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Marc Touati : « La crise politique est venue aggraver une situation économique déjà très inquiétante »

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Photo: Avec l'aimable autorisation de Marc Touati

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Durée de lecture: 7 Min.

ENTRETIEN – Alors que la France s’enfonce de plus en plus dans la crise politique, divers organismes et économistes pointent du doigt les conséquences économiques de cette instabilité. L’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) estime à 15 milliards d’euros le coût de la crise politique depuis la dissolution de juin 2024.
Marc Touati est économiste, conseiller économique pour eToro et président d’ACDEFI. Il estime que le coût de l’instabilité politique dépassera largement les 15 milliards d’euros.
 Epoch Times – Selon l’OFCE, la crise politique aurait coûté 15 milliards d’euros, soit 0,5 % de croissance depuis la dissolution de l’Assemblée nationale. Quel est votre point de vue sur cette donnée ?  Éric Meyer, lui-même économiste à l’OFCE a prévenu qu’il fallait prendre ce chiffre « avec précaution. »
Marc Touati – Je pense que c’est un chiffre dont il ne faut pas tenir compte. Il est difficile pour le moment de donner un montant précis puisque ce dernier comprend des coûts directs aisément mesurables comme la suspension de la réforme des retraites, mais également des coûts indirects moins faciles à évaluer à l’instar de l’effondrement de la confiance des entreprises et des ménages.
Je reste cependant persuadé que le prix à payer va dépasser les 15 milliards. La situation est d’autant plus préoccupante que la France était déjà confrontée à des problématiques économiques et financières majeures avant la crise politique.
Depuis des années, de mauvaises décisions sont prises par nos dirigeants sur ces sujets. Cette crise est venue aggraver une situation économique déjà très inquiétante.
Aujourd’hui, il y a une chute importante de la confiance des ménages et des entreprises ?
Nous en aurons le cœur net la semaine prochaine lorsque l’INSEE publiera l’indicateur de confiance des ménages du mois d’octobre. Même si à mon avis, le résultat ne sera guère reluisant.
Mais là encore, il n’y a pas eu besoin d’attendre l’instabilité politique provoquée par la dissolution pour voir la confiance des ménages et des entreprises s’effondrer.
Avant cette crise, l’indicateur de confiance des ménages était au même niveau que celui enregistré pendant la crise sanitaire et celle des Gilets jaunes.
En termes de climat des affaires, les indices des directeurs d’achat publiés en septembre nous apprennent que la France est le seul pays de la Zone euro en récession.
Aujourd’hui, dans le monde, seuls quatre pays sont dans cette situation : la France, le Canada, la Russie et le Brésil. C’est donc mauvais signe pour l’Hexagone.
« La croissance de l’Espagne va être quatre fois supérieure à celle de la France cette année, pays qui soutient ses entreprises. L’Allemagne, particulièrement exposée, prend des mesures de soutien massif aux entreprises, et nous, on est dans des débats hors-sol », déclarait le président du Medef Patrick Martin le 7 octobre sur France info. Partagez-vous cette analyse ?
 Oui. Pour ma part, c’est ce que je dis depuis des années, mais on préfère me qualifier de pessimiste.
La politique menée par nos dirigeants depuis au moins 2017 nous a conduits droit dans le mur. Il y a eu comme une fuite en avant de la part des gouvernements successifs qui ont préféré augmenter la dette et creuser le déficit au lieu de prendre des mesures économiques qui demandaient certes du courage, mais qui étaient vitales pour le redressement du pays.
Je suis effaré de voir aujourd’hui des responsables politiques et des économistes relativiser la gravité de l’augmentation de la dette de la France.
La charge des intérêts de la dette nous coûte 70 milliards d’euros par an et bientôt 100 milliards.
Par conséquent, en quinze ans, elle nous aura coûté au total 1.000 milliards d’euros. Ce n’est pas acceptable. Ceux au pouvoir ont une lourde responsabilité dans cette histoire.
 La classe politique n’a pas pris conscience à la fois des conséquences économiques de cette crise politique, et de l’état de notre économie de manière plus générale ?
La classe politique et une partie des économistes et du monde médiatique vivent dans le déni le plus total.
Pour eux, la situation n’est pas inquiétante. En 2021, lorsque j’avais alerté Bruno Le Maire, alors ministre de l’Économie sur l’état de notre économie, on m’avait fait comprendre que la BCE pouvait financer la dette et que les taux d’intérêt n’augmenteraient jamais… Quel manque de discernement !
Dès lors, rien n’a été engagé pour redresser économiquement le pays. Un vrai scandale d’État !
Même s’il a évité ce jeudi la censure, Sébastien Lecornu reste un Premier ministre fragile et les débats budgétaires s’annoncent houleux. La France n’est donc pas tirée d’affaire sur le plan de l’instabilité …
Le gouvernement a gagné un sursis de quelques semaines. Mais comme je vous l’ai dit, la suspension de la réforme des retraites aura un coût énorme. Au minimum 500 millions d’euros en 2026 et 2 milliards l’année suivante.
Par ailleurs, la crédibilité de la France, déjà sérieusement fragilisée, va prendre un nouveau coup. Le budget qui sera présenté ne sera pas crédible. Il faudra alors s’attendre à ce que la note financière de la France soit encore dégradée par les agences dans les mois qui viennent et à une hausse des taux d’intérêt.
Je pense qu’Emmanuel Macron devrait tirer les conséquences de ses erreurs et quitter ses fonctions.
Vous pouvez également retrouver les chroniques vidéos de Marc Touati sur sa chaîne YouTube, qui compte plus de 255.000 abonnés.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.