Bruxelles maintient sa sanction de 3 milliards d’euros contre Google face à Trump

Faisant fi des ultimatums de Donald Trump, la Commission européenne a finalement infligé vendredi une amende de 2,95 milliards d'euros à Google, provoquant la réaction immédiate et courroucée du président américain qui a promis des représailles commerciales.
Photo: : MARTIN BERTRAND/Hans Lucas/AFP via Getty Images
Faisant fi des ultimatums de Donald Trump, la Commission européenne a finalement infligé vendredi une amende de 2,95 milliards d’euros à Google, provoquant la réaction immédiate et courroucée du président américain qui a promis des représailles commerciales. Cette sanction record pour abus de position dominante dans le secteur de la publicité en ligne marque une nouvelle escalade dans les tensions commerciales transatlantiques et illustre la détermination de Bruxelles à réguler les géants technologiques américains.
Une sanction majeure dans la publicité numérique
L’exécutif européen a sanctionné le géant américain de la tech pour avoir abusé de sa position dominante dans le secteur de la publicité en ligne (Adtech), sans toutefois exiger une scission des activités du groupe dans ce domaine. Cette décision intervient après une enquête approfondie ouverte en 2021, qui visait les pratiques de Google sur son outil d’échange d’annonces publicitaires AdX.
La Commission européenne reproche au groupe de Mountain View de s’être auto-référencé sur sa plateforme publicitaire, créant un avantage concurrentiel déloyal au détriment des autres acteurs du marché. Cette pratique lui permettait de dominer l’ensemble de la chaîne de valeur publicitaire, des annonceurs aux éditeurs, en passant par les outils technologiques intermédiaires.
Paradoxalement, cette scission avait été réclamée en mai dernier par le gouvernement américain lui-même devant une cour fédérale en Virginie, qui a reconnu que Google maintenait illégalement un monopole sur la publicité numérique. La sanction de la justice américaine est encore en cours d’examen, avec des audiences prévues fin septembre, créant une situation où les autorités américaines et européennes convergent dans leur diagnostic mais divergent sur les remèdes.
Trump monte au créneau avec des menaces de représailles
La réaction de Donald Trump ne s’est pas fait attendre. « L’Europe a ‘attaqué’ aujourd’hui une autre grande entreprise américaine, Google », a protesté dès vendredi le président américain sur son réseau Truth Social, dénonçant ce qu’il perçoit comme un acharnement européen contre les entreprises technologiques américaines.
Trump assure dans le même message que si l’Union européenne ne revient pas sur les amendes « injustes » infligées à Google, ainsi qu’à Apple, il serait « contraint » de déclencher un mécanisme de droits de douane punitifs, la fameuse « Section 301 ». Cette procédure commerciale permet aux États-Unis d’imposer des sanctions unilatérales contre des pratiques jugées discriminatoires.
Cette menace n’est pas nouvelle. Le 26 août dernier, Donald Trump avait déjà vigoureusement menacé les pays ou organisations régulant le secteur technologique de leur imposer des droits de douane et des restrictions à l’exportation. S’il n’avait pas explicitement cité l’Union européenne, celle-ci dispose de fait de l’arsenal juridique de régulation le plus puissant au monde, alimentant les débats européens sur le risque de représailles en cas de sanctions contre des sociétés américaines.
Teresa Ribera, la nouvelle garde de la concurrence européenne
Cette décision marque les premiers pas de Teresa Ribera en tant que commissaire européenne à la Concurrence, après avoir pris ses fonctions le 1er décembre 2024. La socialiste espagnole, ancienne ministre de la Transition écologique de Pedro Sánchez, supervise désormais un portefeuille élargi combinant concurrence et transition verte.
« Si elle ne le fait pas, nous n’hésiterons pas à imposer des mesures correctives fortes », a lancé la commissaire, donnant 60 jours à Google pour répondre aux exigences européennes. Cette position ferme contraste avec les premières spéculations selon lesquelles la nouvelle commissaire préférerait collaborer avec les géants technologiques plutôt que de les démanteler.
Teresa Ribera hérite d’un dossier particulièrement sensible, dans un contexte où l’Europe cherche à affirmer sa souveraineté numérique face aux géants américains et chinois. Sa double casquette concurrence-transition écologique pourrait redéfinir l’approche européenne, intégrant davantage les enjeux environnementaux dans les décisions antitrust.
Une semaine noire pour Google sur plusieurs fronts
Cette sanction européenne s’inscrit dans une série de revers judiciaires pour Alphabet, la maison mère de Google. Le groupe a été condamné mercredi aux États-Unis à verser 425,7 millions de dollars de dommages à près de 100 millions d’utilisateurs pour atteinte à leur vie privée, selon la décision d’un jury d’une cour fédérale de San Francisco.
Le même jour, Google a écopé d’une amende record en France de 325 millions d’euros infligée par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) pour des manquements en matière de publicités et de cookies. Cette convergence des sanctions illustre une pression réglementaire mondiale croissante sur les pratiques du géant technologique.
En revanche, le groupe a remporté une victoire judiciaire majeure mardi aux États-Unis. Un juge de Washington lui a imposé des exigences strictes sur le partage des données pour rétablir l’équité dans la concurrence sur la recherche en ligne, mais sans l’obliger à céder son navigateur phare Chrome, comme l’exigeait le gouvernement américain.
L’arsenal européen en action
Cette nouvelle amende s’ajoute au palmarès déjà conséquent des sanctions européennes contre Google. La Commission lui avait infligé une amende de 4,1 milliards d’euros en 2018 pour abus de position dominante du système d’exploitation Android, et une autre de 2,4 milliards d’euros en 2017 pour pratiques anticoncurrentielles sur les comparateurs de prix.
Au total, Google aura ainsi été sanctionné à hauteur de plus de 9,5 milliards d’euros par Bruxelles, constituant l’un des dossiers les plus lourds de l’histoire de la politique de concurrence européenne. Ces sanctions témoignent de la détermination européenne à réguler les marchés numériques dominés par les géants américains.
Google a immédiatement annoncé son intention de contester cette nouvelle sanction. « La décision de la Commission européenne à propos de nos services Adtech est mauvaise et nous en ferons appel », a déclaré Lee-Anne Mulholland, vice-présidente de Google chargée des affaires réglementaires, dénonçant une amende « injustifiée » qui va « nuire à des milliers d’entreprises européennes ».
Les enjeux géopolitiques d’une guerre réglementaire
Cette affaire illustre les tensions croissantes entre les États-Unis et l’Union européenne sur la régulation du numérique. Face aux menaces de Trump, l’UE avait rétorqué avoir « le droit souverain » de réglementer la technologie, revendiquant son autonomie réglementaire face aux pressions américaines.
Le conseil des éditeurs européens (EPC), représentant les intérêts de plusieurs éditeurs de presse dont The Guardian, Axel Springer ou Rossel, à l’origine de l’enquête européenne, a estimé que seule une cession pourrait mettre fin aux entraves à la concurrence de Google. Cette position plus radicale que celle finalement adoptée par la Commission témoigne des attentes élevées du secteur.
Cette bataille réglementaire s’inscrit dans un contexte géopolitique plus large où l’Europe cherche à affirmer sa souveraineté face aux géants technologiques américains et chinois. Les menaces de Trump de déclencher une guerre commerciale risquent de durcir encore les positions européennes, dans un cycle d’escalade qui pourrait redéfinir les équilibres économiques transatlantiques.
L’issue de ce bras de fer déterminera les rapports de force futurs entre les puissances publiques et les multinationales technologiques, dans un monde numérique de plus en plus fragmenté entre blocs réglementaires concurrents.

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