On attend des événements « prometteurs » après l’expulsion de la chaîne d’État chinoise du Royaume-Uni, affirme le directeur d’une ONG

Par Lily Zhou
10 mars 2021 23:50 Mis à jour: 10 mars 2021 23:50

Dans une interview accordée à Epoch Times, Peter Dahlin, directeur de Safeguard Defenders – l’ONG de défense des droits de l’homme qui a déposé des plaintes contre la chaîne d’État chinoise China Global Television Network (CGTN) conduisant à la révocation de sa licence au Royaume-Uni – n’a pas analysé en détail la décision de la France d’accorder une licence à cette chaîne chinoise. L’autorisation du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) permettant à la CGTN de transmettre sa propagande par satellite en Europe depuis une station terrestre en France a été fustigée dans les médias français.

En espérant que le régulateur français mettra « plus de pression sur la CGTN, et aussi sur la CCTV [China Central Television], pour qu’elles fassent plus attention à ce qu’elles diffusent », Peter Dahlin s’est concentré sur la révocation de sa licence de diffusion au Royaume-Uni.

En 2018 et 2019, l’ONG Safeguard Defenders a déposé de multiples plaintes auprès de l’Ofcom, l’autorité britannique de régulation de l’audiovisuel, au nom des victimes d’aveux extorqués et diffusés par la CCTV et son homologue anglophone la CGTN.

Peter Dahlin, directeur de l’ONG de défense des droits de l’homme Safeguard Defenders, parle à Epoch Times lors d’une interview virtuelle, en Espagne, le 8 mars 2021. (Epoch Times/Capture d’écran)

Lundi dernier, l’Ofcom a infligé une amende de 100 000 livres sterling (117 000 euros) à Star China Media Limited – ancien détenteur de la licence de la CGTN au Royaume-Uni – pour avoir diffusé des aveux extorqués au citoyen britannique Peter Humphrey en 2013. Ofcom a également rendu les verdicts concernant deux autres plaintes pour aveux forcés – celles qui ont été déposées par Simon Cheng, ancien employé du consulat britannique à Hong Kong, et Angela Gui, au nom de son père Gui Minhai.

Ofcom a également infligé une amende de 125 000 livres sterling (146 000 euros) pour la couverture biaisée par la CGTN des manifestations pro-démocratiques à Hong Kong.

Le 4 février, à la suite d’une enquête menée sur la demande des Safeguard Defenders, Ofcom a révoqué la licence qu’elle avait accordée à la CGTN pour le motif que la station chinoise était sous le contrôle d’un organe politique – le Parti communiste chinois (PCC).

« Nous avions un procès similaire à celui qui est en cours au Canada ; CCTV 4 et CGTN ont cessé d’émettre en Australie la semaine dernière, en attendant une enquête sur ces aveux extorqués et montrés à la télé. Nous constatons également des tendances similaires en Allemagne et, espérons-le, aussi dans d’autres pays », a souligné M. Dahlin.

Sans entrer dans les détails, il a ajouté qu’il y a « un certain nombre d’événements à venir, dont beaucoup sont très prometteurs ».

À la question si des démarches politiques seraient nécessaires pour que les pays renforcent leur législation sur les radiodiffuseurs publics étrangers, Peter Dahlin a répondu qu’il ne trouve pas nécessaire, mais que certaines réglementations existantes étaient trop archaïques pour traiter des nouvelles méthodes de diffusion.

« Il est vrai que, partout dans le monde, les réglementations existantes datent souvent des années 1970. Et nous vivons aujourd’hui dans un paysage médiatique très différent », a-t-il expliqué.

« Vous pouvez réglementer ce que la CGTN diffuse à la télévision, mais le même contenu peut ensuite être mis à disposition sur les plateformes de médias sociaux britanniques qui ne peuvent pas être réglementées. »

Dahlin a précisé qu’il y a beaucoup de façons de contourner les réglementations actuelles et que « nous arrivons au point où nous avons besoin d’une vision plus complète sur la façon dont nous devons combattre la désinformation, les mensonges directs, les préjugés et les fausses nouvelles ».

Mardi dernier, Pékin a condamné les amendes et les décisions de l’Ofcom.

Selon l’AFP, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères chinois Zhao Lijian a déclaré, lors d’un point de presse, que la CGTN avait « toujours respecté les principes d’objectivité et d’équité dans ses reportages » et que la Chine « se réservait le droit d’entreprendre, en réponse, des mesures justifiées et nécessaires ».

Deux faiblesses dans les décisions de l’Ofcom

Peter Humphrey, un expert britannique sur la Chine qui a été arrêté et emprisonné dans ce pays pendant deux ans, a été l’une des victimes de la diffusion télévisée d’aveux extorqués. Il s’est dit « très satisfait » des verdicts rendus dans les affaires de Cheng et Gui ainsi que des amendes imposées par l’Ofcom.

Peter Humphrey, ancien journaliste et consultant emprisonné en Chine pendant deux ans, parle à NTD au Royaume-Uni. (NTD/Capture d’écran)

Toutefois, M. Humphrey a déclaré que ces décisions portaient deux faiblesses majeures.

« Malheureusement, l’Ofcom peut imposer seulement une amende maximale de 250 000 livres sterling. Mais, franchement, les crimes de ce genre devraient, selon moi, entraîner des amendes bien plus élevées. Nous devrions parler de millions dans ces cas », a-t-il confié lundi à Epoch Times.

« La Grande-Bretagne a le cadre réglementaire le plus solide pour la diffusion télévisuelle, probablement le plus solide au monde », a-t-il poursuivi.

« Cependant… je pense que les sanctions qui sont disponibles ici pour punir les contrevenants sont beaucoup trop faibles, beaucoup trop petites. »

Humphrey a indiqué qu’une amende de 100 000 livres n’est qu’une « goutte d’eau dans l’océan » pour la CGTN qui est financée depuis « les poches très profondes, très sales et très sanglantes du Parti communiste chinois ».

« Cette amende n’a donc aucun sens pour la CGTN et elle n’a qu’une valeur symbolique. C’est un exemple qui montre que les sanctions dont dispose l’Ofcom sont absolument insuffisantes. »

Une autre « faiblesse majeure » des décisions de l’Ofcom, a poursuivi Peter Humphrey, est le fait qu’elles ne mentionnent pas les violations des droits de l’homme.

« Ces plaintes contre la CGTN et la CCTV sont les pires plaintes jamais déposées contre elles, car ces plaintes impliquent des crimes extrêmement graves et violents contre les droits de l’homme », a-t-il martelé.

« Je pense que l’Ofcom, en tant qu’agence indépendante, dont le mandat se base sur la législation sur les droits de l’homme, devrait donner plus d’importance à l’aspect des droits de l’homme dans ces plaintes.

« Cependant, dans aucun des jugements que j’ai vus au cours de l’année dernière, je n’ai aperçu de mention de violations des droits de l’homme… que ces plaintes méritent. C’est une faiblesse majeure dans la façon dont l’Ofcom mène ses affaires. »

Interrogé sur ce qu’il pense de la possibilité pour CGTN de reprendre pied en Europe en obtenant une licence en France, Peter Humphrey a déclaré que, bien que cela signifie techniquement que la CGTN peut à nouveau émettre au Royaume-Uni, cela pourrait être difficile dans la pratique.

La « poignée d’entreprises » que la CGTN pourrait approcher « va se trouver dans une position délicate, car elles sont soumises aux règlements de l’Ofcom et au code de la radiodiffusion britannique », a-t-il fait entendre.

« Je pense donc que la CGTN n’aura pas la tâche facile pour trouver un diffuseur pour acheminer son signal au Royaume-Uni. »

Simon Cheng, le 31 mars 2020 (Image de Simon Cheng)

Après les verdicts de l’Ofcom de lundi dernier, Simon Cheng, un militant pro-démocratie de Hong Kong, a déclaré que c’était « un moment important » qu’il attendait depuis plus d’une année et que c’était aussi un « signal très encourageant » pour les autres.

Il a souligné à Epoch Times que ces décisions pourraient encourager à « se lever » ceux dont les droits de l’homme ont été violés.

« Lorsque nous serons assez courageux pour parler, j’espère que la justice sera enfin rendue », a conclu Simon Cheng.

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