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Nicolas Sarkozy condamné à cinq ans de prison : les points clés du jugement

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L'ex-Président Nicolas Sarkozy quitte le tribunal de Paris après une audience dans son procès pour financement illégal de sa campagne présidentielle de 2007, prétendument financée par la Libye, le 27 mars 2025.

Photo: ALAIN JOCARD/AFP via Getty Images

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Durée de lecture: 7 Min.

Le tribunal correctionnel de Paris a condamné jeudi Nicolas Sarkozy à cinq ans d’emprisonnement pour association de malfaiteurs dans l’affaire des financements libyens. Il a également ordonné son incarcération. Le jugement détaille les éléments ayant conduit à cette décision.

Selon les magistrats, à l’automne 2005 et au premier semestre 2006, Nicolas Sarkozy ne pouvait pas être « absolument certain » d’éviter une double candidature au sein de l’UMP ni d’obtenir le soutien financier du parti pour l’élection présidentielle de 2007. Cette incertitude pourrait expliquer des démarches visant un financement occulte.

Des rencontres en Libye

Le tribunal relève des rencontres en Libye en 2005 impliquant Claude Guéant et Brice Hortefeux avec Abdallah Senoussi, numéro deux du régime de Kadhafi, condamné à perpétuité en France pour l’attentat du DC10 d’UTA. Ces échanges sont au cœur du raisonnement ayant abouti à la condamnation pour association de malfaiteurs en vue d’un pacte de corruption.

Alors ministre de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy a laissé, « en son nom », Claude Guéant et Brice Hortefeux « agir afin d’obtenir ou tenter d’obtenir des soutiens financiers en vue du financement de sa campagne électorale ». Les juges estiment qu’ils ont aussi envisagé des contreparties « diplomatiques », « économiques » et « juridiques », notamment une « promesse de levée du mandat d’arrêt d’Abdallah Senoussi ».

Nicolas Sarkozy « ne pouvait qu’être au courant »

Le tribunal considère que Nicolas Sarkozy « ne pouvait qu’être au courant » de la rencontre entre Claude Guéant et Senoussi, et juge « impossible » que Brice Hortefeux n’ait pas informé le candidat de sa propre entrevue. Ces rencontres ont été organisées « dans des conditions de grande discrétion » à quelques mois d’intervalle, « alors que la situation pénale » de Senoussi constituait « un sujet de préoccupation très important » pour les autorités libyennes.

Pour les magistrats, ces échanges clandestins « n’ont de sens » qu’en lien avec la recherche de financements et « la nécessité d’obtenir des fonds ». Même si aucune action concrète n’a suivi concernant une éventuelle levée du mandat d’arrêt de Senoussi, « le fait qu’il n’y ait eu aucun acte positif (…) n’infirme pas que des promesses en ce sens, même irréalisables d’un point de vue judiciaire, aient été faites ».

Le tribunal note que « la procédure ne permet pas de fonder une démonstration » prouvant que l’argent venu de Libye a bien abouti dans la campagne. Mais « il résulte des carnets » de l’ancien ministre libyen du pétrole Choukri Ghanem que des responsables libyens, dont Senoussi, ont envoyé de l’argent « dans le but de financer la campagne » de Nicolas Sarkozy.

« Les engagements, pris en réponse à une offre de financement, suffisent à caractériser l’existence d’un pacte corruptif (…) et ce, indépendamment qu’aucune somme ne soit in fine arrivée »

L’enquête a mis au jour des flux financiers. « Les éléments de la procédure ne permettent pas de démontrer » le circuit emprunté ni de certifier que ces sommes ont effectivement financé la campagne « de manière occulte », ou si elles y sont parvenues. Toutefois, « des mouvements financiers ont eu lieu (…) dans une temporalité compatible avec la campagne » et, à son terme, il restait 35.000 euros « dont la provenance ne recevait aucune explication convaincante ».

Pour les juges, « les engagements, pris en réponse à une offre de financement, suffisent à caractériser l’existence d’un pacte corruptif (…) et ce, indépendamment qu’aucune somme ne soit in fine arrivée, ou très partiellement, ou que le financement de la campagne par l’UMP devenant certain, il n’y en ait plus eu besoin. »

Le délit d’association de malfaiteurs, passible de dix ans de prison, « implique que soient caractérisés un ou des faits matériels consistant en des actes préparatoires » à un délit, même si ce délit « n’a pas été consommé, ni même tenté ».

Pour justifier la peine, le tribunal évoque des faits « d’une gravité exceptionnelle, de nature à altérer la confiance des citoyens » envers leurs représentants et « les institutions même de la République ». Il souligne que, même sans enrichissement personnel direct, « l’association de malfaiteurs avait pour but de lui procurer un avantage dans la campagne électorale et de lui permettre d’accéder à la plus haute fonction et de l’exercer pendant cinq années ».

Concernant le délit de corruption passive, le tribunal considère que Nicolas Sarkozy a « agi, non en tant que ministre de l’Intérieur (…) mais en tant que candidat ». Il rappelle que « si le seul pacte de corruption suffit à caractériser le délit de corruption, il ne saurait en aller ainsi lorsque ledit pacte est passé avec une personne qui n’est pas encore dépositaire de l’autorité publique. »

Sur le chef de recel de détournement de fonds publics étrangers, les juges estiment que la jurisprudence « ne permet pas de sanctionner la complicité ou le recel de ces infractions ».

Enfin, à propos du financement illicite, le tribunal indique qu’il n’est « pas en mesure de démontrer de manière indubitable que » les liquidités utilisées pendant la campagne « provenaient de fonds libyens », ni qu’il y ait eu un volume d’espèces supérieur aux 35.000 euros identifiés.

Avec AFP