La menace à l’Ukraine ne provient pas seulement de la Russie, mais aussi de la Chine

Pékin se coordonne avec Moscou et lui apporte un soutien économique

Par Anders Corr
26 janvier 2022 18:46 Mis à jour: 26 janvier 2022 18:46

Toute invasion russe de l’Ukraine dépendra du soutien économique de Moscou par Pékin et de la politique de conciliation envers la Russie menée par l’Allemagne et la France. Pékin encourage probablement Moscou à envahir l’Ukraine, ce qui sert les objectifs du Parti communiste chinois (PCC).

Alors que l’OTAN devrait riposter à la stratégie expansionniste de l’État-parti chinois, la Russie a massé 100 000 soldats à la frontière avec l’Ukraine pour faire pression sur l’OTAN et obtenir des « garanties de sécurité ayant portée juridique », en particulier, que l’Ukraine ne rejoigne pas cette alliance.

Moscou exige également un retrait des forces de l’OTAN des pays d’Europe de l’Est ayant rejoint l’Alliance atlantique après 1997. Il s’agit d’exigences impossibles à satisfaire, car cela signifierait le recul de la démocratie en Europe de l’Est et l’expansion de l’influence totalitaire de Pékin et de Moscou dans le monde. Si l’OTAN décide d’apaiser la Russie en abandonnant l’Ukraine aujourd’hui, demain la Chine redoublera d’efforts pour prendre possession de Taïwan. Céder à un tyran ne fait qu’encourager les autres.

Déjà aujourd’hui, certains pays d’Europe de l’Est opposent leur veto aux mesures de l’Union européenne contre les violations des droits de l’homme et l’agression territoriale de Pékin, notamment en mer de Chine méridionale. L’Allemagne et la France, qui ont une position « pas trop ferme » à l’égard de la Chine et de la Russie, cherchent des échappatoires diplomatiques qui permettraient de jeter l’Ukraine aux lions.

Par exemple, l’Allemagne s’oppose à ce que l’Estonie donne des pièces d’artillerie de fabrication soviétique à l’Ukraine – et ce, pour la seule raison qu’elles étaient basées en Allemagne de l’Est au moment de la réunification du pays et d’où elles ont été envoyées en Finlande, puis en Estonie. Comme le note le Wall Street Journal, « le refus de l’Allemagne pourrait être interprété par Moscou comme un autre signe de division dans les rangs de l’Occident ».

Ce n’est pas le moment de diviser les pays démocratiques. L’Estonie devrait remettre les obusiers à l’Ukraine et l’accompagner d’un message dévoilant la lâcheté de l’Allemagne.

La concentration des forces armées russes à la frontière ukrainienne détourne l’intention et désunit déjà les membres de l’OTAN. Joe Biden a récemment révélé, probablement par erreur, que les membres de l’Alliance atlantique étaient en désaccord sur la réponse appropriée à divers types d’invasion russe.

Mais il y a une chose qui est sûre, c’est l’imposition de sanctions. Toute incursion au-delà des frontières de ce que Vladimir Poutine a déjà pris – la Crimée et, en fait, la région du Donbass dans l’est de l’Ukraine – fera de Poutine et de ses acolytes non seulement les dirigeants d’un État voyou, comme c’est déjà le cas, mais aussi des parias.

Les gouvernements démocratiques qui ne se montrent pas assez fermes à l’égard de la Russie et de la Chine perdront également tout respect. Un éditorial du Washington Post rédigé par l’historienne Katja Hoyer a un titre qui dit tout : « L’Allemagne est devenue un maillon faible de la ligne de défense de l’OTAN ». Elle affirme que « l’on ne peut pas compter sur l’Allemagne lorsqu’il s’agit d’imposition de sanctions à la Russie ».

Les sanctions enfonceront la Russie dans l’étreinte glaciale de la Chine, qui a déjà englouti de nombreux territoires après avoir violé de manière flagrante le droit international, y compris par le biais du génocide ou de l’invasion de pays voisins. Devenant entièrement dépendante du commerce avec la Chine afin d’échapper aux sanctions occidentales, la Russie perdra pratiquement toute souveraineté.

La Birmanie (appelée également Myanmar), la Corée du Nord, le Cambodge, le Laos, le Venezuela et, de plus en plus, l’Iran, le Pakistan, l’Afghanistan, les Philippines et la Russie tombent dans l’orbite de Pékin qui utilise des relations commerciales trop peu libérales.

Une réorientation du commerce russe des démocraties occidentales vers la Chine est déjà en cours, ce qui prouve aux Russes et au monde entier que Pékin favorise l’éloignement de la Russie de l’Occident et qu’il est ainsi intéressé dans l’agression de Moscou.

Des Chinoises passent devant une peinture murale représentant la place Rouge de Moscou, à Pékin, le 8 décembre 2021. (Jade Gao/AFP via Getty Images)

En 2021, selon une analyse publiée dans le magazine Nikkei Asia, le commerce annuel entre la Russie et la Chine a augmenté de plus de 35 %, pour atteindre un record de plus de 146 milliards de dollars. Les deux pays prévoient d’ajouter encore 200 milliards de dollars d’échanges supplémentaires d’ici 2024.

Toutefois, l’économie de la Russie ne représente qu’environ un dixième de celle de la Chine, tandis que ses échanges commerciaux avec la Chine sont déséquilibrés, ce qui donne à Pékin l’avantage sur le plan économique et, par conséquent, sur le plan politique.

Bien qu’au fil des ans, environ 40 % des échanges commerciaux de la Russie se soient faits avec l’Union européenne, cela n’a pas permis à l’Europe d’exercer une influence politique similaire – les pays démocratiques n’osaient pas recourir à l’intimidation économique. Le Parti communiste chinois, quant à lui, est un maître de la diplomatie du chéquier.

Vladimir Poutine montre déjà sa fidélité à Pékin en assistant aux Jeux olympiques d’hiver à Pékin, surnommés les « Jeux du génocide » par les défenseurs des droits de l’homme. L’administration américaine de Biden a sagement opté pour un boycott diplomatique de ces Jeux, suivi par les gouvernements de certaines démocraties occidentales.

Toutefois, il y a de regrettables exceptions. Le président polonais est l’un des rares chefs d’État alliés de l’Amérique qui lui a tourné le dos et a annoncé sa présence aux JO de Pékin, ce qui remet en question son allégeance à la démocratie face aux profits à réaliser en Chine.

Xi Jinping contraint Poutine à « skier sur les mêmes pistes » lors de ses JO d’hiver, en particulier, en retardant la signature des accords très médiatisés – notamment le contrat final pour le gazoduc Force de Sibérie 2 qui reliera davantage les deux mastodontes totalitaires.

Comme le note Nikkei Asia, « les analystes estiment que l’impasse entre la Russie et l’Occident au sujet de l’Ukraine, qui pourrait entraîner de nouvelles sanctions contre Moscou, est susceptible de resserrer davantage les liens entre le Kremlin et Pékin ».

Le magazine cite Artyom Lukin, professeur des relations internationales à l’université fédérale d’Extrême-Orient russe : « Poutine a probablement reçu des garanties de Xi que si une crise éclate au sujet de l’Ukraine et que l’Occident impose des sanctions majeures contre la Russie, alors la Chine se tiendra aux côtés de la Russie. »

Chris Devonshire-Ellis, expert d’une société de conseil en investissement en Asie, a expliqué au Nikkei Asia : « Si de nouvelles sanctions commerciales sont imposées à la Russie, Moscou devra accroître ses capacités d’approvisionnement ailleurs, la Chine étant une voie de sortie. »

Depuis 2010, la Russie dépend de plus en plus de la Chine pour ses exportations d’énergie, notamment par le biais de deux pipelines qui ont coûté 80 milliards de dollars et d’une usine de traitement du gaz de 13 milliards de dollars.

Le dirigeant chinois Xi Jinping et le président russe Vladimir Poutine assistent à la cérémonie de signature du contrat monumental d’approvisionnement de la Chine en gaz pendant plusieurs décennies, à Shanghai, le 21 mai 2014. (Alexey Druzhinin/AFP via Getty Images)

Si la Russie envahit l’Ukraine, les sanctions des pays occidentaux devraient être immédiates et sévères, y compris contre Poutine, ses plus proches associés, les plus grands hommes d’affaires russes, tous leurs proches parents, la dette souveraine du pays, son accès au système bancaire international SWIFT et à la technologie occidentale, les principales entreprises chinoises faisant des affaires en Russie ainsi que la mise en service du nouveau gazoduc Nord Stream-2 entre la Russie et l’Allemagne.

L’Allemagne porte une responsabilité particulière dans le maintien de la paix en Europe et dans le monde entier, et elle devra assumer des répercussions économiques si elle continue de traîner les pieds face à la Russie.

Comme l’a souligné Katja Hoyer, « tout dépend de Berlin… Si l’Allemagne continue à commercer avec la Russie alors que les autres pays de l’OTAN appliquent des sanctions, leur effet économique serait alors beaucoup moins fort. Cela obligerait les alliés occidentaux de l’Allemagne soit à aggraver la situation par une intervention militaire, soit à se retirer, permettant à Poutine de s’emparer d’un nouveau territoire ».

Afin de sortir du marasme moral que constituent ses relations avec Moscou, l’Allemagne devrait dépenser de l’argent pour se débarrasser de son habitude destructrice pour l’environnement : la dépendance au gaz russe. Cela peut se faire en revenant à une énergie nucléaire plus propre, plus moderne et plus sûre. L’Allemagne devrait également rechercher une sécurité énergétique en triplant ses installations portuaires et de stockage de gaz liquéfié provenant de ses alliés – et ce, afin de remplacer les 1,7  milliard de mètres cubes de gaz qu’elle achète actuellement à la Russie.

La défense de l’Allemagne est également trop faible. Selon Mme Hoyer, le nouveau chancelier allemand Olaf Scholz « n’est pas plus disposé à assumer une part du poids de la sécurité collective occidentale que ne l’était sa prédécesseur Angela Merkel ».

L’Allemagne souhaite que les négociations avec la Russie suivent le « format Normandie » – le format qui ne comprend que la Russie, l’Ukraine, l’Allemagne et la France. Cela reviendrait à diviser l’OTAN à la veille d’une possible invasion contre une autre démocratie qui cherche à adhérer à cette alliance.

La France s’est également montrée faible à l’égard de la Russie, proposant que l’Union européenne négocie séparément avec Moscou, fracturant ainsi la résistance collective de l’OTAN à un agresseur. L’Allemagne et la France – deux des démocraties les plus puissantes du monde – font ainsi preuve d’une lâcheté éthiquement impardonnable et stratégiquement à courte vue face aux menaces et au bluff potentiel de la Russie.

Si l’Allemagne et les autres alliés ne font pas leur part pour contenir la Russie, protéger le nouvel État démocratique d’Ukraine et renforcer la démocratie dans le monde entier, des répercussions économiques devraient être envisagées non seulement contre la Chine et la Russie, mais aussi contre ces alliés resquilleurs.

Aucun allié démocratique ne devrait pouvoir se soustraire à son devoir de versements appropriés pour la défense et d’une opposition unifiée aux dictateurs et à leur agression contre les autres démocraties. Si l’Allemagne et la France souhaitent vraiment s’engager sur la voie de la désunion des alliances, elles pourraient entraîner le reste de l’Occident dans un glissement progressif vers un système autocratique mondial.

Dr Anders Corr est directeur de Corr Analytics Inc., éditeur du Journal of Political Risk. Il a effectué des recherches approfondies en Amérique du Nord, en Europe et en Asie et il est l’auteur de The Concentration of Power (2021), de No Trespassing et a édité Great Powers, Grand Strategies.


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Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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