« On a affaire à une génération qui a un rapport complètement désinhibé à la violence », déclare Amine El-Khatmi

Par Julian Herrero
22 avril 2024 13:50 Mis à jour: 23 avril 2024 09:37

ENTRETIEN – L’essayiste Amine El-Khatmi, ancien président du Printemps républicain et auteur de Cynisme, dérives et trahisons chez Harper Collins en 2024, revient dans un entretien accordé à Epoch Times sur la conférence sur la Palestine interdite à Lille la semaine dernière, la violence chez les mineurs et les tensions au Moyen-Orient.

Epoch Times : Une conférence organisée à Lille par l’association Libre Palestine et à laquelle devait participer Jean-Luc Mélenchon et Rima Hassan a été interdite par la préfecture du Nord. La préfecture a notamment évoqué des « risques de trouble à l’ordre public (…) dans un climat de tensions géopolitiques accrues ». Est-ce que vous comprenez la décision de la préfecture ?

Amine El-Khatmi – D’abord, je comprends la décision de la présidence de l’université, puisque la conférence a été, dans un premier temps, annulée par l’université. Il me semble que ce n’est pas normal d’organiser ce genre d’événements en période électorale. Contrairement à ce qu’affirme LFI, ce n’est pas une conférence, mais plutôt un meeting politique. Je rappelle que Jean-Luc Mélenchon, même s’il n’est pas en position éligible, figure sur la liste de la France insoumise pour les élections européennes. Rima Hassan, quant à elle, est en position éligible puisqu’elle figure en septième position. Par conséquent, il n’est pas normal qu’un meeting puisse se tenir dans une université en période électorale.

Ensuite, il y avait d’autres motifs, notamment le tract appelant à l’organisation de cette réunion qui faisait apparaître une carte de la Palestine et qui faisait disparaître Israël. Il y avait là quelque chose qui n’était pas acceptable.

Et il y avait évidemment des risques de troubles puisque cette réunion était contestée. Un certain nombre d’associations notamment l’UEJF, appelaient à des manifestations de protestation. Il était donc évident que cela allait provoquer des troubles à l’ordre public et en tout cas de possibles troubles au sein de l’université.

Donc la décision du président de l’université me paraissait fondée sur la base de ces arguments.

Cependant, aussi grande soit mon hostilité à l’égard de Jean-Luc Mélenchon et de LFI, puisque je considère qu’ils sont devenus des ennemis de la République, j’ai du mal à comprendre la décision du préfet du Nord, Bertrand Gaume que je connais et qui est un grand préfet. Sur quels fondements s’est-il basé ? En tant que défenseur de la liberté d’expression et de l’esprit Charlie, j’ai un peu de mal à comprendre cette décision. Je me suis assez indigné des censures venant de l’extrême-gauche pour ne pas me réjouir qu’on puisse faire taire Monsieur Mélenchon. Je pense qu’il faut au contraire, dans les limites du respect de la loi, lui permettre de s’exprimer et le combattre sur le terrain des idées.

Ces dernières semaines, l’actualité a été marquée par des actes d’une extrême violence commis par des jeunes individus, à l’encontre de la jeune Samara à Montpellier, Shemseddine à Viry-Châtillon, Philippe dans le Nord. Qu’est-ce que traduit cette ultra-violence ?

Il y a plusieurs facteurs. Nous avons effectivement affaire à de très jeunes gens. Dans l’affaire Philippe, celui qui aurait porté les coups les plus violents est âgé de 14 ans. Ces jeunes individus n’ont plus de limites. Ils ne font plus la différence entre le bien et le mal, et le couteau est devenu chez eux une sorte de prolongement naturel de la main. À mon époque, lorsque j’avais 14-15 ans, des disputes éclataient en marge de l’école. On se mettait des gifles, etc. mais aucun d’entre nous n’avait un couteau dans la poche.

C’est un phénomène générationnel qu’on observe également dans les règlements de compte entre trafiquants de drogue. Il y a une vingtaine d’années, les gangs se visaient entre eux. Aujourd’hui, vous avez des gens qui arrivent et qui tirent dans le tas, et des personnes qui n’ont rien à voir avec les trafics sont tuées.

On a affaire à une génération qui a un rapport complètement désinhibé à la violence. Et je pense que cela pose la question de notre politique pénale vis-à-vis des mineurs. Je ne suis pas en train de dire qu’il faut envoyer des milliers d’enfants en prison, mais nous devons avoir une réponse pénale plus forte et plus stricte en matière d’accompagnement, de suivi et de sanctions.

Tous les spécialistes expliquent unanimement que si on ne sanctionne pas à la première bêtise, on encourage la récidive. Alors que lorsqu’on sanctionne tout de suite fortement le premier dérapage, l’enfant a plutôt tendance à réfléchir avant de recommencer.

Mais aujourd’hui, on ne sanctionne pas dès la première fois parce qu’on considère qu’il faut laisser une deuxième, une troisième et une quatrième chance et on se retrouve avec de très jeunes gens qui pensent que puisqu’ils sont mineurs, ils ne risquent rien et donc ils recommencent.

En marge de ses 100 jours à Matignon, Gabriel Attal a prononcé un discours à Viry-Châtillon sur le thème de l’autorité et a fait quelques annonces, notamment la mise en place d’un contrat entre les parents et les établissements scolaires dès la rentrée prochaine, mais aussi de peines plus sévères pour les mineurs en évoquant l’atténuation de l’excuse de minorité. Avez-vous été convaincu par le discours du Premier ministre ?

Ce sont de bonnes mesures, mais nous avons perdu beaucoup de temps. J’ai du respect pour le Premier ministre, mais il fait partie d’une majorité qui est au pouvoir depuis sept ans. Le problème de la violence chez les mineurs ne date pas d’hier.

Par ailleurs, je ne vais pas faire de procès d’intention au garde des Sceaux, mais j’aimerais simplement avoir la confirmation que Monsieur Dupond-Moretti est bien sur la même ligne que son Premier ministre. Je crains qu’il y ait là encore un discours ferme chez les uns et une vision qui n’est pas tout à fait la même à la Chancellerie, qui est pourtant la première concernée par ces questions.

Le 13 avril, la République islamique d’Iran a lancé une attaque de drones et de missiles sur Israël. Tsahal aurait riposté dans la nuit de jeudi à vendredi. Des explosions ont été entendues du côté d’Ispahan. Peut-on s’attendre à une escalade des tensions au Moyen-Orient ?

Je pense que l’affaire est terminée. Téhéran, vis-à-vis de sa population, ne pouvait pas laisser l’opération israélienne sur le sol libanais sans réponse. De son côté, Israël, à l’égard de son opinion publique, devait également répondre à l’attaque iranienne qui a, quand même, été inédite par son ampleur et par sa forme. On voit bien que la réponse de Tsahal a été très mesurée. Il y aurait pu avoir des drones israéliens sur Téhéran, mais il s’agissait finalement d’une réponse de principe.

Je crois que les États-Unis ont joué un rôle dans cette retenue d’Israël, notamment pour deux raisons. D’une part, il y a encore des négociations en cours sur la libération des otages, en tout cas de ceux qui sont encore en vie. Et si la région s’embrase, il n’y aura plus de libération des otages possible.

D’autre part, Joe Biden est en campagne et n’a donc plus intérêt à ce que le monde soit à feu et à sang. L’actuel locataire de la Maison-Blanche doit aussi gérer des rapports de force internes qui existe dans les facs américaines.

On voit bien que si l’armée israélienne avait vraiment voulu faire des dégâts, notamment en pilonnant les installations nucléaires iraniennes, elle l’aurait fait. Mais il y a eu une volonté de répondre pour le principe et de ne pas rentrer dans une logique d’embrasement de cette région qui connaît déjà de grandes tensions.

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