Un organe de l’ONU collabore avec une agence du PCC connue pour ses violations des droits humains

Par Frank Fang
30 juin 2021 19:09 Mis à jour: 30 juin 2021 19:09

Un organe des Nations unies créé pour lutter contre la drogue et la corruption est mis en cause pour avoir conclu un accord avec une agence extrajudiciaire chinoise connue pour ses violations des droits humains.

Le 29 juin, le groupe de défense des droits humains Safeguard Defenders, basé à Madrid, a annoncé une nouvelle enquête sur le système de détention secret chinois connu sous le nom de liuzhi, ainsi que la soumission des résultats de son enquête (pdf) aux procédures spéciales de l’ONU, auxquels travaillent des rapporteurs spéciaux et des groupes de travail d’experts.

Le groupe de défense des droits qualifie le système des liuzhi de « système légalisé de disparition ».

Les préoccupations du groupe de défense des droits sont centrées sur la manière dont l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) a choisi de travailler avec l’agence chinoise à l’origine du système liuzhi, soit la Commission nationale de surveillance (NSC). Les deux parties ont signé un protocole d’accord (memorandum of understanding) en octobre 2019.

Depuis octobre, la NSC aurait soumis au moins 28 983 individus au système liuzhi, selon les estimations de Safeguard Defenders. Au cours de la même période, le régime chinois a confirmé avoir soumis seulement 5 909 individus à ce système.

Le groupe Safeguard Defenders a également estimé qu’un minimum de 16 à 76 personnes sont en moyenne soumises au système liuzhi chaque jour.

« La NSC est responsable d’actes généralisés et systématiques de disparitions forcées, de torture et d’autres actes inhumains à caractère similaire causant intentionnellement de grandes souffrances ou des atteintes graves à l’intégrité physique ou à la santé mentale, des violations flagrantes des droits humains qui ont toutes été signalées aux Nations unies », a déclaré le groupe de défense des droits.

Les détails de l’accord rendus publics sont limités, si ce n’est que d’avoir déclaré que les deux parties travailleront dans des domaines tels que le partage d’informations sur la prévention de la corruption et le rapatriement des fugitifs. Safeguard Defenders a déclaré avoir, par conséquent, demandé à l’ONUDC de publier le contenu complet du protocole d’accord. Or, la demande aurait été rejetée.

« Si 28 983 personnes détenues arbitrairement, disparues et torturées depuis la signature du protocole d’accord ne sont pas suffisantes pour que l’ONUDC réalise que la NSC n’est pas un partenaire approprié, et [qu’il est] encore moins [approprié] de développer une coopération plus approfondie avec elle, combien [d’autres victimes] faudra-t-il encore ? » a demandé Safeguard Defenders.

La NSC, un organe non judiciaire, est une agence anticorruption de grande ampleur créée par le Parti communiste chinois (PCC) en mars 2018. Elle est chargée d’enquêter sur les crimes économiques commis par des hommes d’affaires, des membres du Parti et des fonctionnaires.

La NSC détient un énorme pouvoir, notamment celui d’émettre des mandats, de geler les actifs, de convoquer les suspects et de les détenir pendant au moins six mois dans le système liuzhi, où le contact avec leur famille ou un avocat leur est interdit.

Laura Harth, directrice de campagne pour Safeguard Defenders, a déclaré que les agences de l’ONU sont toutes « liées aux droits humains fondamentaux relevant des traités et des conventions relatives aux droits humains », qui condamnent la détention arbitraire, les disparitions forcées, le recours à la torture et l’interdiction d’être légalement représenté.

« Pourtant, en signant un protocole d’accord et en reconnaissant l’organe extrajudiciaire NSC comme le représentant légitime du gouvernement chinois pour le champ d’application de la Convention contre la corruption, l’ONUDC déroge complètement à ses obligations à cet égard », a déclaré Mme Harth dans un courriel adressé à Epoch Times.

Elle a ajouté que les suspects pourraient être détenus sous le système liuzhi pour une période au-delà de six mois.

« Le seul objectif de cette période de détention – allant jusqu’à six mois – est de forcer les aveux, et un suspect restera probablement [en détention] aussi longtemps que nécessaire pour qu’on obtienne de lui ces aveux », a-t-elle ajouté.

En mai 2018, moins de deux mois après la création du NSC, le premier décès connu dans le système liuzhi a été rapporté. Citant le média d’État chinois Caixin, Safeguard Defenders a indiqué que l’homme décédé était Chen Yong, qui a été détenu en liuzhi pendant 26 jours avant sa mort. Chen était le chauffeur d’un fonctionnaire local qui était suspecté dans une affaire de corruption.

La famille de Chen a vu son corps mutilé et meurtri, ce qui laisse penser que ce dernier a été « torturé à mort », selon Safeguard Defenders (pdf).

Un autre détenu connu du système liuzhi était Meng Hongwei, ancien président d’Interpol. Il a été porté disparu après son retour en Chine en septembre 2018, avant que la NSC ne publie un communiqué confirmant sa détention le mois suivant. En janvier 2020, Meng a été condamné à 13 ans et 6 mois de prison après avoir plaidé coupable d’avoir accepté plus de 2 millions de dollars de pots-de-vin.

Le protocole d’accord que la NSC a signé avec l’UNODC n’est pas le seul. Selon le site web de la NSC, la commission a également signé des accords similaires avec plusieurs pays, dont l’Argentine, la Thaïlande, les Philippines et le Vietnam.

« Au moins du côté de la NSC, la signature de ces protocoles d’accord a effectivement légitimé la décision de la Chine de confier la coopération judiciaire et les enquêtes criminelles à un organe non judiciaire », a déclaré Safeguard Defenders.

Le liuzhi n’est pas le seul système de disparition forcée en Chine. Le PCC procède également à des « enlèvements massifs sanctionnés par l’État » de sa population et d’étrangers dans le cadre d’un système appelé « surveillance résidentielle dans un lieu désigné«  (Residentiel Surveillance at a Designated Location, RSDL). Ce dernier est exécuté par des policiers des ministères chinois de la Sécurité publique et de la Sécurité d’État.

En août 2019, 27 organisations de défense des droits humains, dont Safeguard Defenders, le Congrès mondial ouïghour et la Campagne internationale pour le Tibet, ont publié une déclaration commune appelant le régime chinois à mettre fin à toutes les formes de disparitions forcées, y compris la RSDL et les liuzhi.

Safeguard Defenders a demandé aux procédures spéciales de l’ONU de procéder à une « analyse complète » du système liuzhi et de déterminer dans quelle mesure il « est conforme aux obligations internationales en matière de droit et de droits humains. »

Mme Harth a demandé à l’ONUDC de publier le contenu du protocole d’accord. L’agence des Nations unies devrait immédiatement cesser toute coopération avec la NSC qui place l’organe du Parti communiste chinois comme « représentant légitime » du régime chinois, a-t-elle ajouté.

L’ONUDC n’a pas immédiatement répondu à la demande de commentaires d’Epoch Times.

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