« On va vers un Nuremberg du coronavirus »: le gouvernement devra rendre des comptes, d’après un haut fonctionnaire

Par David Vives
15 mai 2020 14:44 Mis à jour: 4 octobre 2023 09:41

Presque deux mois après la mise au point du traitement d’hydroxychloroquine et d’azythromycine par le Pr. Raoult, celui-ci est prescrit dans au moins onze pays d’après l‘Institut Méditerranée-infection. À ce jour, la ville de Marseille ne compte que 151 décès, un record à l’échelle du pays. Le traitement conserve malgré tout une réputation sulfureuse et n’est pas recommandé par les autorités sanitaires françaises. Décryptage sans langue de bois avec Eric Verhaeghe, haut fonctionnaire et rédacteur en chef du Courrier des stratèges.

Epoch Times : Vous avez dénoncé l’attitude du gouvernement consistant à interdire l’hydroxychloroquine en mars.

Eric Verhaeghe : On voit en effet que le gouvernement a été mis dans une position difficile par l’opinion publique. Rappelons quand même que le Quotidien du médecin a publié un sondage d’opinion le 6 avril affirmant que 80% des médecins étaient candidat pour expérimenter l’hydroxychloroquine sur eux-mêmes. Lorsque 80% des médecins en France disent: « Nous pensons qu’à titre personnel l’hydroxychloroquine est bonne pour nous », c’est difficile pour le gouvernement d’expliquer l’interdiction de sa prescription.

D’une certaine façon, le gouvernement a été contourné dans cette affaire. Le Conseil d’État a souligné dans un arrêté rendu fin mars que le gouvernement n’avait pas commis d’erreur en interdisant la prescription de l’hydroxychloroquine, mais que les médecins devaient conserver leur liberté de prescription, ce qui est acté.

C’est dans cet équilibre instable que l’on se retrouve aujourd’hui et qui montre qu’en réalité les Français ont lâché ce gouvernement, et ont pris leurs dispositions malgré le discours gouvernemental.

Vous avez dénoncé des manœuvres dilatoires de la part des autorités, pouvez-vous préciser ?

L’explication officielle est que l’on considère que l’hydroxychloroquine n’a pas fait l’objet de test dans les règles de l’art. Donc au nom de ce respect des protocoles, le gouvernement en France a pris des mesures d’encadrement très strictes, drastiques sur la prescription de l’hydroxychloroquine.

Ce que j’appelle des manœuvres dilatoires, ce sont d’après moi les raisons officieuses expliquant la position du gouvernement.

En premier lieu, elles ont été conduites par la Haute Autorité de santé, puis par des décrets d’applications. On a considéré que l’hydroxychloroquine ne devait être prescrite que dans des cas très graves alors qu’on sait qu’elle ne fonctionne pas dans ces cas-là et qu’elle devait être extrêmement encadrée.

Et puis il y a les premières alertes sur les pénuries de masques, qui datent de mai 2019. Cela était écrit noir sur blanc, et malgré l’arrivée de la pénurie, les autorités sanitaires n’ont pas commandé de masques en France avant le 1er avril 2020. Et ce sont ces mêmes personnes qui deviennent sur l’hydroxychloroxine des parangons du principes de précaution.

Rappelons quand même que le taux de mortalité aux urgences en réanimation se situe aux alentours de 40% (suivant une étude indépendante de médecins réanimateur, ndr) autrement dit lorsque vous commencez à être intubé en France vous avez près d’une chance sur deux de mourir. Et donc il a été expliqué qu’il y aurait un risque mortel lié à l’hydroxychloroquine et que cela justifiait de ne pas utiliser ce traitement. Tout cela montre qu’il y a quelque chose qui n’est pas clair. Et une explication plausible, c’est que il y a eu des rivalités de personnes. Le professeur Raoult qui est un esprit indépendant flamboyant, un beau sabreur comme on aurait dit à l’époque romantique, a fait face à une aristocratie parisienne qui est allergique à ce genre de comportement et qui souhaite garder le contrôle de la politique sanitaire.

Ces manœuvres dilatoires qui existent, qui fonctionnent, elles font très peur au pouvoir. Aujourd’hui, on le sait par les rumeurs de coulisse, l’entourage de Matignon considère que cette position du gouvernement sur l’hydroxychloroquine lui jouera un tour. Cela justifiera tôt ou tard le lancement d’une procédure, probablement devant la Cour de la justice de la République, pour demander des comptes au gouvernement.

Y a-t-il une concurrence qui ne dirait pas son nom entre l’hydroxychloroquine et d’autres traitements en cours de développement ?

C’est effectivement une autre explication de la situation dans laquelle nous nous trouvons. Ce sont des intérêts industriels en jeu, le fait que l’hydroxychloroquine est un médicament qui ne coûte pas cher, qui a déjà été développé et qui ne rapportera rien à l’industrie pharmaceutique. Et qui, en plus, a un côté « ringard » puisque c’est un médicament qu’on prescrit pour lutter contre le paludisme en Afrique.

Expliquer qu’en France on traite une maladie moderne, contemporaine, comme le Coronavirus avec un médicament que l’on prescrit en Afrique, cela ne fait pas sérieux. On préfère des médicaments « hype », quelque chose qui rime avec « start-up nation », « high-tech », comme le Remdesivir de Gilead dont la capitalisation boursière a gagné 10 milliards de dollars en quelques jours grâce à la spéculation sur l’efficacité de cette molécule.

L’explication est probablement là. C’est à dire une probable fascination des élites parisiennes pour ce qui vient d’Amérique et un mépris pour ce qui vient de Marseille.

La course au vaccin est lancée, à renfort d’appels aux dons et de campagnes de communication comme celle de l’OMS. Que cela vous inspire t-il ?

Tous ceux qui travaillent dans la santé savent que les intérêts industriels existent. Les entreprises et laboratoires pharmaceutiques qui développent des médicaments investissent massivement avec l’espérance d’avoir une rentabilité sur leurs produits. Nous avons la même chose en France. Il ne faut pas croire qu’il n’y a que les laboratoires américains qui sont concernés par cette logique. En France, l’Institut Pasteur a développé un test sur le coronavirus et souhaite manifestement en garder la maîtrise et d’une certaine façon, le monopole. Il y a bien entendu partout des logiques d’intérêts qui sont à l’œuvre et il faudrait être un grand naïf pour croire que ces intérêts n’interagissent pas avec les choix politiques concernant la santé. Et bien évidemment, on parierait qu’il y a des intérêts en jeu et que d’une certaine façon ces intérêts ont une influence directe sur des décisions qui sont prises, comme les choix de tels ou tels médicaments.

Dis comme cela, c’est un peu terrible, calculer une solution médicale en fonction de résultats économiques…

Oui, mais regardez la différence de stratégie entre l’Allemagne et la France, pour comprendre combien d’une certaine façon nous sommes les habitués et les complices de cette stratégie. Elle paraît cruelle quand on la dévoile comme ça mais en réalité nous le savons tous. L’Allemagne est un pays qui mise beaucoup plus que la France sur la prévention, sur le dépistage, avec des tests massifs. L’Allemagne a misé sur un respect de règles sociales importantes de prévention à la contamination. La France a été beaucoup moins précautionneuse et a misé sur le traitement des malades. C’est une vieille stratégie. En France, de longue date, on préfère guérir les maladies plutôt que de prévenir des maladies, et c’est le fondement même de la politique sanitaire en France. Pourquoi ? Parce qu’il est mis en avant une industrie pharmaceutique qui est en meilleure santé lorsqu’elle peut vendre des médicaments plutôt que lorsque les gens ne tombent pas malades. Donc il y a un intérêt économique à avoir les gens malades pour les soigner plutôt que de leur éviter d’être malades. Et ça fait 50 ans que c’est comme ça en France. On a une assurance maladie en France. Ce n’a pas une assurance santé. Donc la France est habituée à avoir une stratégie fondée sur la consommation des médicaments et certainement pas sur la prévention de la maladie.

On compte plus de 60 plaintes contre le gouvernement visant Édouard Philippe, Agnès Buzin ou Olivier Véran. Cela influe-t-il sur les décisions publiques ?

Oui, le gouvernement a évidemment très peur de la stratégie contentieuse suivie par un certain nombre d’acteurs de cette crise. Notamment les soignants, qui préparent des actions collectives contre le gouvernement pour mettre en cause la responsabilité pénale du Premier ministre, du ministre et des hauts fonctionnaires. Dans ce dossier, l’entourage du premier ministre parle d’un prochain « Nuremberg du coronavirus ». C’est-à-dire que Matignon s’attend à ce qu’il y ait un grand procès qui serait du même ordre, plus large que celui du sang contaminé. L’affaire du coronavirus concerne beaucoup plus de segments de la société et a produit beaucoup plus de morts. Donc le gouvernement s’attend à ce qu’il y ait une affaire du sang contaminé puissance 10. Et pour Édouard Philippe – qui est quand même du métier, conseiller d’État, c’est-à-dire magistrat, va se retrouver à la barre, accusé de crimes. Ce sera une situation très compliquée.

On sent bien que cette menace qui pèse sur le gouvernement est un déterminant important de l’action publique aujourd’hui. C’est-à-dire que toute la stratégie du déconfinement s’organise autour de la limitation du risque pénal pour le Premier ministre. Ce qui conduit par exemple le ministère de l’Éducation nationale à ne pas avoir donné d’instructions claires sur la réouverture des écoles primaires le 11 mai et renvoyer aux maires le choix d’arbitrer cette question. Cela pose un vrai sujet d’équilibre institutionnel parce qu’en réalité quand un général a peur de faire la guerre, on est à peu près sur qu’on va la perdre.

Propos recueillis par David Vives

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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