Nicolas Conquer: « L’inculpation de Donald Trump donne très clairement le sentiment d’une instrumentalisation de la justice »

Par Etienne Fauchaire
17 juin 2023 19:19 Mis à jour: 17 juin 2023 19:19

Pour la première fois, un ancien président américain est inculpé au niveau fédéral. Accusé d’avoir mis la sécurité des États-Unis en péril en conservant des documents confidentiels après son départ de la Maison Blanche, Donald Trump était appelé à comparaître, mardi 13 juin, devant le tribunal fédéral de Miami. Le candidat républicain à la présidentielle de 2024 fait face à 37 chefs d’inculpation, dont la « rétention illégale d’informations portant sur la sécurité nationale », l’« entrave à la justice » et le « faux témoignage ». Pour l’homme politique, qui plaide non-coupable, cette affaire a été orchestrée par le « ministère instrumentalisé de l’injustice du gouvernement Biden » et « figurera parmi les abus de pouvoir les plus terribles de l’histoire de notre pays ». Cette nouvelle péripétie judiciaire constitue-t-elle une « persécution politique digne des régimes communistes », comme le dénonce Donald Trump, et nuira-t-elle à sa campagne électorale ? Pour en parler, Nicolas Conquer, porte-parole des Republicans Overseas, répond à nos questions.

Epoch Times  : Donald Trump a été inculpé par la justice fédérale pour sa gestion des archives de la Maison-Blanche. Il plaide non-coupable. Pensez-vous que les actes d’accusation retenus contre lui sont fondés ou estimez-vous plutôt qu’ils ne constituent qu’une tentative de Joe Biden visant à nuire à son rival politique, comme l’affirment nombre des soutiens de l’ancien président ?

Nicolas Conquer : Les chefs d’inculpation qui ont été présentés contre Donald Trump sont au nombre de 37 et sont regroupés dans un document fouillé de 44 pages. On peut dès lors les prendre au sérieux. Sur le fond, l’ancien président des États-Unis pourrait effectivement être reconnu fautif voire même coupable d’avoir emporté puis refusé de restituer des documents confidentiels. Après tout, les procureurs américains ont obtenu un enregistrement audio d’une conversation de juillet 2021 dans lequel celui-ci reconnaît avoir en sa possession des documents secret-défense et non déclassifiés du temps où il était encore en fonction. Cela étant dit, cette affaire donne très clairement le sentiment d’une instrumentalisation de la justice contre le principal opposant politique de Joe Biden.

Selon vous, quel effet cette inculpation pourrait-elle produire sur les électeurs républicains lors de l’élection présidentielle en 2024 ?

Il est difficile de bâtir un raisonnement prédictif sur le comportement de l’ensemble de l’électorat républicain. Rappelons qu’à la présidentielle de 2020, Donald Trump, en adoptant un axe de campagne différent de celui de 2016, a perdu de nombreux électeurs qui lui avaient accordé leur vote. Aujourd’hui, le candidat est actuellement au cœur de cinq affaires judiciaires. Vont-elles lui permettre de remobiliser le camp républicain derrière lui ? L’avenir le dira. Quoi qu’il en soit, en se basant sur les sondages, on constate que ses péripéties judiciaires renforcent sa position de favori. Reste à savoir quelle sera la qualité de sa ligne de défense dans ce procès. Comme les élections présidentielles se jouent également sur la capacité d’un candidat à faire appel à des grands donateurs pour financer sa campagne électorale, cet aspect pourrait se révéler déterminant, indépendamment de la mobilisation de la base électorale. Si cette affaire judiciaire venait à mettre en péril ses chances de l’emporter, dans l’hypothèse d’une condamnation faute d’arguments convaincants, ses financeurs pourraient être amenés à se détourner de lui.

Quel positionnement ses rivaux au sein du même camp dans cette course à la présidentielle ont-ils adopté en réaction à son inculpation ?

Il y a des approches différentes parmi les candidats. Par exemple, Vivek Ramaswamy a promis d’accorder son pardon à Donald Trump s’il venait à être élu. De même, Nikki Haley, habituellement peu tendre envers l’ancien président, a elle aussi indiqué qu’il s’agirait d’une issue envisageable. Pour sa part, Larry Elder a annoncé qu’il demanderait d’abandonner les poursuites engagées contre l’ancien président et qu’il prendrait des mesures contre les procureurs financés par George Soros. En revanche, ce soutien envers Trump est loin de faire consensus au sein de l’ensemble du camp républicain, et à plus forte raison chez les candidats : Mike Pence, Chris Christie et Asa Hutchinson sont farouchement anti-Trump. À l’heure actuelle, ils prennent sur cette affaire une position très modérée, préférant attendre de voir quelle va être la solidité de la défense de l’ex-président. Si celle-ci se révélait fragile, cette inculpation leur donnera des munitions pour attaquer leur rival. En ce qui concerne Ron DeSantis, bien qu’il n’ait rien dit à propos de Donald Trump, il a dénoncé une instrumentation de la justice en rappelant que l’ancien directeur du FBI James Comey avait recommandé de n’engager aucune poursuite contre Hillary Clinton, alors qu’elle avait sciemment stocké puis détruit les serveurs sur lesquelles étaient conservés des dizaines de milliers d’emails. Je pense que les candidats républicains seront en revanche unanimement d’accord sur le constat qu’il existe une volonté affirmée d’interférer dans le jeu démocratique et les élections à venir.  Dans l’attente, il convient de souligner que le sort de la primaire n’est pas scellé, quand bien même les sondages placent pour l’instant Donald Trump en tête des intentions de vote. Tout d’abord, je rappelle que les enquêtes d’opinion sont réalisées à l’échelle nationale sans tenir compte du poids spécifique de chaque État dans cette primaire, qui se fait au suffrage indirect. Ensuite, avant la convention nationale du Parti républicain en juillet 2024, au cours de laquelle la droite investira son représentant, de nombreux rebondissements sont à attendre. Rappelons-nous la primaire démocrate de 2008 : Hillary Clinton, favorite des sondages au niveau national pour la présidentielle américaine, a finalement été battu par Barack Obama, qui faisait à cette époque encore figure d’outsider dans la course à la Maison-Blanche. Gardons à l’esprit que rien n’est écrit à l’avance.

Selon Tucker Carlson, la persécution de Donald Trump n’est pas seulement politique : elle est idéologique. La raison selon lui : Donald Trump a publiquement accusé démocrates et néoconservateurs de mentir afin d’entraîner les États-Unis dans des guerres à l’étranger.  Hier, le candidat a réagi en soutenant que les « fomenteurs de guerre et les mondialistes » qui « veulent argent et conflit » sont « furieux » et « s’acharnent contre lui » car il ne se « plie pas à leur nouvelle guerre sans fin en Ukraine ». Quel regard portez-vous sur ces affirmations ?

Dès son entrée en campagne en 2016, Donald Trump s’est positionné comme le candidat anti-establishment qui s’attaquerait à « l’élite corrompue », qu’elle soit démocrate ou républicaine. Son slogan d’alors : drain the swamp (en français : assainir le marécage). De fait, il n’était pas à la botte du complexe militaro-industriel, contrairement à certains autres membres de son administration comme Mike Pompeo, doté d’un tempérament plus va-t-en-guerre. Son inculpation est-elle liée à son non-interventionnisme ? Je pense qu’elle va bien au-delà de ce seul périmètre : il se trouve dans le viseur en raison de qui il est et de ce qu’il représente. C’est pourquoi il existe un tel acharnement contre cet homme politique. Quand on entend le procureur Jack Smith promettre un « procès rapide », laissant penser à une sorte de justice expéditive, cela renvoie l’impression d’une sortie du cadre régulier de l’état de droit américain, pourtant cinquième amendement de la Constitution. C’est un discours alarmant et indigne d’une démocratie comme celle des États-Unis. À ce sujet, il convient aussi de s’arrêter sur le parti-pris des journalistes dans cette affaire. Le 8 juin, Rachel Maddow, qui officie sur MSNBC, a lancé que le ministère de la Justice pourrait envisager de mettre fin aux poursuites judiciaires si celui-ci renonçait à se présenter à la présidentielle. C’est une déclaration outrancière : pareille décision irait à l’encontre du droit. À sa sortie du tribunal, cette même présentatrice a ensuite annoncé que sa chaîne de télévision refusait de diffuser le discours de l’ancien président à propos de son inculpation au motif qu’il allait dire des « choses fausses ». De nombreux intervenants sur les plateaux de télévision se demandent pourquoi Donald Trump ne jette pas l’éponge pour se concentrer sur le règlement de ses affaires judiciaires. Mais en prenant cette décision, il ferait tout bonnement le jeu des démocrates qui voient en lui l’adversaire le plus menaçant. C’est pourquoi lâcher le combat n’est pas dans ses projets.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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