefois recevoir de réponse.

Rahul Sur, un ancien fonctionnaire de l’ONU, a signé la plainte. M. Sur est un ancien fonctionnaire du Bureau des services de contrôle interne des Nations unies. Il a également été chef de l’évaluation des opérations de maintien de la paix et chef de la déontologie et de la discipline au bureau du Représentant spécial du Secrétaire général.

Tout en déplorant l’absence de réaction de l’ONU, il a rappelé à Epoch Times qu’il a fallu 57 jours à ONU Femmes pour condamner les violences commises par le Hamas lors de l’attaque du 7 octobre.

« Nous condamnons sans équivoque les attaques brutales perpétrées par le Hamas contre Israël le 7 octobre. Nous nous inquiétons des nombreux récits d’atrocités sexistes et de violences sexuelles commises lors de ces attaques. C’est pourquoi nous avons demandé que tous les cas de violence basée sur le genre fassent l’objet d’enquêtes et de poursuites en bonne et due forme, en donnant la priorité aux droits de la victime », a déclaré ONU Femmes, l’entité des Nations unies chargée de promouvoir l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes, dans un communiqué publié le 1er décembre.

M. Sur a également fait remarquer que la Commission de la condition de la femme a déjà adopté des résolutions sur de nombreux aspects mentionnés dans la plainte et qu’il existe de nombreuses preuves provenant directement des rapports de l’ONU sur le type de violations mentionnées dans le document.

« Puisque les Nations unies disposent d’un cadre normatif solide et internationalement accepté pour défendre les droits des femmes, en particulier la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW), et compte tenu de la force et des preuves objectives contenues dans la plainte, notamment les documents des Nations unies, il incombe aux Nations unies d’agir de manière décisive sur les questions soulevées », a déclaré M. Sur, ajoutant qu’un échec à cet égard renforcerait les perceptions sur l’« inefficacité » de l’ONU.

Mathew Giagnorio, écrivain et journaliste canadien, animateur du podcast « Modes of Inquiry », est un autre signataire. M. Giagnorio a déclaré par courriel à Epoch Times qu’il pensait que la plainte inciterait les gens à parler, à penser de manière critique et à utiliser les moyens offerts par la démocratie pour créer des changements positifs à l’échelle mondiale.

« Contrairement aux plaintes précédentes qui portaient sur des incidents particuliers, cette plainte est la première à présenter un dossier complet et très détaillé sur les effets négatifs de la charia à l’égard des femmes et des jeunes filles, musulmanes et non-musulmanes, du monde entier. Les Nations unies elles-mêmes considèrent qu’il s’agit d’une question importante », a déclaré M. Giagnorio.

Parmi ses nombreuses recommandations, la plainte demande que le Conseil des droits de l’homme des Nations unies nomme deux rapporteurs non-musulmans : un rapporteur spécial sur la liberté de religion ou de conviction et un rapporteur spécial sur la violence à l’égard des femmes, chargés de présenter un rapport sur les éléments discriminatoires de la charia et ayant un impact négatif sur la vie des femmes musulmanes et non-musulmanes.

L’un des aspects du travail des rapporteurs spéciaux consisterait à « aider ONU Femmes à déterminer dans quelle mesure les éléments de la charia sont la cause première de l’inégalité et de la violence des musulmans extrémistes à l’égard des femmes ».

Rôle de l’Organisation de la coopération islamique

Epoch Times a contacté dix signataires et a reçu des réponses de six d’entre eux. Selon les plaignants, l’Organisation de la coopération islamique (OCI) a un rôle important à jouer dans l’élaboration d’une codification universelle de la charia. Toutefois, ils affirment que leur tâche ne sera pas facile à mener à bien.

La signataire Aliya A. est la cofondatrice de CLARITy Coalition, une coalition mondiale fondée par des musulmans, des ex-musulmans, des universitaires, des chercheurs, des auteurs et des activistes, qui œuvre pour la paix et la démocratie et « rejette l’acceptation et les justifications de l’institutionnalisation de la charia ». L’activiste a déclaré par courriel à Epoch Times qu’il était difficile de parvenir à une définition universelle de la charia du fait du manque d’unité et de cohésion entre les membres de l’OCI.

« Il y a des conflits entre les branches de l’islam, les sunnites et les chiites étant les deux principales, ainsi que des différences interétatiques entre les États membres. L’unité n’existe que lorsqu’il s’agit de l’oumma » [la communauté des fidèles musulmans], a-t-elle déclaré, ajoutant que la signature de la plainte allait de soi pour elle, car elle a été victime d’un mariage forcé alors qu’elle était encore mineure, et s’est battue pour faire interdire la pratique du mariage des mineurs aux États-Unis. Le mariage des moins de 18 ans est encore légal dans de nombreux États moyennant l’autorisation des parents, et une poignée d’États ne fixent pas d’âge minimum pour le mariage.

Elle s’attend à ce que la plainte ait un impact « simple mais puissant », a-t-elle déclaré.

Helayne Kushner, membre de la CLARITy Coalition et militante contre l’antisémitisme, a déclaré par courriel à Epoch Times que la sensibilisation et le plaidoyer sont importants. Les acteurs du changement, les journalistes et les législateurs devraient montrer comment la charia a été utilisée comme une arme pour cibler les femmes et les jeunes filles du monde entier, a-t-elle ajouté.

La nature litigieuse et complexe de la question est devenue évidente lorsque le Secrétaire général des Nations unies a exclu le Hamas de la liste noire des violences sexuelles figurant dans un récent rapport intitulé « Violences sexuelles liées aux conflits ».

Le rapport note qu’il existe des preuves que des crimes de violence sexuelle ont été commis lors de l’attaque du 7 octobre contre Israël, mais ne les attribue pas spécifiquement au Hamas, déclarant qu’« une telle affirmation nécessiterait une enquête en bonne et due forme ».

En l’absence de coordonnées de l’OCI sur son site web, Epoch Times a téléphoné à la Mission permanente du Royaume d’Arabie saoudite auprès des Nations unies le 28 mars, à la recherche d’une réponse aux préoccupations des signataires, mais n’a pas reçu de réponse.

Epoch Times a également contacté la Commission permanente indépendante des droits de l’homme (IPHRC) de l’OCI, basée à Djeddah, en Arabie Saoudite, mais n’a pas reçu de réponse à l’heure de la mise sous presse.

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