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Nouveaux droits de douane sur le bois et le mobilier : quel impact pour les consommateurs et les industries américaines ?

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Un drapeau américain flotte devant des conteneurs et des grues au port de Los Angeles, le 26 septembre 2025.

Photo: Mario Tama/Getty Images

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Durée de lecture: 12 Min.

À compter du 14 octobre, les États-Unis appliquent en effet un droit de douane de 10 % sur toutes les importations de bois d’œuvre et de bois de construction. Par ailleurs, un droit additionnel de 25 % frappe désormais toutes les importations de produits bois rembourrés — généralement du mobilier — ainsi que les armoires et les meubles-lavabos de cuisine.
Certains acteurs concernés plébiscitent cette mesure. L’industrie américaine du bois et les fabricants d’armoires la jugent indispensable pour mettre fin à la concurrence étrangère systématique envers les entreprises américaines.
D’autres, à l’image du secteur du mobilier, restent sceptiques. Les associations du secteur affirment dépendre massivement des composants importés afin de terminer leurs produits sur le sol américain. Elles voient également dans ces tarifs une entrave supplémentaire pour une industrie déjà frappée par la langueur du marché immobilier.
Voici ce qu’en disent les experts quant aux possibles effets à court et long termes de ces mesures.

Les droits de douane

Le 29 septembre, le président Donald Trump a signé une proclamation modifiant la structure tarifaire américaine sur le bois, le bois d’œuvre et certains produits dérivés.
Conformément à ce texte, le droit de douane sur le mobilier passera à 30 % en 2026, tandis que celui sur les armoires et meubles-lavabos atteindra 50 % à la même date. Tous ces droits reposent sur la section 232 du Trade Expansion Act de 1962, qui exige l’existence d’une menace à la sécurité nationale pour instaurer un tarif douanier.
Dans un communiqué publié le 29 septembre, la Maison-Blanche justifie ces mesures par « une dépendance excessive au bois, au bois d’œuvre et à leurs dérivés étrangers [qui] pourrait compromettre les capacités de défense, l’industrie de la construction et la puissance économique des États-Unis ».
Dans deux messages publiés sur son compte Truth Social, Donald Trump explique avoir ajouté les armoires et meubles-lavabos à la mesure pour endiguer « l’inondation massive de ces produits aux États-Unis par des pays étrangers ».

Le bras de fer du bois

Le différend sur les droits de douane sur le bois n’est qu’un nouvel épisode d’une longue querelle entre États-Unis et Canada portant sur le bois d’œuvre résineux. Depuis les années 1980, les deux voisins nord-américains s’opposent sur ce secteur.
L’origine du conflit réside dans une différence de législation. Au Canada, 90 % des forêts sont publiques, ce qui donne aux provinces la main pour accorder les permis d’exploitation et fixer les redevances. Aux États-Unis, c’est l’inverse : 90 % des forêts sont privées, et l’exploitation dépend des propriétaires fonciers qui fixent un tarif de marché.
De ce fait, la coalition américaine du bois, un lobby industriel, accuse les entreprises canadiennes de « déverser » du bois sur le marché américain à des prix artificiellement bas. Selon elle, le système canadien permet aux compagnies d’y exploiter sans restriction, tandis que les entreprises américaines sont soumises aux lois de l’offre et de la demande.
Dans une interview accordée au site Epoch Times, Zoltan van Heyningen, directeur exécutif de la U.S. Lumber Coalition, salue la décision comme le signe que l’administration Trump choisit de soutenir « la production nationale au détriment de la production étrangère ».
Il ajoute que cette décision tarifaire ainsi que la proclamation présidentielle constituent une étape clé vers la recherche d’une « solution durable au problème des pratiques commerciales déloyales du Canada ».

Des fabricants de meubles dubitatifs

Les droits de douane ont suscité une réaction négative du secteur du mobilier, très dépendant des importations et déjà fragilisé par la baisse de la demande.
L’American Home Furnishings Alliance, une organisation basée à High Point, Caroline du Nord, n’a pas répondu aux sollicitations d’Epoch Times, mais un groupe partenaire, Furniture for America, a publié un long communiqué sur le sujet en avril.
Dans un courrier de 21 pages adressé au département du Commerce, ce collectif — qui fédère des entreprises de fabrication et d’importation — conteste la légalité des mesures, affirmant qu’il « n’existe pas de lien rationnel entre l’importation de produits en bois ou de mobilier et la sécurité nationale des États-Unis ».
Furniture for America précise par ailleurs soutenir l’idée d’un renforcement de l’industrie américaine du bois et de la relocalisation de l’emploi, mais estime qu’« aucun montant de droits de douane ne ramènera la fabrication de meubles à ses niveaux antérieurs ».
Dans son courrier, le collectif souligne le manque de main-d’œuvre qualifiée et de matériaux produits aux États-Unis, rendant l’autosuffisance impossible.
Un rapport sectoriel publié par l’American Home Furnishings Alliance en 2021 précise que 92 % des meubles métalliques, 86 % des meubles en bois et 42 % des meubles rembourrés vendus aux États-Unis en 2020 étaient importés. Les premiers pays exportateurs à cette date : le Vietnam et la Chine, qui totalisaient à eux deux 14,7 milliards de dollars d’importations. Au total, les consommateurs américains ont dépensé 141,7 milliards de dollars en mobilier résidentiel et literie en 2020.
Ce même rapport note que l’emploi dans les usines américaines de mobilier est tombé à 294.000 salariés en 2020, contre 336.000 en 2018.
Des propos repris par Laura Alber, PDG de Williams-Sonoma, lors de l’appel aux résultats du 27 août. Selon elle, le groupe fait déjà face aux droits de douane à travers des hausses de prix, la renégociation des conditions fournisseurs et une refonte de la chaîne logistique. Elle juge aussi « très difficile pour l’industrie de relocaliser massivement la production aux États-Unis dans un délai court », faute d’infrastructures existantes.
Laura Alber estime enfin que ces droits de douane vont faire grimper les prix surtout en entrée de gamme, un segment largement dominé par les importations asiatiques.

Les fabricants d’armoires applaudissent

En revanche, le secteur des armoires, représenté par l’American Kitchen Cabinet Alliance, se réjouit ouvertement. Dans un communiqué du 28 septembre, l’alliance affirme que les nouveaux tarifs « sauveront les fabricants américains d’une inondation d’importations étrangères pratiquant une concurrence déloyale, qui menace 250.000 emplois ».
Dans un courrier adressé à la Maison-Blanche en septembre, l’alliance explique que le secteur des armoires de cuisine, pesant 14 milliards de dollars, a été « décimé par des décennies de pratiques commerciales déloyales menées par la Chine, le Vietnam, le Mexique, la Malaisie, le Cambodge, la Thaïlande et l’Indonésie ». La lettre accuse les concurrents étrangers de casser les prix jusqu’à 70 % de moins que les fabricants américains.
Dans une déclaration non datée publiée sur son site, l’alliance accuse aussi certains pays de faire du transbordement de produits chinois afin de contourner les dispositifs de protection de l’industrie américaine. Depuis 2020, la concurrence étrangère aurait entraîné une perte estimée à 6,5 milliards de dollars de chiffre d’affaires.
Les représentants de l’American Home Furnishing Alliance, de l’American Kitchen Cabinet Alliance, et de Williams-Sonoma n’avaient pas répondu aux sollicitations du média à l’heure de la publication.

Des clients au Mall of America à Bloomington, dans le Minnesota, le 29 août 2025. (Madalina Kilroy/Epoch Times)

Les prix vont-ils augmenter ?

L’impact exact des nouveaux droits de douane sur le bois, le mobilier et les armoires pour le public américain reste incertain.
Dans une déclaration transmise à Epoch Times, la National Association of Home Builders estime que le paquet de droits de douane « créera de nouveaux obstacles pour un marché immobilier déjà sous pression en accroissant le coût de la construction et de la rénovation ».
Pour ramener de la stabilité sur ce marché, « l’administration doit négocier des accords équitables avec ses partenaires commerciaux afin de lever rapidement les droits de douane sur les matériaux de construction », plaide le président de l’association, Buddy Hughes.
De son côté, Zoltan van Heyningen — directeur exécutif de la U.S. Lumber Coalition — réfute l’argument de l’association sur une hausse des prix immobiliers imputable aux droits sur le bois canadien : selon lui, ce seront les exportateurs canadiens, et non les consommateurs, qui supporteront la charge des droits. Il rappelle aussi que le bois, bien qu’essentiel, ne compose qu’une faible part du prix total d’un logement neuf : environ 2 %.
Wayne Winegarden, chercheur principal à l’institut Pacific Research Institute de Pasadena, estime que la question de savoir qui paie in fine ces droits de douane reste délicate car chaque marché de produit fonctionne différemment. Jusqu’à présent, « les consommateurs ont été peu impactés, car les entreprises ont anticipé en achetant à l’avance ». Mais il prévoit un effet à terme, au fur et à mesure que les sociétés paieront plus cher et répercuteront les hausses de prix sur les acheteurs. À l’avenir, « les consommateurs devraient absorber une partie, mais pas la totalité, du tarif additionnel ».
Concernant le logement, M. Winegarden anticipe un effet sur le coût de la construction en 2025 et au-delà, pas seulement pour le bois mais aussi sur d’autres matériaux de construction. Vu la conjoncture actuelle, « c’est un moment particulièrement mal choisi pour accroître le coût de construire ».
« Ce sera, selon moi, l’un des effets les plus perceptibles de ces droits de douane : tout le monde le remarquera, même ceux qui ne cherchent pas à acheter, et cela en perturbera plus d’un », conclut-il.
Austin Alonzo couvre l'actualité politique et nationale des États-Unis pour Epoch Times. Il couvre l'actualité locale, commerciale et agricole à Kansas City, dans le Missouri, depuis 2012. Il est diplômé de l'université du Missouri. Austin est joignable par courriel à l'adresse austin.alonzo@epochtimes.us.

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