Migration : l’Allemagne durcit le ton avec l’expulsion de 81 ressortissants afghans
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Un agent de la police fédérale allemande contrôle une camionnette entrant en Allemagne depuis la Pologne à un poste de contrôle frontalier situé sur un pont entre les deux pays à Guben, dans l'est de l'Allemagne, le 9 mai 2025.
Le gouvernement allemand a procédé vendredi à l’expulsion de 81 Afghans condamnés par la justice, nouveau signal du durcissement de la politique migratoire opéré par le chancelier conservateur Friedrich Merz.
Le vol a décollé en direction de l’Afghanistan avec à son bord des hommes « soumis à une décision d’expulsion et qui ont déjà été condamnés par la justice pénale », a annoncé le ministère de l’Intérieur.
L’initiative a aussitôt été dénoncée par l’ONU, qui a demandé « l’arrêt immédiat du renvoi forcé de tous les réfugiés et demandeurs d’asile afghans ».
Il s’agit de la seconde opération de ce type depuis l’été dernier, la première depuis l’entrée en fonction de la coalition entre conservateurs et sociaux-démocrates dirigée par Friedrich Merz.
Le chancelier allemand Friedrich Merz, le 26 mai 2025 à Berlin, en Allemagne. (Sean Gallup/Getty Images)
Les expulsions vers l’Afghanistan sont controversées en raison du retour au pouvoir des talibans en août 2021, autorité que le gouvernement allemand ne reconnaît pas et avec laquelle il n’entretient pas de relations diplomatiques.
« Les auteurs d’infractions graves n’ont pas le droit de séjourner dans notre pays »
Le thème de l’immigration est cœur des débats politiques en Allemagne. Aux législatives de février dernier, la droite nationaliste a enregistré une progression sans précédent en dénonçant notamment les problèmes liés à l’immigration illégale.
Dans ce contexte, Friedrich Merz souhaite restreindre l’accueil des demandeurs d’asile comme d’autres dirigeants européens.
Le gouvernement allemand accueille vendredi, dans le sud du pays, les ministres de l’Intérieur de cinq pays de l’UE désireux de durcir la politique d’immigration, ainsi que le commissaire européen chargé des affaires intérieures.
Les renvois de délinquants afghans vers leur pays « doivent pouvoir se poursuivre à l’avenir. Les auteurs d’infractions graves n’ont pas le droit de séjourner dans notre pays », a affirmé vendredi le ministère allemand de l’Intérieur Alexander Dobrindt.
Le précédent gouvernement dirigé par le social-démocrate Olaf Scholz avait expulsé, le 30 août 2024, un groupe de 28 Afghans condamnés pour crimes, une première depuis le retour au pouvoir des talibans.
Grâce à l’entremise du Qatar
L’opération menée vendredi a pu se dérouler grâce à l’entremise du Qatar, a précisé le ministère de l’Intérieur.
Mais Berlin avait indiqué récemment envisager de négocier directement avec les autorités talibanes pour faciliter l’expulsion de délinquants afghans.
« Ces discussions devront avoir lieu », a réaffirmé vendredi M. Dobrindt, soulignant qu’elles se tenaient « en dessous du niveau des relations diplomatiques ».
Berlin « coopère avec un régime terroriste », a fustigé une députée du parti d’opposition de gauche radicale Die Linke, Clara Bünger.
Dénonçant lui aussi la décision de Berlin, le Haut-Commissaire de l’ONU aux droits humains Volker Türk a souligné que certains Afghans expulsés risquaient « d’être persécutés » dans leur pays.
« Expulser des personnes vers des pays dangereux comme l’Afghanistan et diaboliser les réfugiés est l’expression d’un programme autoritaire qui a malheureusement également trouvé son chemin en Allemagne », a abondé Amnesty International.
À rebours de la politique d’accueil massive de migrants d’Angela Merkel
L’Allemagne souhaite également revoir ses pratiques concernant le renvoi de ressortissants syriens.
La première économie européenne a accueilli plus d’un million de réfugiés, dont de très nombreux Syriens et Afghans, lors de la crise migratoire des années 2015-2016, sous le mandat de l’ex-chancelière Angela Merkel. « Nous pouvons le faire ! », avait-elle déclaré.
Des enfants syriens accueillent la chancelière allemande Angela Merkel (3e à g.), le président du Conseil européen Donald Tusk (4e à g.) et le Premier ministre turc Ahmet Davutoglu (2e à dr.) lors d’une visite dans un camp de réfugiés, le 23 avril 2016, à la frontière turco-syrienne, à Gaziantep. (STR/AFP via Getty Images)
Les gouvernements qui ont suivi ont refermé la page de cette politique d’accueil massive de migrants. Angela Merkel avait dit-elle même regretter sa politique migratoire. « Si je pouvais, je remonterais le temps de plusieurs années en arrière afin de pouvoir, avec le gouvernement et les autres décideurs, mieux nous préparer à la situation qui nous a pris un peu de court à la fin de l’été 2015 », lorsque des dizaines de milliers de réfugiés ont afflué en Allemagne, rapporteLe Point. « Dieu sait à quel point nous n’avons pas pris que de bonnes décisions au cours des dernières années » en matière migratoire, a-t-elle ajouté.
Au cours des dernières semaines, la coalition de Friedrich Merz a décidé le refoulement des demandeurs d’asile aux frontières du pays et modifié la législation afin de limiter le regroupement familial pour certaines catégories de réfugiés et pour allonger les délais d’accès à la nationalité allemande.
Le problème ne peut être résolu qu’au sein de l’Union européenne
« Nous ne devons pas continuer à surcharger notre société dans son ensemble avec une immigration clandestine », a déclaré Friedrich Merz vendredi lors d’une conférence de presse. Mais « nous ne pourrons résoudre le problème à long terme qu’ensemble, au sein de l’Union européenne », a-t-il ajouté.
Le ministre de l’Intérieur a dit miser sur une initiative européenne visant à faciliter les expulsions des migrants déboutés de l’asile vers des pays tiers hors UE.
« Nous voulons créer la possibilité de renvoyer les migrants dans des pays voisins proches de leur pays d’origine » lorsque ce dernier refuse de reprendre ses ressortissants, a-t-il déclaré dans une interview à la presse.